Chapitre 57 : L’audace

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Adam me déroutait. Alors qu’on aurait dit qu’il se rappelait à peine mon existence la plupart du temps, il avait par ailleurs créé une liste de chansons qu’il m’avait dédiée. Et pas n’importe quelles musiques. Des morceaux forts, intenses, avec une puissance émotionnelle indéniable. Des sons qui faisaient vibrer tout le corps et l’âme. Des sons qui remuaient de l’intérieur et qui faisaient mal si jamais on n’avait déjà pas trop le moral.

Si Adam avait l’habitude d’écouter cette playlist, il devait le faire pour se torturer le cœur. C’est ce que moi j’aurais fait en tout cas. D’autant plus qu’il l’avait appelée « Anna ». Devais-je comprendre qu’il l’écoutait en pensant à moi ? Que signifiait tout cela ?

La première des musiques qui résonna dans mon oreille fût « The Loneliest », de Maneskin. Magistrale et triste à souhait. Sa beauté me transcenda. Adam me regardait du coin de l’œil, savourant l’effet qu’elle me procurait. J’aurais pu pleurer si j’avais été seule, mais sa présence à mes côtés rendait l’instant magique et joyeux. Sans lui, mon émotion aurait été différente. Peut-être était-ce également ce qu’il ressentait ? En tout cas, il souriait à présent. Il me souriait franchement, les yeux pétillants. D’où venait cette joie qui semblait soudain l’habiter, lui, le garçon taciturne que tout le monde connaissait ?

Je levai une main en l’air. Son ombre trancha avec le bleu foncé et scintillant d’étoiles que l’on voyait en dehors de la grotte. Il leva sa main à son tour et vint la poser sur la mienne, tremblante.

J’étais dans ses bras, à moitié sur son corps, nos deux flancs serrés l’un contre l’autre, et nous partagions des écouteurs en se laissant transporter par une magnifique chanson. Et maintenant, nos mains se rejoignaient et dansaient dans la fraîcheur de la nuit.

Surréaliste.

Et cela ne faisait que commencer...

Je ne comprenais pas ce soudain changement d’attitude. Et j’étais le genre de fille qui avait besoin de comprendre. Seulement, je savais que parler romprait à coups sûrs le charme de cet instant. Aussi décidai-je de me taire, de suivre ses conseils et de profiter.

Et quitte à profiter, autant faire ce que je voulais vraiment. La seconde chanson qui me parvint à l’oreille, « Take me to the Church », de Hozier, me donna le courage de me lancer. J’attrapai sa main levée et la posa en douceur sur ma bouche. Il ne la retira pas mais j’avais senti son regard suivre le mouvement tout du long, interloqué. Je m’aventurai en terrain inconnu sous ses yeux décontenancés.

Audacieuse, je baisai la peau chaude et salée de ses doigts. Il me fixait tandis que je dirigeai ma bouche vers sa paume. À la tension qui gagna son bras, je compris qu’il ne s’y attendait pas. Et qu’il ne l’espérait peut-être pas non plus. De toute évidence, je le prenais de court. J’adorais ça. Il m’imaginait sûrement si sage qu’il n’avait pas prévu, qu’à ses côtés, je devienne... intrépide.

Mais Adam ne me laissait pas de glace, loin de là, et être dans ses bras me donnait envie de plus. De beaucoup plus. Son corps sculpté électrisait tous mes sens et faisait sauter mes inhibitions. Je devenais une autre près de lui. Je devenais une femme. Et lui était un homme, et cette promiscuité, qu’il avait volontairement créée, ne pouvait rester lettre morte.

Je saisis le bout de ses doigts et les pressa contre mes lèvres closes avant d’en glisser deux à l’intérieur de ma bouche. Je les insérai juste au niveau de la première phalange, goûtant de ma langue le sel que l’eau de la mer y avait déposé.

Adam ne me quittait toujours pas des yeux, immobile. Mais face à mon manège, il réagit enfin. Pas beaucoup, car tout son être était encore figé, mais assez pour percevoir que j’avais fait mouche. En effet, j’entendis sa respiration se couper, puis s’accélérer.

Tiens donc, voilà qui était intéressant. Ainsi donc, je le perturbai. Adam Bellaji, l’homme aux multiples conquêtes, était ébranlé par une gamine de seize ans qui lui léchait les doigts. Je l’entendis déglutir avec difficulté, ouvrir la bouche pour parler, puis la refermer, visiblement peu convaincu par l’utilité des mots. J’enfonçai ses deux doigts un peu plus profondément entre mes lèvres entrouvertes, les suçant délicatement. Je fermai les yeux, m’imprégnant de cet instant.

À côté de mon oreille libre, son souffle devint désordonné.

Si Adam Bellaji pensait qu’il pouvait être le seul à jouer à me retourner le cerveau, c’est qu’il m’avait sous-estimée...

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