Chapitre 21
La journée au lycée avait commencé comme n’importe quelle autre, mais une atmosphère étrange planait dans les couloirs. Corentin le sentait dans le chuchotement nerveux des élèves, dans le regard furtif des enseignants, comme si quelque chose d’indicible s’apprêtait à éclater. Pourtant, tout semblait encore normal à la pause de midi. Mira et Kenny plaisantaient doucement sur le banc où ils s’étaient installés, tentant de trouver un peu de légèreté dans leur quotidien.
C’est alors que tout bascula.
Une alarme stridente déchira l’air, un cri métallique qui semblait griffer les murs du bâtiment. Chaque élève se figea, les conversations s’arrêtant net. Corentin sentit son cœur s’emballer. Il connaissait ce son : l’alerte aux monstres. L’onde de choc traversa les groupes d’élèves comme une vague d’inquiétude, chacun se tournant vers l’origine de l’alarme. Puis, la voix grave et mécanique de l’interphone se fit entendre.
« Alerte aux monstres. 20 victimes retrouvées vidées de leur sang dans le secteur sud. Restez groupés et attendez les consignes des autorités. »
Un silence lourd s’installa. Puis la panique éclata.
Les élèves se levèrent d’un bond, certains criant, d’autres cherchant désespérément à rejoindre leurs amis. Mira porta les mains à sa bouche, ses yeux déjà embués de larmes.
— Vingt personnes… vidées de leur sang ? murmura-t-elle, sa voix tremblante.
Corentin, à ses côtés, tenta de garder son calme, mais son estomac se noua violemment. Ses pensées s’entrechoquaient. Cette attaque… si brutale, si rapide… Cela ne pouvait être qu’un vampire ou un groupe d’entre eux. Il sentait le regard de Mira sur lui, et son angoisse augmenta.
— Mon Dieu… ce sont eux, pas vrai ? Ces monstres, ces vampires ! cracha Mira, les larmes roulant sur ses joues. Pourquoi ils ne disparaissent pas tous ? Pourquoi ils existent encore ?
Corentin détourna les yeux, serrant les poings pour se contenir. Ces mots, aussi compréhensibles qu’ils soient dans une telle situation, lui brûlaient la peau. Kenny posa une main sur l’épaule de Mira, essayant de la calmer.
— Mira, ça va aller, murmura-t-il, même si sa propre voix tremblait. On est en sécurité ici. Ils n’oseraient pas s’approcher d’un endroit aussi surveillé… n’est-ce pas ?
Mais il n’y avait aucune certitude dans ses mots, et le silence pesant qui suivit ne fit qu’ajouter à leur malaise.
Soudain, une voix douce, calme, mais terriblement précise s’éleva derrière eux.
— Vous devriez tous rester ensemble. C’est plus sûr.
Ils se retournèrent d’un bloc. Nathaniel était là, debout à quelques pas, accompagné de Livia. Son expression était neutre, mais ses yeux semblaient briller d’une lumière étrange, presque hypnotique. Il s’approcha lentement, ses pas résonnant sur le sol carrelé, tandis que le silence s’installait autour de lui.
— La situation est grave, ajouta-t-il d’un ton presque chaleureux. Il ne faut pas prendre de risques inutiles.
Mira, toujours secouée, ne sembla pas remarquer l’étrangeté de son attitude. Elle hocha simplement la tête, acceptant ses paroles comme un réconfort inattendu. Kenny fit de même, bien que son regard restât fixé sur Nathaniel, comme s’il cherchait à comprendre quelque chose.
Mais Corentin… lui sentait une tension grandir. Nathaniel s’arrêta à quelques centimètres de lui, le fixant avec une intensité troublante. Son sourire s’élargit légèrement, et dans un geste qui sembla presque théâtral, il passa lentement sa langue sur ses lèvres. Ce geste, si subtil, fit monter une sueur froide le long de la nuque de Corentin. C’était comme si Nathaniel cherchait à lui envoyer un message, un avertissement silencieux qu’il était le seul à comprendre.
Corentin recula instinctivement, mais Nathaniel resta immobile, son regard toujours planté dans le sien. Livia, à côté de lui, posa doucement une main sur son bras, comme pour l’inciter à se calmer.
— Nathaniel, nous devrions… rester discrets, murmura-t-elle, sa voix douce mais ferme.
Il tourna la tête vers elle, son sourire s’adoucissant légèrement.
— Bien sûr, répondit-il avant de se tourner à nouveau vers Corentin. Mais n’oubliez pas, Corentin : la prudence est une vertu. Surtout dans des moments comme celui-ci.
Il recula alors, rejoignant Livia à quelques pas. Mira et Kenny, trop absorbés par leur peur, ne semblaient pas avoir remarqué l’échange troublant entre Nathaniel et Corentin. Mais ce dernier sentait son cœur battre à tout rompre. Nathaniel savait. Peut-être pas tout, mais suffisamment pour jouer avec lui.
Les surveillants apparurent enfin, leur voix autoritaire couvrant le murmure nerveux des élèves. Ils ordonnèrent à tout le monde de se regrouper dans le gymnase, un lieu qu’ils jugeaient plus sûr. Mira, toujours tremblante, attrapa le bras de Corentin, l’entraînant avec Kenny vers la foule.
Le chemin jusqu’au gymnase fut oppressant. Les couloirs semblaient plus sombres que d’habitude, les ombres projetées par les lampes vacillantes s’étirant sur les murs comme des créatures tapies dans l’obscurité. Les bruits de pas et les murmures des élèves résonnaient dans l’air, créant une cacophonie angoissante.
Dans le gymnase, les élèves s’entassèrent sur les gradins, leurs visages marqués par la peur et la fatigue. Mira s’assit près de Corentin, posant sa tête sur son épaule, ses sanglots silencieux ébranlant son corps. Kenny, à côté d’eux, gardait les bras croisés, son regard fixant le vide.
— Je déteste ces monstres, murmura Mira, sa voix étouffée. Je les déteste tellement…
Corentin ne répondit pas. Il ne le pouvait pas. Ses pensées tourbillonnaient, un mélange de culpabilité, de peur et de colère. Nathaniel, installé de l’autre côté de la salle avec Livia, semblait toujours le surveiller, son regard insistant le brûlant à chaque fois qu’il se tournait vers lui.
Et puis, ce sourire. Ce sourire qui semblait contenir toutes les réponses que Corentin cherchait, mais qu’il n’était pas encore prêt à entendre.
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