99 -

5 minutes de lecture

Hello les filles ! Il va y avoir un invité surprise au banquet de Bastet, j'espère que vous l'apprécierez xD

----

Bastet frappa dans ses mains ; une nouvelle vague de servantes déferla dans la salle. Uchchaihshravas et Svadilfari furent installés au pied de l’estrade et se virent apporter de l’avoine et du blé dans des plats d’or géants, portés chacun par six personnes.

Aegeus, lui, soutenait toujours le regard de Bastet.

– Nous permettez-vous de rester, Votre Altesse ?

La déesse semblait presque ennuyée.

– Installez-vous. Puisque vous êtes là, à présent...

Mais alors qu’ils terminaient de monter les marches, elle ajouta :

– Ainsi, vous pourrez profiter de votre dernier repas.

– Super, murmura Gaspard. On était pas censés récolter des lauriers pour avoir tué Midas ?

Prenez place près de moi, leur intima Epona qui s'était rassise sur son coussin de velours.

Mitaine ne se le fit pas dire deux fois ; Cornélia se demanda si les dryades avaient des affinités particulières avec la déesse jument. Celle-ci était entourée de quatre faunes qui se tenaient légèrement en retrait, armes à la ceinture. Rien de ce qu’il se passait sur l’estrade n’échappait à leur regard aigu. Ils se poussèrent avec mauvaise volonté pour faire de la place aux boyards. Quand Beyaz s’agenouilla, les coutures de son costume noir craquèrent de façon très audible ; Cornélia imagina la tête qu’aurait fait Arachné en entendant ce bruit.

– Bienvenue, bienvenue, chantonna Panurge en leur faisant passer un plat rempli de petites pièces de viande rôties.

Gaspard s’en saisit avec une répugnance visible, malgré le fumet délicieux qui s’en dégageait.

– Pose ça ailleurs, murmura Mitaine, ou les petites vont gerber.

Intriguée, Cornélia se pencha discrètement vers le plat. Lorsqu’elle vit ce dont il s’agissait réellement, l’horreur la traversa de part en part. De loin, elle avait cru voir des pattes de poulet nappées d’une sauce caramélisée.

En réalité, il s’agissait de petites mains humaines.

Son estomac remonta brusquement vers sa gorge, essaya de sortir par tous les moyens possibles ; elle le contint héroïquement.

Ici, c’est du poulet, se répéta-t-elle en serrant les dents. Ici, c’est normal. Ce n’est pas pire que des pattes de poulet… Les pattes de poulet ne me font pas vomir. Je n’ai aucune raison de vomir… Je n’ai aucune raison…

À côté d’elle, Blanche avait le teint particulièrement verdâtre. Gaspard refila vite le plat à Aegeus, interrompant sa quinte de toux. Malgré sa pâleur maladive, le chef du convoi piocha dans le plat. Ses boyards détournèrent les yeux dans un parfait ensemble.

Les vouivres mangent des humains, se répéta Cornélia en espérant contenir sa nausée. Voilà : nous mangeons du poulet et les vouivres, quant à elles, mangent des humains. Il n’y a pas de mal à ça. C’est naturel…

Mais il n’y avait rien de naturel à faire circuler un plat garni de mains d’enfants, pas plus que de pattes de poulet rôties. Les deux étaient écœurants de cynisme. Cornélia avait déjà vu des nivées dévorer d’autres nivées, et même des humains, mais elle n’avait pas été choquée à ce point. C’était le fait de les réduire à une matière première, de les cuisiner des heures, de présenter la viande ainsi dans un joli plat pour qu’on ne voie plus le sang, ni la violence, ni l’identité de l’être que l’on s’apprêtait à dévorer. C’était bien pire qu’un meurtre... D’un coup, cette barbarie civilisée lui sembla insupportable.

Quand Aegeus fit passer le plat à Epona, la jument détourna le regard et le renvoya derechef à une servante. Cornélia le suivit des yeux tandis qu'il était apporté à Argos, à Echidna puis à une créature qui se trouvait vers le fond de l’estrade.

Une créature qu’elle connaissait très bien.

Un peu trop bien, même.

Greg !

Son choc fut tel que sans le vouloir, elle l’exprima dans la langue sans mots et Blanche se tourna vers elle. Puis vers la source de sa stupeur. Ses yeux s’arrondirent comme des billes.

– Greg !

Tous les boyards se retournèrent dans la même direction.

– Sapristi saucisse, siffla Gaspard.

Derrière Echidna, tranquillement couché sur un gros coussin moelleux, Greg se gavait de tous les mets qu’on daignait poser devant lui. Quelqu’un l’avait affublé d’un collier de diamants qui devait valoir autant que le palais entier. Les servantes s’inclinaient devant lui comme devant Argos et les autres immortels, alors même qu’il ne faisait que se goinfrer et répéter sans cesse :

Faim. Bon. Très bon. Faim.

– Non mais c’est quoi cette blague ? chuchota Cornélia.

Elle n’avait même pas remarqué que Greg avait quitté leur groupe. Et c’était peut-être ça le pire. Tous avaient été si préoccupés par Arachné, par leur nouvel environnement et par ce stupide banquet qu’ils en avaient oublié Greg !

– Je vois la surprise sur vos visages, commenta Bastet avec sa diction élégante.

La déesse avait pris place sur un trône de bois sculpté, où elle s’était lovée comme un chat alangui, mais ses yeux perçants ne manquaient aucun détail. Elle faisait craquer de petits os entre ses dents – Cornélia força son estomac à rester en place malgré les images répugnantes qui lui venaient en tête.

– Cette créature s’est infiltré dans mon palais un peu plus tôt. Elle a tenté d’entrer dans les cuisines.

Cornélia s’étrangla toute seule ; Blanche lui tapota le dos pour essayer de l’aider. Elles échangèrent un regard paniqué. Greg ! Ça lui ressemblait trop bien. La déesse allait-elle le dévorer pour le punir, après l’avoir engraissé pendant le banquet ?

– C’est un chapalu, fit Aegeus sans laisser transparaître de surprise. (Il toussa.) Il est avec nous.

Un air de surprise raffinée passa sur le visage félin de Bastet. N’avait-elle jamais entendu parler des chapalus ?

– Je vois. Je dois donc te remercier pour ce cadeau, Aegeus. Je l’ai trouvé très séduisant. Il sera mon nouveau concubin.

Cornélia recracha un grain de raisin qui rebondit sur le nez de Gaspard. Il ne réagit même pas tant il était choqué.

Pardon ?

– Le précédent est mort dans des circonstances tragiques il y a quelques temps… comme ses prédécesseurs avant lui.

L’ébahissement des deux sœurs se mua en horreur. Cornélia jeta un nouveau coup d’œil vers Greg. Il continuait de se goinfrer comme si de rien n’était !

Bon sang, il ne sait même pas ce que veut dire le mot concubin ! explosa Cornélia en silence. C’est ridicule !

Comment on va faire ? paniqua Blanche.

Bon courage, parce qu’elle a l’air de vraiment bien l’aimer, fit Gaspard en s’incrustant dans la conversation.

Ils fixèrent Bastet, qui couvait Greg d’un regard amoureux.

– Les diamants ressortent à merveille sur son pelage sombre. (D’un geste, elle lui fit porter un grand plat.) Donnez-lui davantage de cuisses de faisan, ne voyez-vous pas qu’il les apprécie ?

Cornélia agrippa ses cheveux à deux mains. Cette maudite déesse psychotique s’était vraiment entichée de ce chat-loutre informe qui n’était bon qu’à répéter « Faim », « Peur » et « Bon » !

Il faut qu’on trouve une solution, exprima Blanche dans un souffle.

Elle était très pâle. Du regard, elle chercha celui d’Aegeus. Celui-ci ne trahit pas beaucoup d’expression.

C’est votre bestiole. C’est vous qui l’avez amené ici. Vous vous attendez encore à ce que je sauve vos miches ?

La réponse était oui, bien sûr, mais les sœurs se rendaient bien compte que c’était stupide. Elles ne pourraient compter que sur elle-même. Comme d’habitude.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Cornedor ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0