Bangkok, Thaïlande – Lundi, 18 heures

Le soleil décline à l’horizon, pourtant il fait encore chaud. Après avoir visité la ville et certains parcs, Jae-Hyuk, Ah-Joo et moi avons décidé de rentrer à l’hôtel. Je ne me sens pas à ma place dans cet endroit de luxe, d’ailleurs. Il y a un petit jardin d’intérieur thaïlandais, le hall est propre, il sent bon, il est lumineux, pleins de dorures et de marbre. Les chambres sont immenses, avec des vues incroyables sur Bangkok.

Je sors d’un bain d’environ une heure, le corps rougi par l’eau à 45°C. Malgré la chaleur thaïlandaise, un bain brûlant est très agréable. Le miroir est embué, l’air de la pièce est lourd. Je fixe mes pieds rouges, les mèches de cheveux trempées qui retombent sur mes épaules nues et la serviette d’un blanc immaculé enroulée au tour de mon corps. Ce soir, les membres du groupe, Eddy et moi nous rendons dans un restaurant de luxe pour dîner. Le manager des Blind Prince a mis à ma disposition une tenue, du maquillage et des bijoux pour – je cite – «ressembler à quelque chose».

Une fois séchée, j’enfile la robe cintrée bleu pâle. Je démêle mes cheveux puis je les sèche. Après quoi, je clipse à mes lobes des boucles d’oreilles en or se terminant par un petit diamant transparent. Viens le moment de me maquiller. Ce que je n’ai pas fait depuis que ma mère est morte. Est-ce que je sais encore le faire ?

J’attrape en tremblant la poudre et le fond de teint. J’applique le reste et retire mes lunettes pour glisser dans mes yeux des lentilles de contact. La sensation n’est pas agréable au début, puis je m’habitue.

Je m’observe dans le miroir, un peu étonnée. La fille que je vois, ce n’est pas moi. Je ne suis pas aussi belle en vrai.

On toque à la porte de ma chambre et j’ouvre, tombant sur Ah-Joo. Étonné, il hausse les sourcils.

- On y va, me lance-t’il.

- Oui !

Je ferme la porte et le suis dans les vastes couloirs de l’hôtel. On arrive dans le hall, et les autres membres me sourient.

- Waouh, Min-Jee. J’ai failli ne pas te reconnaître, dit Jae-Hyuk. T’es belle, comme ça.

Je rougis et baisse les yeux.

- Mais non, pas du tout.

- Bon, si tout le monde est prêt, allons-y, déclare Eddy.

Je commence à avancer très lentement, peu habituée aux chaussures à talons. Une fois dans la rue, c’est plus difficile de marcher, surtout que le manager des Blind Prince me presse. Je finis malheureusement par perdre l’équilibre. Ma cheville droite par sur le côté et je tombe d’un coup. Je m’accroche à la personne à côté de moi pour ne pas tomber et réalise que c’est Ah-Joo. Ses mains sont posées sur mes hanches, les miennes sur ses épaules, mes ongles enfoncés dans sa peau. Il me retient.

- Fais attention, conseille-t’il en me redressant.

Rougissante, je m’écarte de lui pour tenter de retrouver mon équilibre. Je m’incline plusieurs fois pour le remercier. Je suis tellement gênée de l’avoir touché. C’est très malpoli. Surtout que c’est une idole.

Ah-Joo me regarde avec un sourire amusé. Je ne peux pas m’empêcher de me sentir encore plus mal à l’aise.

- Tu devrais t’habituer à marcher avec des talons, recommande-t’il.

Je hoche la tête, la gorge nouée par la gêne.

- Merci, murmurai-je, la voix à peine audible.

Je souris nerveusement. Je réalise qu’Eddy et les autres membres nous fixent, impatients.

- On devrait y aller, nous presse le manager.

- Attends, Eddy ! s’exclame Jae-Hyuk. Il faut s’assurer que Min-Jee va bien.

Ah-Joo s’accroupit et observe ma cheville. Je mords ma lèvre inférieure.

- Mais non, t’inquiètes pas, ça va. Je vais très bien.

- Tu es sûre ? On peut te ramener à l’hôtel changer tes chaussures.

Je secoue la tête rapidement.

- Non, c’est bon, je vais m’en sortir. Et puis, on est attendus au restaurant.

Il acquiesce, mais il ne semble pas convaincu.

- D’accord, mais fais quand même attention.

- Oui.

Je souris à nouveau, cette fois un peu moins gênée. On se remet en marche. J’avance loin de Ah-Joo. Alors que je m’éloigne, je sens encore la chaleur de ses mains. Mes pensées s’embrouillent, j’ai l’impression que ma tête va exploser.

Les membres du groupe discutent autour de moi. Do-Yun raconte une blague et tout le monde éclate de rire, mais je n’arrive pas à me concentrer sur les éclats de leur voix. Je ne pense qu’à la scène qui vient de se dérouler.

Nous arrivons enfin au restaurant, une ambiance chaleureuse nous accueille. Je prends une grande inspiration pour calmer mon coeur qui ne cesse de battre la chamade depuis tout à l’heure.

Nous prenons place à une grande table, et je me retrouve dans le fond, Jae-Hyuk à côté de moi, Ah-Joo en face. Le premier engage la conversation, mais je peine à la suivre. Mes pensées sont encore fixées sur Ah-Joo qui écoute le sermon d’Eddy sur notre retard de cinq minutes à cause de ma chute.

Quand le repas commence, je me détends. Les spécialités thaïlandaises sont délicieuses. Soudain, Ah-Joo se penche vers moi et chuchote :

- Tu es sûre que ta cheville va bien ?

- Hein ?

Je sens mes joues s’enflammer.

- Mais oui, je… vais bien, réponds-je, la voix chevrotante.

Il hoche la tête et se redresse. En observant Ah-Joo, je remarque qu’il a le regard dans le vide. Il semble en pleine réflexion. Les rayons du clair de lune rentrant dans la pièce par la grande fenêtre se reflètent sur son visage pâle.

Mon esprit divague sur pleins d’autres choses, mais mon regard est toujours fixé sur l’idole face à moi.

- Min-Jee ? On y va, m’indique Won-Hee en souriant.

J’acquiesce et me relève, manquant de tomber à nouveau. Juste avant que Ah-Joo ne me rattrape, je pose violemment ma main contre la table et lui lance un regard :

- Je vais bien.

Il cligne des yeux et lâche un «ok» nonchalant. Je sors presque en courant du restaurant et respire l’air frais de la nuit. Il est près de vingt-trois heures, il n’y a presque plus de circulation. Je ne pensais pas que ce quartier de Bangkok soit aussi calme la nuit.

Je m’assois sur un banc à côté de la porte du commerce. Je sors mon téléphone du sac à main que m’a prêté Eddy et fais défiler ma conversation avec mon père.

- Coucou, lance Jae-Hyuk.

Je me retourne et parcours rapidement l’entrée à la recherche des autres membres, mais ils ne sont pas là.

- Ils sont partis payer avec Eddy, il y a la queue. Je ne voulais pas te laisser toute seule, alors je suis sorti.

- Ah, c’est gentil.

Il prend place à mes côtés.

- Bon, alors demain on va faire des essayages pour le concert ! J’ai hâte.

- Oui, moi aussi. Je viendrai vous aider.

Jae-Hyuk sourit.

- Alors comme ça, tu es amoureuse de Jun-Woo ?

Je ressens un coup de chaud.

- C’est Ah-Joo qui te l’a dit ? demande-je en triturant mes doigts.

- Ouais. Enfin bon, c’est pas important.

Je hausse les épaules.

- Tu sais, c’est normal de tomber amoureux, sois pas gênée, lance Jae-Hyuk.

- Je… je sais, murmurai-je.

Jae-Hyuk éclate de rire et je sens mes joues devenir brûlantes.

- Tu es en train de rougir, Min-Jee ! Tu aimes vraiment Jun-Woo, à ce que je vois.

Je fronce les sourcils, essayant de cacher mon embarras.

- Non, ce n’est pas ça.

Il me regarde avec un sourire malicieux.

- Ok, ok, je te crois. Mais si tu veux parler, je suis là.

- Merci, mais je pense que je vais m’en sortir.

Les autres membres reviennent pile à ce moment là, Eddy les suivant de près.

- On rentre, allez !

Je me lève et Jae-Hyuk aussi. Tandis que nous marchons, je ne peux pas m’empêcher de jeter un coup d’oeil à Ah-Joo, qui parle avec Won-Hee.

La nuit est fraîche et apaisante, mais mon esprit est toujours en ébullition. Mes pensées oscillent entre Jun-Woo et Ah-Joo.

Nous atteignons l’hôtel, et je sens une vague de fatigue m’envahir. Avant de monter dans l’ascenseur, je me tourne vers Jae-Hyuk.

- Merci d’être resté avec moi.

- Pas de souci. Allez, bonne nuit !

- Oui, toi aussi.