Les spasmes qui m’assaillirent durèrent longtemps. Un temps infini, me sembla-t-il. Je redescendis en douceur, haletante. Il retira délicatement la main de mon sexe, me laissant reprendre mes esprits. Je n’osai plus le regarder, légèrement honteuse du plaisir que je venais de prendre égoïstement.

Je sentis ses yeux orientés dans ma direction, comme s’il m’étudiait après coup. On aurait dit qu’il savourait une victoire. Ma vision périphérique me permit de voir qu’il souriait. Non seulement il affichait un sourire, mais celui-ci était radieux, du genre à montrer l’intégralité de sa dentition. Pour un peu, la présence d’un dentiste ne m’aurait pas paru de trop pour examiner sa bouche.

— Regarde-moi, me demanda-t-il gentiment.

— Adam...

— Pourquoi tu ne me regardes pas ?

— Laisse-moi quelques secondes.

Fous-moi la paix.

— J’ai envie de voir tes yeux.

Il attrapa mon menton et me fis tourner vers lui. Observer mes pupilles dilatées de plaisir sembla le satisfaire car il arbora un sourire encore plus franc.

— Pourquoi veux-tu me fixer maintenant ?

— Tu es belle quand tu viens de jouir.

Je devins instantanément cramoisie. Programme d’auto-combustion activé. Il rit et je lui demandai d’arrêter de se moquer de moi. Il se défendit aussitôt :

— Tu rigoles, j’espère. Me moquer ? Certainement pas ! Tu sais à quel point c’est compliqué pour un mec de faire jouir une femme ? Je peux t’assurer que si tu en avais la moindre idée, tu comprendrais ma joie à y être parvenu du premier coup.

Je baissai le regard. Il le releva. Il se délectait de mon état, savourant sa petite victoire. Même si cela partait d’un bon sentiment, d’une fierté légitime, j’en étais embarrassée. Malgré tout, je le laissais faire. Ses yeux noirs plongèrent dans les miens, essayant de sonder mes impressions post-orgasmiques.

— Je peux te poser une question ? me susurra-t-il.

Je connaissais déjà sa question.

— C’est la première fois que tu ressens ça ? Je veux dire... prendre du plaisir comme ça.

Il ne prononça pas le mot « orgasme », mais j’avais deviné juste et savais où il voulait en venir. Tout confiant et sûr de lui qu’il était, Adam restait un être humain avec des doutes qu’il lui fallait affronter. De là devait provenir ce besoin de se rassurer qui le tenaillait malgré sa réussite. Je ne pouvais pas répondre à sa question et lui dire « oui » sans lui mentir, car je ne savais pas si la masturbation comptait pour la réponse.

— Ça dépend ce que tu entends par « première fois ». Tu parles d’un orgasme obtenu seule ou avec quelqu’un ?

J’avais mis les pieds dans le plat et il sembla dérouté. Après quelques secondes de confusion, il percuta. Il était de toute évidence étonné que je lui apprenne ouvertement que je me masturbais. Qu’il était vieux jeu, par moments ! Cette facette de lui m’amusait autant qu’elle m’irritait. On était au vingt-et-un siècle, quand même, et la sexualité connaissait de moins en moins de taboues. Mais pas pour tout le monde apparemment, et pas pour Adam, visiblement. Il avait l’air gêné. C’est pourtant lui qui avait commencé !

— Ah. Je voulais dire, le premier... orgasme avec un homme, risqua-t-il en se forçant à paraitre normal.

Sa diction était laborieuse car le mot « orgasme » le mettait mal à l’aise. C’était comique de le voir se décomposer sous mes yeux alors qu’il était à l’initiative de cette question indiscrète. Sa curiosité l’avait conduit dans une situation qui le dépassait légèrement. J’en riais intérieurement.

— Alors... oui.

Ma réponse le laissa perplexe. Après une légère hésitation, il ajouta :

— Pourtant, tu m’as dit l’avoir déjà fait...