Chapitre 43 : Le pacte de sang

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Je le sentis bouger à côté de moi. Ma main n’était plus dans la sienne. Nous avions dû remuer dans la nuit. Je n’avais aucune idée de l’heure qu’il était mais un filet de lumière perçait par les interstices des volets, m’indiquant qu’il devait être encore assez tôt.

Je réalisai la situation dans laquelle j’étais, émergeant de mon sommeil avec une soudaine clarté d’esprit. J’étais allongée dans le lit d’Adam Bellaji, avec Adam Bellaji lui-même allongé dessus. Et je n’avais pas encore fait de crise cardiaque, miracle !

Si mes pensées mesuraient enfin toute l’ampleur de l’incongruité de la scène, mon corps aussi me rappela à l’ordre. J’avais mal partout. Tous mes membres me faisaient souffrir. Mon visage était sensible et en portant la main à mes joues, je sentis la croûte qui s’était formée durant la nuit. Je cicatrisais, c’était une bonne nouvelle, mais la douleur restait cuisante. J’étais sur le ventre et changeait de position car le tissu du matelas frottait ma cuisse râpée à vif et cela me faisait mal. Mais la position sur le dos n’était pas plus agréable car celui-ci avait aussi été abîmé dans l’agression. Chaque partie de mon corps me rappelait ce terrible moment, et même si tout s’était bien terminé, une angoisse me saisit subitement.

Adam dû le percevoir car, alors qu’il refusait même de partager mon lit la veille, cette fois, il attrapa ma main pour me rassurer.

— Tu ne risques rien ici. Tu es en sécurité.

Sa voix était chaude, rauque et apaisante.

— Je me rends compte que je ne t’ai pas remercié pour hier.

— C’est vrai. Mais je ne t’en tiens pas rigueur car tu as passé un long moment sous le choc. J’ai mon brevet de secourisme et je sais reconnaître un état d’anxiété.

— Alors pourquoi t’être fâché contre moi ?

Ma question le prit au dépourvu. Je le sentis à sa respiration plus courte, comme si j’avais appuyé sur un point sensible.

— Par moments, je pensais que tu faisais du cinéma, pour... pour obtenir ce que tu voulais.

— Qu’est-ce que je voulais ?

— Coucher avec moi.

— Je n’ai jamais voulu ça, me défendis-je aussitôt.

J'étais choquée par ses propos. Je voulais faire l’amour avec lui, pas autre chose.

— Peu importe, ajouta-t-il. Les choses ont changé depuis la dernière fois que je t’ai vue. Je n’étais pas au courant de tout.

Si tu savais à quel point les choses étaient toujours identiques.

— Ça te dérange ce que je t’ai avoué ?

Enfin, je veux dire, mon mensonge éhonté...

— Non, tu fais ce que tu veux, je ne suis pas ton frère, ni ton père. Tant que ce n’est pas moi le responsable, tout va bien.

Le responsable ? Y avait-il une faute commise lorsque l’on dépucelait une femme ?

— Je ne comprends pas, précisai-je, espérant qu’il éclairerait ma lanterne. Je veux dire... le responsable de quoi au juste ?

Il m’expliqua le fameux code d’honneur qui unissait les jeunes de sa bande, au quartier. Ainsi que son origine. Il y avait de cela une dizaine d’années, deux meilleurs potes avaient rompu définitivement leur amitié de longue date à cause de la faute que l’un d’entre eux avait commise envers l’autre. Il avait couché avec sa sœur. Pire même, il l’avait dépucelée. C’était un crime de lèse-majesté. Lorsque cela fût dévoilé au grand jour, une magistrale bagarre s’ensuivit. Après avoir fini tous les deux à l’hosto, ils ne se reparlèrent plus jamais et cette situation créa une profonde scission dans leur groupe d’amis, chacun prenant partie pour l’un ou l’autre.

Aussi aberrant que cela puisse paraître, Adam avait l’air vraiment affecté par cette histoire, en me la racontant, comme si elle lui était personnellement arrivée.

— Depuis, les jeunes du quartier ont fait un pacte en mêlant leur sang.

— Un pacte ? De quelle nature ?

— Tous ceux qui l'ont accepté n’ont pas le droit de toucher aux sœurs de leur pote. Et j'en fais partie.

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