Chapitre 22
Le gymnase était plongé dans un calme pesant, presque irréel. Chaque murmure, chaque sanglot semblait résonner dans l’immensité de la salle, amplifié par le silence oppressant qui pesait sur tout le monde. Les secondes s’étiraient comme des heures, chaque minute devenant une épreuve de patience insoutenable. Les élèves, regroupés par petits cercles, se parlaient à voix basse, leurs visages marqués par la peur et l’incertitude.
Corentin était assis entre Mira et Kenny, mais son esprit était ailleurs. Son pied continuait de bouger frénétiquement, frappant le sol dans un tic nerveux incontrôlable. Il essayait de ne pas prêter attention aux bribes de conversation qui s’élevaient autour de lui, mais certains mots semblaient le poursuivre.
— C’est sûr que c’est des vampires, disait une fille à quelques mètres. Qui d’autre pourrait faire ça ? Vider quelqu’un de son sang… vingt personnes, c’est pas humain.
— Des zombies, peut-être, chuchota un autre élève. Tu sais, les vrais, pas ceux des films. Ceux qui mangent tout… même les organes.
— Peu importe ce que c’est, murmura une troisième voix, ça pourrait très bien être ici maintenant… parmi nous.
Chaque mot était une flèche invisible, s’enfonçant un peu plus dans l’esprit de Corentin. Il baissa la tête, fixant le sol sans vraiment le voir. Sa jambe s’agitait toujours, incapable de rester immobile. Ses mains, posées sur ses genoux, étaient si serrées qu’il sentait ses ongles s’enfoncer légèrement dans sa peau.
Mira essaya de briser le silence oppressant en parlant à voix basse, mais ses mots trahissaient sa peur.
— Pourquoi… pourquoi ils ne les arrêtent pas ? Pourquoi ces choses existent encore ? lança-t-elle, ses mains tremblantes. C’est… c’est injuste.
Kenny posa une main rassurante sur son épaule, mais lui aussi semblait à bout de nerfs.
— Ils vont les arrêter, Mira. Ils doivent le faire, dit-il, bien que sa voix manquait de conviction. Les autorités vont gérer ça… enfin, j’espère.
Corentin détourna légèrement la tête, tentant de cacher son malaise. Mais Mira, prise dans sa peur, continua.
— Je les déteste… ces choses, ces monstres. Vampires, zombies… ils ne devraient pas exister. Ils devraient tous disparaître.
Les mots résonnèrent dans l’esprit de Corentin comme un glas. Il se sentit se recroqueviller un peu plus, sa jambe bougeant encore plus vite. Il aurait voulu répondre, lui dire qu’elle ne comprenait pas, mais il savait que ce serait inutile. Elle ignorait tout de ce qu’il était vraiment. Et, à ce moment-là, il était presque reconnaissant qu’elle ne le sache pas.
Un grincement métallique attira l’attention de tout le monde. Les portes du gymnase s’ouvrirent, et deux professeurs entrèrent, poussant un chariot chargé de bouteilles d’eau et de quelques snacks. L’un d’eux, visiblement stressé, leva la voix pour tenter de rassurer les élèves.
— Écoutez, nous comprenons que vous soyez inquiets, mais il est important de rester calmes. Les autorités sont en route, et elles feront tout ce qui est nécessaire pour assurer votre sécurité. Prenez de l’eau, restez groupés, et évitez de paniquer.
Les mots du professeur semblaient flotter dans l’air sans vraiment atteindre leur cible. La plupart des élèves restaient figés, certains secouant la tête comme pour dire qu’ils ne croyaient pas à ces promesses. Mira se pencha vers Corentin, sa voix à peine audible.
— Tu crois qu’ils arriveront à temps ? murmura-t-elle, ses yeux pleins de larmes.
Corentin ne répondit pas. Que pouvait-il dire ? Lui-même n’était pas rassuré. Si un groupe de vampires ou une autre créature était capable d’attaquer avec une telle violence, qu’est-ce qui les empêcherait de venir ici ? Le gymnase semblait soudain beaucoup moins sûr, ses hautes fenêtres laissant passer la lumière de la lune comme un rappel de leur vulnérabilité.
Soudain, un mouvement au bout de la salle attira son attention. Nathaniel et Livia venaient d’entrer, leurs silhouettes découpées par la lumière crue du couloir. Ils marchaient lentement, presque comme s’ils flottaient, leurs visages étrangement détendus malgré le chaos ambiant. Corentin sentit son estomac se nouer. Il savait qu’ils allaient venir vers lui avant même qu’ils ne le fassent.
Nathaniel balaya la salle du regard, ses yeux s’attardant sur chaque groupe d’élèves avant de se fixer sur Corentin. Un sourire étira ses lèvres, subtil mais chargé d’une intensité qui fit frissonner Corentin. Puis, comme il l’avait prévu, Nathaniel s’avança, ses pas résonnant doucement sur le sol.
— Comment ça va ? demanda Nathaniel d’une voix douce, presque amicale.
Mira leva des yeux pleins de larmes vers lui.
— Comment ça pourrait aller bien ? Des gens sont morts… vingt personnes. Et on est coincés ici, comme des proies, répondit-elle, la voix tremblante.
Nathaniel hocha la tête avec une expression de compréhension.
— Oui, c’est une tragédie, murmura-t-il. Mais vous n’avez rien à craindre ici. Je suis là.
Il tourna alors son regard vers Corentin, et le temps sembla s’arrêter. Ses yeux brillaient d’une lumière étrange, presque hypnotique, et son sourire se fit légèrement plus large. Puis, lentement, il se lécha les lèvres, un geste si subtil qu’il semblait presque accidentel. Mais Corentin savait mieux. C’était une provocation, un message silencieux.
Le cœur de Corentin s’emballa, et il sentit une sueur froide perler le long de sa nuque. Il voulait parler, répondre, mais les mots restèrent coincés dans sa gorge. Mira, absorbée par sa propre peur, ne sembla pas remarquer l’échange silencieux entre eux.
— Restez groupés, continua Nathaniel. Toujours. Ça peut sauver des vies. Et si vous avez besoin de moi, je serai là.
Il recula alors, laissant ces mots flotter dans l’air comme une menace déguisée. Livia, qui l’attendait un peu plus loin, posa une main légère sur son bras, comme pour l’apaiser. Ils échangèrent un regard avant de s’éloigner, leurs silhouettes se fondant dans la foule.
Corentin se pencha en avant, sa tête entre ses mains, tentant de reprendre son souffle. Le gymnase, malgré la foule d’élèves, lui semblait de plus en plus oppressant. Les murmures, les sanglots, même la lumière crue des néons semblaient conspirer pour lui rappeler à quel point il était différent, à quel point son secret pesait sur lui.
Nathaniel sait quelque chose.
Cette pensée revenait sans cesse, une vérité qu’il ne pouvait plus ignorer. Et il savait que, d’une manière ou d’une autre, il devrait bientôt faire face à ce qui se cachait derrière ce sourire troublant.
Annotations