Chapitre 4

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Le samedi matin, le parc du vieux quartier s’éveillait sous un ciel gris perle. Un vent frais s’infiltrait entre les branches des arbres, faisant frémir les feuilles dorées qui se détachaient doucement pour rejoindre la terre. Les allées pavées, encore humides de la rosée nocturne, brillaient faiblement sous la lumière tamisée. Corentin, Kenny, et Mira marchaient côte à côte, leurs appareils photo pendus autour du cou.

— C’est tellement calme ici, j’adore, s’émerveilla Mira en tournoyant sur elle-même.

Le parc, autrefois lieu de promenade des familles et des enfants, avait perdu de sa popularité ces dernières années. Les vieux lampadaires en fer forgé, éteints en plein jour, donnaient au lieu un air mélancolique, presque fantomatique. Des statues aux visages usés par le temps se dressaient le long des allées, figées dans des postures oubliées.

Kenny resserra les pans de sa veste autour de lui, frissonnant.

— Il fait froid... J’espère qu’on va pas y passer la journée, murmura-t-il en jetant un regard autour de lui. Cet endroit me donne un peu les frissons.

— C’est tout ce qui le rend encore plus fascinant ! répliqua Mira avec enthousiasme. Imagine toutes les photos qu’on peut prendre ici, avec cette ambiance... on pourrait presque en faire un reportage sur les lieux hantés de la ville !

Corentin esquissa un sourire, amusé par l’énergie inépuisable de son amie. Elle avait ce don particulier de voir la beauté là où d’autres ne percevaient que l’ombre. Il ajusta la sangle de son appareil et balaya le parc du regard. Tout semblait en ordre, et pourtant, il ne pouvait se défaire d’une impression de malaise, comme si quelque chose guettait au-delà des arbres.

Ils continuèrent d’avancer, s’arrêtant de temps en temps pour capturer des clichés. Mira photographiait les détails des statues, s’attardant sur les expressions figées, les yeux vides qui semblaient suivre chaque mouvement. Kenny se contentait de prendre des photos de paysages, capturant les arbres imposants dont les branches tordues se rejoignaient en une canopée naturelle au-dessus d’eux.

Corentin, lui, se concentra sur la lumière. Il avait toujours été fasciné par la façon dont le soleil, même caché derrière des nuages, trouvait le moyen de percer les feuillages et de créer des jeux d’ombres complexes. À travers l’objectif, le monde semblait différent, plus net et plus clair. Il pouvait presque oublier ses soucis, le temps d’un instant.

— Hé, regardez là-bas, chuchota soudain Kenny, interrompant leurs réflexions.

Ils suivirent son regard et aperçurent une vieille fontaine en pierre, couverte de mousse, en plein centre du parc. L’eau stagnante formait des cercles lents, perturbés par le vent. Des feuilles mortes flottaient à la surface, s’accumulant dans un coin, créant un tapis brunâtre.

— C’est un endroit parfait pour des photos, fit Mira en s’approchant, déjà prête à immortaliser la scène.

Kenny et Corentin la suivirent, mais quelque chose clochait. Corentin sentit une tension s’installer dans ses épaules, un pressentiment qu’il ne parvenait pas à ignorer. Il s’efforça de se détendre, se rappelant qu’il devait agir normalement. Pourtant, ses sens restaient en alerte.

Mira, inconsciente de son malaise, continuait à prendre des photos, se penchant au-dessus de la fontaine pour capturer les reflets déformés à la surface de l’eau. Elle s’amusait à jouer avec les angles, créant des illusions d’optique où les branches des arbres semblaient s’étirer et se tordre en une danse sinistre.

— C’est incroyable... C’est comme si le parc nous montrait une autre version de lui-même, murmura-t-elle, ses yeux brillants d’émerveillement.

Kenny haussa les épaules, peu convaincu.

— Si tu le dis... En tout cas, je préfère quand même les lieux un peu plus vivants.

Corentin laissa échapper un rire discret. La réaction de Kenny était typique ; il n’aimait pas ce qui sortait de l’ordinaire, et encore moins les endroits qui pouvaient lui rappeler l’atmosphère d’un film d’horreur. Pourtant, il ne put s’empêcher de se sentir reconnaissant pour ce moment, où tout semblait encore normal, malgré le cadre étrange.

Ils restèrent près de la fontaine pendant un moment, chacun prenant ses clichés sous un angle différent. Le bruit des clics des appareils photo se mêlait au souffle du vent, créant une sorte de mélodie apaisante.

Soudain, un craquement se fit entendre, un bruit sec qui résonna à travers le parc. Corentin se figea, ses sens en alerte. Il chercha du regard l’origine du bruit, mais il ne vit rien d’autre que les arbres immobiles et les allées désertes. Mira se redressa, les sourcils froncés.

— Vous avez entendu ça ?

Kenny, déjà nerveux, serra un peu plus sa veste.

— Ouais... C’était quoi ?

Corentin garda son calme, tentant de rassurer ses amis.

— Probablement une branche qui est tombée. Le vent est fort aujourd’hui.

Mais il n’était pas convaincu par ses propres paroles. Il avait l’impression que le parc tout entier retenait son souffle, comme si quelque chose de caché les observait. Il se força à sourire pour dissiper l’atmosphère lourde qui s’était installée.

— Allez, continuons à explorer. On ne va pas laisser un petit bruit gâcher notre sortie, pas vrai ?

Mira acquiesça, reprenant son énergie habituelle, mais Kenny restait tendu, jetant des regards anxieux autour de lui. Corentin prit une profonde inspiration, essayant de se convaincre que tout allait bien. Après tout, ce n’était qu’une sortie photo dans un parc tranquille... rien de plus.

Ils continuèrent leur marche, le bruit de leurs pas résonnant doucement sur les pavés humides. Pourtant, Corentin ne pouvait se défaire de cette sensation : celle d’un regard invisible posé sur eux, quelque part, au-delà des ombres.

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