Chapitre 28 : La claque
Le veille du départ d’Adam, on frappa à ma porte. Il était presque minuit et je lisais toujours. Adam ? Qui d’autre à cette heure indue ? Je redoutai autant que j’espérai cette possibilité. J’étais en pyjama mais vu l’heure, il devait s’en douter.
J’ouvris la porte doucement. Dans l’entrebâillement, je reconnus son visage. Il souriait faiblement, conscient de me déranger à une heure tardive.
— Tu dormais ?
— Non, je lisais.
— Justement, c’est pour ça que je voulais te voir.
— Ah ?
— J’ai oublié de te donner le livre que je t’ai promis.
Une promesse ? Si seulement. Il n’avait pas de livre dans les mains. Je ne comprenais pas. Il m’éclaira :
— Je n’ai pas su lequel choisir. Viens m’aider.
Je le suivis docilement et entrai dans sa chambre. Elle ressemblait beaucoup à celle de la maison de notre quartier. Les murs étaient recouverts de poster de joueurs de foot, de basket et de boxe. Une étagère était remplie de bouquins. Aïe, le choix allait être cornélien.
— Qu’est-ce que tu aimes lire ?
Tes pensées.
Bien évidemment, je ne pouvais dire cela. Je répondis en haussant les épaules d’un air indifférent. En réalité, mes lectures se composaient majoritairement de pas mal de chick lit, de romans d’ados et d’histoires pour jeunes filles en fleur. Il n’était pas question de le lui confier.
— Tu as aimé Tesson ?
— Oui.
— Qu’as-tu aimé chez lui ?
— Son goût pour la solitude et pour les grands espaces. Ses envies d’aventure et de recueillement. Mais je l’ai trouvé trop porté sur la bouteille. Je ne suis pas sûre qu’il ait été un seul jour à jeun durant son isolement.
— Effectivement, rit-il. Il ne donne pas le bon exemple. Tu aimes les biographies ?
— J’en ai lu quelques-unes.
— Martin Luther King, ça t’intéresse ?
Je hochai la tête. Je n’avais rien contre Martin mais je voulais surtout un livre rempli de ses annotations.
Son journal intime éventuellement ?
— Montre, lui demandai-je.
Il me le tendit et je le feuilletai rapidement. Bingo, chaque page qui le composait semblait avoir été barbouillée. Je le remerciai de son geste, mais son visage sembla soudainement différent. Il me toisait avec défiance.
— Je sais que tu es curieuse de lire ce que j’y mets à l’intérieur.
Mon visage s’empourpra violemment.
— Heu... non, non, ce n’est pas ça... C’est juste que j’aime bien ton avis, c’est tout. Mais...
— Pas la peine de mentir, Anna, moi aussi j’ai lu ce que tu écrivais. Pas tout, bien sûr, mais deux ou trois phrases m’ont suffi.
Ce que j’écrivais ? Je ne comprenais pas. De quoi voulait-il parler ? Je n’avais pas cette habitude étrange d’écrire dans mes livres, contrairement à lui. Le seul endroit où je m’épanchais, c’était mon journal intime.
Mon journal intime.
Un frisson d’angoisse me saisit. Je pouvais deviner l’effroi qui se lisait dans mes yeux. Le visage d’Adam se métamorphosa à son tour. De doux et bienveillant quelques instants auparavant, son regard devint glacial. De sa voix dure et froide, il m’asséna :
— Il faut que tu arrêtes ton délire, Anna. Je ne serai jamais le premier.
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