Chapitre 14 - Min-Jee

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Mon père avait ajusté son costume et on était monté dans sa voiture. Moi, je lissais les plis de ma jupe noire et de mon chemisier sombre. Nous n’avions pas parlé du trajet. Quand nous étions arrivés au cimetière, ma tante Ye-Ji et son mari Kyu-Bok, étaient déjà là.

- Ohhh, ma petite Min-Jee ! Perdre sa mère si tôt…

Ye-Ji m’avait serré dans ses bras. J’avais 16 ans et je ne considérais pas que j’avais perdu ma mère tôt, après tout, je savais que ça arriverait un jour ou l’autre. Mais j’aurai aimé être préparée à ça.

Ma tante avait salué Papa, et pendant que la sœur de ma mère ainsi que mon père allaient dire «bonjour», j’étais restée avec mon oncle Kyu-Bok.

- Alors, tu veux toujours devenir idole ? Ah, ta mère n’aimait pas ça !

- Non.

- Oh.

Après, on s’était tous mis en rond autour de la tombe de Maman. On avait récité quelques paroles puis on était allés au restaurant. Kyu-Bok n’avait pas versé une seule larme, et ça avait vexé Ye-Ji.

- Ma famille compte vraiment pour toi ? J’ai l’impression que tu t’en fiches !

Ils s’étaient disputés de nombreuses reprises pendant quelques mois et avaient fini par choisir de divorcer.

* * *

Je fixe le soleil déclinant à l’horizon. La journée est déjà terminée, et je n’ai quasiment rien fait. J’attrape une veste et sors de la maison en direction du cimetière.

Je pousse le portail et marche jusqu’à la tombe de ma mère. La température a chuté, il est environ vingt heures. Les lumières de la ville illuminent le cimetière sombre. Une voiture passe dans la rue et éclaire de ses phares la photo de Maman.

- J’aurai pu partir en tournée avec un groupe de K-pop, Eomma. Mais leur manager a dit non. Et je ne suis pas sûre que Abba accepterait.

Je soupire et ronge mes ongles en observant les feuilles mortes qui balayent le sol.

- J’aurai pu voyager aux quatre coins du monde. Ils vont en Thaïlande, en Inde, en Allemagne, en Suède, à New York et ils reviennent pour donner leur dernier concert à Séoul. J’aurai tellement aimé voir la Suède.

Je m’assois à côté de la tombe, le coeur lourd. Les souvenirs affluent, comme une mélodie que je ne peux pas oublier. Je soupire à nouveau, le regard vide, les larmes aux yeux.

- Est-ce que tu es fière de moi ? murmurai-je en caressant la pierre froide. J’aurai voulu te montrer mes progrès. Je suis restée bloquée à l’époque où tu vivais encore.

Le vent se lève, faisant danser les branches au-dessus de moi. Je regarde les ombres se projeter au sol, une danse macabre qui me donne envie de m’enfuir en courant. Le silence du cimetière m’entoure, et je ferme les yeux, essayant de me souvenir de sa voix, de ses conseils. Elle me manque tellement. Pourquoi est-elle partie ? Ce n’est pas juste. Si seulement elle pouvait revenir.

Une voix me tire de mes rêveries et un policier s’avance.

- Que fais-tu là ?

Je jette un coup d’oeil à la tombe de ma mère en mordant mes lèvres.

- Je…

Le policier me sourit et m’invite à sortir du cimetière.

- Il ne faut pas traîner dehors à cette heure-ci, tu sais.

Je hoche la tête et m’incline devant l’homme. Une bourrasque de vent glacé s’infiltre dans mes cheveux et fouette mon visage. Je sens mes joues rougir et je frissonne.

- Je vais m’en aller. Merci Monsieur.

Il m’offre un nouveau sourire et me laisse partir.

Une fois à la maison, je me glisse sous ma couverture et je mordille mes ongles, comme j’ai coutume de le faire. Mon téléphone vibre et je le sors de la poche de mon jean, un peu déroutée.

Eddy_AST : Bonjour Hwang Min-Jee, je suis travailleur chez AST Entertainment, manager du groupe Blind Prince. Après plusieurs demandes du membre Ah-Joo, j’ai accepté à contre-coeur sa requête. Vous pouvez venir avec Blind Prince en tournée mondiale, à condition d’être discrète. Sinon, vous serez renvoyée immédiatement chez vous.

J’étouffe un cri. Je dévale l’escalier et saute au cou de mon père.

- Abba, je peux partir avec Blind Prince !

Il retire ses lunettes et me fixe, décontenancé.

- Partir où ? Quand ?

- Les Blind Prince partent en tournée mondiale ! Et leur manager accepte que je parte avec eux !

Étonné, mon père fronce les sourcils.

- Quand ça ? Pendant combien de temps ?

- Juste après le nouvel an, pendant un mois.

- Et tes études ? Tu dois intégrer Kyung-Hee en mars.

- Je sais, je sais. Mais vois-ça comme un cadeau que tu m’offres pour mon acceptation à l’université !

Il plisse les yeux. Évidemment. Les membres de Blind Prince sont de parfaits inconnus pour lui. Pourquoi me laisserai-t’il partir avec eux ?

- On verra, Min-Jee. Concentre-toi sur le bac, puis sur les vacances.

Un peu déçue, je regagne ma chambre. Je réponds «merci infiniment, mais je dois en parler à mon père» au dénommé Eddy.

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