Chapitre 19 : Les inquiétudes

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L’annonce de ma mère me fit un choc. Les parents d’Adam avaient invité ma famille décimée en vacances. Ils possédaient une propriété en Bretagne, avec une piscine et plusieurs chambres pour recevoir des convives. Connaissant les difficultés financières que nous affrontions, ils voulaient nous aider et nous permettre de nous changer les idées.

Nous étions en avril. Cela faisait sept mois que les obsèques avaient eu lieu.

Mes parents acceptèrent la généreuse proposition. Je me mordis les lèvres pour ne pas demander si Adam y serait. J’avais entendu dire que depuis la fin de sa rééducation, il avait repris une vie normale. Une vie normale, comme si cela pouvait exister pour nous.

Je n’en appris pas davantage sur sa présence à la villa, mais j’étais impatiente d’en avoir le cœur net. Je ne l’avais pas revu depuis la soirée de la déprime chez Sonia et j’en crevais d’envie. Malgré notre discussion à bâton rompu sur sa soi-disant protection, plus proche de celle d’un chaperon que d’un ange gardien, mes sentiments pour lui n’avaient pas changé. Il avait eu beau se montrer dur envers moi, quelque chose m’attirait toujours en lui, et m’empêchait de l’oublier ou de le détester. C’était pourtant ce que m’avait conseillé Mathilde lorsque je lui contai la dernière conversation que j’avais eu avec Adam. Elle avait sûrement raison, mais je n’en démordais pas. Je l’avais choisi pour être le premier et n’envisageai nullement d’abandonner mes projets. Ce que, avec un peu plus de lucidité, j’aurais peut-être dû faire...

Je plaçai beaucoup d’espoir dans cette quinzaine au bord de l’eau. Il faisait encore un peu frais quand nous arrivâmes à St Cast le Guildo. La petite villa de vacances était située près de la mer, là où les courants marins rafraichissaient l’atmosphère. Le vent pouvait y être glacial. Mais le jour de notre arrivée, le temps était plutôt clément. Une douce brise et un grand soleil nous accueillit en même temps que les parents d’Adam.

Je posai ma valise dans l’une des chambres d’amis. Située au rez-de-chaussée, elle était éloignée de tout. Sauf de celle occupée par Adam apparemment. Je le compris lorsqu’en passant devant la porte adjacente, je vis un ballon de foot miniature accroché à la poignée.

Ses parents m’expliquèrent la situation. Adam ne serait pas là. Depuis la fin de sa rééducation, il travaillait à mi-temps pendant toutes les vacances scolaires, comme il l’avait toujours fait depuis qu’il avait seize ans. Parfois comme animateur dans un club de jeunes adolescents en difficulté ; parfois comme assistant de moniteurs de ski, l’hiver, ou comme surveillant de baignade, l’été. Je l’imaginais facilement s’adonner à toutes ces activités, qui correspondaient bien à sa mentalité de sportif et lui avaient, par-dessus le marché, dessiné son fameux corps d’éphèbe.

Adam faisait des études de tourisme et tout le monde savait que le sport et les voyages étaient ses principaux centres d’intérêt. Aventurier de nature, il ne tenait pas en place. Une suractivité que ses parents commençaient à regarder d’un mauvais œil. Selon eux, leur fils en faisait trop. Surtout depuis l’accident. Particulièrement depuis l’accident.

D’une part, il semblait avoir bâclé sa rééducation, forçant plus que de raison sur son corps au lieu de lui laisser le temps nécessaire pour se réparer. Adam voulait aller vite, trop vite, tout le temps, brûlant la vie par les deux bouts et ce, au détriment de sa santé. D’autre part, ils craignaient que cette boulimie d’activités n’eût pour but que de combler l’absence de son petit frère. Il avait l’air de surcharger son temps libre pour ne pas ressasser les évènements passés.

Ainsi, après avoir tenté de le couver après la mort de leur second fils, le premier leur échappait. Je comprenais leurs peurs mais Adam était ainsi, frondeur, passionné et un peu tête brûlée. Il était connu pour son hyperactivité, et à présent qu’il était enfin remis sur pieds, tout fonceur qu’il était, il semblait impossible à arrêter.

Pouvait-on reprocher à un jeune homme ayant survécu à un accident de voiture de vivre sa vie à cent à l’heure ? Pouvait-on me reprocher ma déception lorsque j’appris qu’il ne serait pas là ?

Cette vie était cruelle, toujours à me blesser.

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