Chapitre 39 : La dispute
— Un...un problème ? bégaya-t-il.
Depuis qu’Adam avait ouvert la porte de la salle de bain, ses yeux étaient étrangement fixes, dirigés vers mon front, comme s’il s’obligeait à ne pas regarder plus bas. Il avait l’air débile et si je n’avais pas eu aussi mal partout, cela m’aurait fait sourire. C’était la première fois que je le voyais ainsi.
— Le bain, c’était pas une très bonne idée, dis-je, ragaillardie par la situation. Tous mes pansements se sont imbibés de flotte et décollés. Ils n’étaient pas waterproof visiblement. L’infirmière m’a vraiment fait ça à l’arrache...
— Je crois que j’ai des bandes et quelques sparadraps quelque part. Sèche-toi et habille-toi. Je vais te les mettre.
— Je préfère m’habiller après, les plaies saignent encore. Surtout celles du dos. Je mets du sang partout.
Il avait l’air dubitatif, comme si ce n’étaient que des excuses que j’inventais pour refuser de me vêtir. Alors, pour lui prouver mes dires, je défis un pan de la serviette, l’autre cachant mon corps, et lui montrai les traces de sang.
— Okay, okay, dit-il en reculant, comme s’il avait peur que je retire le tout. Reste au chaud dans la salle de bain. J’arrive.
Il revint et ferma la porte derrière lui. La vapeur de l’eau chaude nous enveloppait, comme un cocon ouaté. Il faisait bon, et si ce n’était la douleur de mes blessures, je me sentirais presque bien. Mon état d’alerte s’amenuisait peu à peu.
Bien sûr, la présence de mon premier coup de cœur y était pour beaucoup. Mes sentiments pour lui n’avaient jamais disparu. Et dans l’étroitesse de sa petite salle de bain, j’avais presque l’impression qu’ils prenaient toute la place et qu’Adam pouvait les entendre. Mon cœur cognait fort dans ma poitrine, mais contrairement à quelques heures auparavant, ce n’était pas d’angoisse ou de terreur. Non, il s’agissait plus d’une certaine gêne à partager avec lui cette soudaine proximité. Il me plaisait toujours autant. En réalité, il me plaisait encore plus qu’à l’époque de mes premiers émois.
J’étais assise sur le rebord de la baignoire. Il appliqua les protections qu’il avait miraculeusement dégotées, me recouvrant petit à petit comme une momie égyptienne. Il refit mes bandages aux poignets pour soulager les entorses et termina par le dos. Son souffle chaud balayait ma peau esquintée. Je trouvai qu’il mettait énormément de temps à refaire mes soins, mais je n’allais pas m’en plaindre. Ses doigts sur ma peau était un délice.
— Il ne t’a pas loupée ce connard.
— J’ai évité le pire. Comment ça se fait que tu passais par-là ?
La question méritait d’être posée. La coïncidence avait éveillé ma curiosité.
— J’ai égaré mes clefs de bagnole. Je l’ai laissée juste avant le bois. Je comptais aller chercher le double chez mes parents. Je ne passe jamais par là d’ordinaire. Tu ne devrais pas toi non plus, c’est trop dangereux.
— Je le fais rarement, mais j’étais crevée de ma journée et j’avais la flemme de me farcir le détour.
J’attendais un peu de compassion de sa part. Mais Adam n’était pas d’humeur à m’en apporter.
— Il aurait mieux valu, commenta-t-il, acide.
— Tu crois que je ne le sais pas ? rétorquai-je agacée.
— C’était stupide de ta part. Tu fais n’importe quoi. Tu t’es mise en danger. Tu es complètement inconsciente.
— Eh bien, merci pour ton réconfort.
— C’est pas à moi de te réconforter, Anna. C’est à tes parents de le faire ! Mais tu as cru bon de les ignorer et de me la faire à l’envers.
Je me levai d’un bond, manquant de perdre ma serviette au passage. Il me traitait vraiment comme une gosse. Quel crétin ! Me sauver pour ensuite m’en mettre plein la gueule, tu parles d’une réussite.
— Dégage de la salle de bain, je dois m’habiller !
— Oh, du calme, gamine. Pas la peine de monter sur tes grands chevaux.
— DÉGAGE !
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