Chapitre 20
La journée s'était déroulée dans une routine presque étouffante pour Corentin. Entre les cours, les discussions avec Mira et Kenny, et les regards toujours appuyés de Nathaniel, il sentait une tension croissante autour de lui. Depuis que Nathaniel l’avait surpris en train d’écouter aux portes, son comportement semblait à la fois plus familier et plus énigmatique. Chaque mot, chaque regard, était chargé d’une ambiguïté qui le troublait profondément.
Le lycée s’était vidé peu à peu en fin de journée. La lumière dorée du soleil déclinant s’infiltrait à travers les grandes fenêtres des couloirs, projetant des ombres longues et mouvantes sur les murs. Corentin, sac sur l’épaule, traînait les pieds en direction de la sortie, espérant retrouver Mira et Kenny pour rentrer ensemble.
Alors qu’il atteignait un couloir désert, une voix douce et familière s’éleva derrière lui.
— Corentin.
Il se retourna brusquement, son cœur s’accélérant. Nathaniel se tenait là, adossé nonchalamment à un casier, les bras croisés. Son visage était illuminé par un sourire qui semblait chaleureux, mais quelque chose dans son regard trahissait une certaine intensité.
— Tu as une minute ? demanda Nathaniel, sa voix basse et presque apaisante.
Corentin hésita. Une part de lui voulait refuser, prétendre qu’il était pressé, mais la curiosité le poussa à hocher la tête.
— Oui, pourquoi ?
Nathaniel ne répondit pas tout de suite. Il se contenta de faire un signe de tête vers le bout du couloir, où une porte menait à une section peu utilisée du lycée. Une aile ancienne, presque abandonnée, que les élèves évitaient généralement.
— Viens, murmura Nathaniel. C’est important.
Corentin sentit une hésitation le retenir. L’instinct lui disait que suivre Nathaniel dans cette aile sombre était une erreur. Mais le regard de Nathaniel, à la fois persuasif et insondable, semblait l’envoûter. Avant qu’il ne puisse vraiment réfléchir, il le suivit.
Ils marchèrent en silence, leurs pas résonnant sur le carrelage. À mesure qu’ils s’éloignaient des zones fréquentées, l’ambiance changea. Les murs étaient plus sombres, la peinture écaillée par endroits, et une odeur de renfermé flottait dans l’air. Les fenêtres, couvertes de poussière, filtraient à peine la lumière extérieure, plongeant le couloir dans une semi-obscurité.
Nathaniel s’arrêta soudain, se tournant vers une porte entrouverte. Il posa la main dessus et se tourna vers Corentin, un sourire énigmatique sur les lèvres.
— C’est ici, dit-il simplement.
Corentin fronça les sourcils, perplexe.
— Ici pour quoi ? demanda-t-il, sa voix légèrement tremblante.
Nathaniel poussa la porte sans répondre. La pièce à l’intérieur était une ancienne salle d’archives, avec des étagères métalliques rouillées et des piles de cartons oubliés. Une fenêtre unique laissait entrer un faible rayon de lumière, illuminant les particules de poussière en suspension dans l’air.
Nathaniel entra, et Corentin le suivit à contrecœur, ses pas réticents. Une fois à l’intérieur, Nathaniel s’adossa à une étagère, croisant les bras.
— Alors, Corentin, commença-t-il, sa voix douce et presque musicale. Pourquoi as-tu cette impression que je te cache quelque chose ?
Corentin sentit un frisson le parcourir. La question était directe, presque accusatrice, mais le ton de Nathaniel restait décontracté, comme s’il s’amusait.
— Parce que… tu as des comportements étranges, répondit-il prudemment, essayant de ne pas montrer son malaise. Comme… maintenant, par exemple. Pourquoi m’emmener ici ?
Nathaniel laissa échapper un petit rire, un son qui résonna étrangement dans la pièce.
— Tu as raison, admit-il. Je suppose que j’aime jouer avec les mystères. Ça rend les choses plus intéressantes, tu ne trouves pas ?
Il s’approcha lentement, réduisant la distance entre eux. Corentin recula instinctivement, se heurtant presque à une étagère.
— Mais toi aussi, tu es mystérieux, continua Nathaniel, son regard scrutateur fixant Corentin avec une intensité presque hypnotique. Tu caches quelque chose, n’est-ce pas ?
Corentin sentit son cœur s’emballer. Les mots de Nathaniel semblaient frapper juste, mais il ne pouvait pas laisser paraître son trouble.
— Je ne sais pas de quoi tu parles, répondit-il d’un ton qu’il espérait ferme.
Nathaniel s’arrêta à quelques centimètres de lui, un sourire toujours accroché à ses lèvres.
— Oh, je pense que tu sais exactement de quoi je parle, murmura-t-il. Tu es différent, Corentin. Je le vois. Je le sens.
Le parfum de lavande qui émanait de Nathaniel semblait envelopper Corentin, brouillant son esprit. Il tenta de se dégager de cette proximité, mais Nathaniel posa une main légère sur l’étagère, bloquant son mouvement.
— Tu es trop curieux pour ton propre bien, reprit Nathaniel, son ton légèrement moqueur. Mais j’aime ça. Tu veux savoir qui je suis, ce que je fais ici… et pourquoi Livia et moi nous intéressons à toi.
Corentin ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun mot ne sortit. Il était pris au piège entre son instinct qui lui criait de fuir et sa curiosité qui le maintenait immobile.
Nathaniel s’écarta finalement, rompant la tension. Il tourna le dos à Corentin, regardant par la fenêtre.
— Tu es intéressant, Corentin. Peut-être trop intéressant. Mais fais attention. Être intéressant peut être… dangereux.
Il se retourna, un sourire énigmatique sur le visage.
— Ce n’est pas un avertissement, ajouta-t-il. Juste un conseil d’ami.
Avant que Corentin ne puisse répondre, Nathaniel s’approcha de la porte, l’ouvrit et disparut dans le couloir sombre, laissant Corentin seul dans la pièce. L’atmosphère semblait plus lourde, l’air plus étouffant. Corentin resta immobile, les mots de Nathaniel résonnant dans son esprit comme un écho lointain.
Il sortit de la pièce quelques minutes plus tard, les jambes légèrement tremblantes. Les couloirs étaient vides, et le silence pesant semblait accentuer son malaise. En retrouvant enfin la lumière des zones fréquentées, il sentit une vague de soulagement le traverser. Mais il savait qu’il ne pourrait pas oublier ce qui venait de se passer.
Nathaniel avait joué avec lui, mais ce jeu n’était pas anodin. Il y avait un objectif, un but caché derrière ces paroles et ces sourires. Corentin en était convaincu. Et maintenant, plus que jamais, il savait qu’il devait découvrir la vérité. Non seulement sur Nathaniel, mais aussi sur lui-même.
Car Nathaniel avait raison : il y avait des secrets. Mais lesquels ?
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