Chapitre 23

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Le gymnase était toujours aussi oppressant, comme si l’air lui-même pesait sur les épaules des élèves. Le bruit des pas des autorités, méthodiques et lourds, résonnait contre les murs. Les uniformes sombres et les brassards marqués du sceau officiel semblaient à la fois rassurants et menaçants, rappelant que la situation était bien réelle. Certains élèves murmuraient entre eux, d’autres se tenaient recroquevillés en silence, la peur inscrite sur leur visage.

Les agents se dispersèrent dans la salle, échangeant des mots rapides avec les professeurs et distribuant des instructions. Puis l’un d’eux, un homme grand au visage anguleux, fit un signe de tête à un collègue pour qu’il ouvre un chariot métallique chargé de bouteilles d’eau. Un professeur s’avança et tenta de calmer les élèves.

— Écoutez-moi, s’il vous plaît, dit-il d’une voix forte, bien qu’un léger tremblement trahissait sa nervosité. Nous comprenons que cette situation est… effrayante, mais je vous assure que tout est sous contrôle. Prenez de l’eau, restez calmes, et attendez les consignes. Les autorités font tout leur possible pour garantir votre sécurité.

Les mots étaient prononcés avec un ton rassurant, mais ils semblaient flotter dans l’air sans vraiment atteindre leur cible. La peur qui envahissait la pièce était trop enracinée pour être dissipée si facilement. Mira, debout à côté de Kenny, serrait les poings. Son visage était marqué par des cernes et des traces de larmes.

— Ils disent toujours ça, murmura-t-elle, la voix cassée. Mais ça ne change rien. Vingt personnes sont mortes. VIDÉES de leur sang ! Ils disent qu’ils vont nous protéger, mais où étaient-ils avant que ça arrive ?

Elle se tourna brusquement vers Kenny, cherchant du réconfort. Mais lui aussi semblait dépassé. Il tenta de poser une main rassurante sur son épaule.

— Mira… Calme-toi. Ils sont là maintenant. Tout ira bien, dit-il, bien que son propre ton manquait de conviction.

— Comment tu peux dire ça ? s’écria Mira, attirant l’attention de quelques élèves autour d’eux. Et s’ils ne les trouvent pas ? Et si ces choses sont toujours là, à nous regarder, à attendre ?

Corentin, assis à quelques mètres, observait la scène en silence, le cœur serré. Les mots de Mira résonnaient en lui avec une amertume qu’il ne pouvait ignorer. Elle ignorait tout de ce qu’il était, de ce qu’il cachait. Son pied recommença à trembler, un tic nerveux qu’il ne pouvait contrôler, tandis qu’il baissait la tête pour éviter les regards.

Les bruits environnants semblaient s’amplifier. Le froissement des bouteilles en plastique, les sanglots étouffés de certains élèves, les murmures des agents qui discutaient entre eux. Chaque son paraissait plus intense, plus envahissant, comme si la tension dans l’air s’imprégnait dans ses oreilles.

Puis, soudain, il sentit une présence à côté de lui. Une ombre s’était glissée sur le banc. En levant les yeux, il vit Livia, qui s’assit avec une lenteur presque calculée. Elle était si proche que leurs genoux se frôlaient presque. Corentin se raidit, se reculant instinctivement.

— Nathaniel t’a remarqué, tu sais, dit-elle doucement, sa voix si calme qu’elle semblait trancher à travers le bruit ambiant.

Il fronça les sourcils, surpris par ses mots.

— Qu’est-ce que ça veut dire ? répondit-il, sa voix légèrement tremblante.

Livia ne répondit pas tout de suite. Elle observait un point invisible devant elle, ses doigts jouant avec le bord de sa manche. Elle semblait chercher ses mots, peser chaque phrase avant de la prononcer.

— Ce n’est pas négatif pour toi, murmura-t-elle finalement. En fait, c’est en ta faveur.

Corentin sentit un frisson glisser le long de sa colonne vertébrale. Ces mots, dits avec une douceur presque rassurante, n’en étaient pas moins inquiétants.

— En ma faveur ? Qu’est-ce que tu veux dire ? insista-t-il, sa voix plus ferme.

Livia soupira, baissant légèrement la tête.

— Nathaniel est… spécial. Il a des… impulsions. Mais je sais le tempérer, ajouta-t-elle, son ton devenant plus bas, comme si elle redoutait que quelqu’un d’autre puisse entendre. Le Dylemme ne serait pas content s’il… si quelque chose lui échappait.

Elle s’interrompit brusquement, son visage pâlissant légèrement. Ses yeux s’écarquillèrent comme si elle venait de se rendre compte qu’elle avait trop parlé. Elle porta une main tremblante à sa bouche.

— Oublie ce que je viens de dire, souffla-t-elle précipitamment, avant de se tourner légèrement vers lui, son regard plus intense. Je veux juste que tu saches… Nathaniel et moi, on ne dira rien. Tant que tu ne fais rien.

Corentin ouvrit la bouche pour poser une question, mais Livia se leva avant qu’il ne puisse formuler ses pensées. Elle s’éloigna rapidement, disparaissant dans la foule comme une ombre. Il resta figé, ses pensées tourbillonnant dans un chaos de doutes et de questions. Elle sait. Elle sait quelque chose. Mais quoi ? Et ce "Dylemme"… qu’est-ce que cela pouvait bien signifier ?

Il finit par se lever, ses jambes tremblantes, et rejoignit Mira et Kenny. Mira, toujours secouée, se tourna immédiatement vers lui. Son visage était trempé de larmes, et ses yeux, rougis par la fatigue et l’émotion, reflétaient une vulnérabilité déchirante.

— Ils n’ont trouvé aucune créature, dit-elle d’une voix brisée. Mais ils ont confirmé que c’étaient des vampires.

Elle marqua une pause, comme si elle avait du mal à prononcer les mots suivants.

— Les vampires, Corentin… Ce sont les pires pour moi.

Elle s’avança vers lui et, avant qu’il ne puisse réagir, le serra dans ses bras. Son étreinte était ferme, désespérée, comme si elle avait besoin de sentir qu’il était là, qu’il était humain. Corentin resta immobile un instant, puis posa une main hésitante sur son dos.

— Je les déteste, continua-t-elle, sa voix étouffée. Mais les zombies aussi. Et… et les sirènes. Tu sais, pas celles des contes, celles qui attirent les marins et les pêcheurs pour les tuer. Mais elles sont moins présentes. Les loups-garous, au moins, c’est une fois par mois.

Elle recula légèrement, essuyant ses larmes d’un geste maladroit.

— Pourquoi est-ce qu’ils existent ? murmura-t-elle. Pourquoi le monde ne peut pas être… normal ?

Corentin, incapable de répondre, baissa les yeux. La culpabilité montait en lui comme une marée, envahissant chaque recoin de son esprit. Mais il ne pouvait rien dire. Pas maintenant.

Les autorités annoncèrent enfin que les élèves pouvaient rentrer chez eux. Le groupe quitta le gymnase dans un silence pesant, leurs pas résonnant sur le bitume mouillé des rues désertes. L’atmosphère était encore plus oppressante dehors, chaque ombre, chaque bruit devenant une menace potentielle.

Quand ils arrivèrent devant la maison de Mira, elle se tourna vers eux.

— Venez chez moi. Je ne veux pas rester seule ce soir, dit-elle d’une voix tremblante.

Kenny hocha la tête immédiatement, et Corentin, bien qu’hésitant, finit par accepter. Ils entrèrent dans la maison, où la chaleur et la lumière semblaient chasser une partie de la peur qui pesait sur eux. Mais pour Corentin, le poids des mots de Livia et le regard de Nathaniel restaient gravés dans son esprit.

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