Chapitre 12 : Le cadeau
Après sa remarque, je devins cramoisie. Rouge bordeaux option « un dernier verre pour la route avant de rouler sous la table ». Mes joues me brûlaient de honte. Plus aucun mot ne me venait à l’esprit. Mon cerveau avait disjoncté, victime d’un court-circuit. J’étais en surchauffe totale, le cœur complètement affolé.
Adam me regardait comme si j’étais une malade mentale, bonne à envoyer à l’asile.
— Anna ? Tu vas bien ?
— Hein ? Heu...
— T’as bugué ou quoi ?
On frappa à nouveau à la porte et Violaine s’annonça. Adam lui dit d’entrer.
Elle nous invita à prendre le goûter. Il refusa de se joindre à nous, prétextant qu’un nouveau trajet jusqu’à la salle à manger le ferait trop souffrir. Violaine s’en inquiéta et lui demanda s’il avait bien pris son traitement. Il acquiesça, l’air renfrogné, et lui rappela qu’il était assez grand pour gérer seul ses médicaments. Elle encaissa la réflexion sans lui en tenir rigueur, puis alla lui chercher une énorme part de tarte, qu’elle déposa à côté de lui.
Ma déception fût immense. Je ne voulais pas le quitter, mais je n’avais pas d’excuse pour rester et j’avais peur de paraître impolie.
Lorsque je sortis de la chambre, il m’arrêta :
— Tu as déjà lu « Dans les forêts de Sibérie » ?
— Hein ?
Puis réalisant un peu tard qu’il parlait du livre que j’avais dans les mains à son arrivée, je me rattrapai aussitôt :
— Non, jamais.
— Tiens, prends-le.
Il tendit le bras et l’attrapa pour me le donner.
— Ne fais pas attention à mes commentaires, j’aime bien écrire des choses en même temps que je lis. L’histoire est dépaysante. Ça te changera les idées.
Je saisis le bouquin et le remerciai d’un signe de tête, ayant toujours un certain mal à recouvrer la parole.
Puis je quittai sa chambre au désespoir, trainant des pieds. J’avais cependant la consolation d’avoir pu partager cet incroyable moment de proximité avec lui. Et j’avais désormais son cadeau entre les mains. Un livre. Et pas n’importe lequel. Le sien.
Un livre digne d’une relique, dont à mes yeux, la valeur était inestimable. Ceux de la bibliothèque d’Alexandrie pouvaient aller se rhabiller, ils n’arrivaient pas à la cheville de cet objet sacré.
Je savais d’ores et déjà que ce bouquin n’allait plus me quitter. Je me réjouis à l’avance de pouvoir le décortiquer. Si, pour lui, ses annotations n’avaient aucun intérêt, c’était tout le contraire pour moi. J’allais pouvoir me regorger de ses pensées les plus intimes, m’incruster dans son monde secret, percer les mystères d’Adam Bellaji. Et avec son assentiment qui plus est. C’était au-delà de tout ce que j’avais pu espérer.
Durant toute la dégustation de la tarte, au salon, j’espérais qu’Adam changerait d’avis et réapparaitrait. Mais il n’en fit rien. Il resta cloîtré dans son univers, dont j’avais, par chance, entraperçu quelques bribes.
Tout aurait été parfait ce jour-là si Violaine ne nous avait pas annoncé cette terrible nouvelle : Adam allait se faire réopérer prochainement et partir six à huit mois en rééducation dans un centre spécialisé, à trois cent kilomètres de là.
La vie s’acharnait sur moi.
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