Chapitre 54 : Les yeux fermés

3 minutes de lecture

Dire qu’Adam avait éveillé ma curiosité était un euphémisme. Bien évidemment, j’informai ma meilleure amie de ses projets mystérieux et le suivis aveuglément après la fermeture de la salle.

Aveuglément, c’était bien le terme, car il me proposa de me mettre un bandeau sur les yeux, pour ne pas découvrir à l’avance où nous allions. J’acceptai son offre sans broncher, incapable de dire non.

Les yeux bandés, je ne savais pas où il allait me conduire, ni ce qu’il voulait faire de moi, mais rien n’aurait pu me détourner de l’envie de l’accompagner, qu’importe où il m’emmenât. Une force d’attraction m’y obligeait. J’avais besoin de la proximité de son corps comme de l’air que je respirais. Ses sourires, même s’ils étaient rares, me comblaient comme nul autre, et ce, depuis des années.

Le temps qui passait ne faisait que renforcer mon amour pour lui. Et tout autant que mes sentiments à son égard croissaient, à son contact, mon corps vibrait d’une énergie décuplée. Il était le seul à provoquer tous ces phénomènes en moi. Et plus je m’éveillais à la sensualité, plus je ressentais physiquement le besoin d’être à lui. Là où, à une époque, cette idée de déflorage ne m’apparaissait que comme une formalité, un simple rite de passage, il y avait désormais un monde nouveau qui s’ouvrait à moi. Un monde en 4D, aux couleurs chamarrées, dont les musiques nourrissaient mon âme affamée.

Je voulais tout. Je le voulais lui, son corps, son esprit, son cœur, ses mots, son âme, ses défauts comme ses qualités, son être tout en entier, ni plus, ni moins. Alors il pouvait me demander ce qu’il voulait, la réponse ne pouvait être que oui. Voyant que j’attendais sagement la suite sur le siège passager, au bout d’un moment, il retira mon bandeau, décidé à me laisser voir le paysage. Je lus quelques panneaux et devinai la direction que nous prenions.

À présent recouvrée, ma vue était aiguisée. Mon acuité visuelle avait redoublé depuis l’arrêt de ses cachotteries et tous ses faits et gestes me semblaient exagérés, comme pixellisés par le filtre de mes yeux perçants. Je prêtai attention à ses mains sur le volant, à son profil grec d’Adonis, à ses cuisses fermes légèrement écartées sur le siège. À la bosse de son entrejambe qui, engoncée dans son jean, se dessinait plus que jamais. À son sourire en coin légèrement dessiné, à son visage satisfait des émotions qu’il provoquait en moi... Il était tard mais tous mes sens étaient en éveil. J’avais beau être crevée, rincée de ma journée de préparatifs et de ma soirée de festivités, je me sentais dans une forme prodigieuse, alimentée par l’adrénaline qui parcourait mon corps et boostait le sang dans mes veines. Malgré la fraîcheur de la nuit, je brûlais.

Il s’arrêta quelques minutes après m’avoir enlevé le bandeau. Des minutes qui passèrent en coup de vent, comme à chaque fois avec lui. Avec Adam, tout passait toujours trop vite.

Il vint m’ouvrir la portière et m’aida à descendre, gentleman. J’entendis le bruit de la mer surgir de la nuit, comme si elle était à nos pieds. Comme nous vivions non loin de l’océan, cela ne me surprit guère, mais je m’interrogeai désormais sur ses intentions. Avait-il prévu de nous faire prendre un bain de minuit, après minuit ?

— Attends-moi, je prends les affaires dans la voiture.

— Quelles affaires ?

— Celles dont j’ai besoin pour ta surprise.

Devant mon air paniqué à l’idée qu’il me jette à la baille en pleine nuit dans une eau glacée, il me rassura :

— Tu me fais confiance, Anna ?

— Bien sûr, tu le sais.

Il attrapa deux énormes sacs de sport et ajouta :

— Alors, suis-moi.

Nous étions garés sur le remblai, en haut de la plage. Plus bas, une étendue de sable se dessinait. Au loin, les vagues allaient et venaient à leur rythme régulier. Il me conduisit jusque dans une crique et m’aida à escalader les rochers. La pleine lune nous éclairait de sa lumière sélène et nous permettait de voir facilement devant nous. Nous arrivâmes devant une entrée percée dans la roche noire. Adam m’expliqua que cette dernière n’était pas naturelle, mais avait été creusée par les riverains, pour éviter les accidents. En effet, à marée haute, la grotte se remplissait d’eau complètement, recouvrant la petite surface de sable sur laquelle on pouvait se poser, tout au fond. Les gens qui y entraient à marée basse se retrouvaient piégés lorsque la mer montait.

— La mer commence à descendre. On va pouvoir s’y installer pour la nuit et regarder le lever du soleil, dans quelques heures. Tu vas voir, c’est un spectacle saisissant.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Caroline Rousseau (Argent Massif) ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0