Chapitre 65 : Le très très gros mensonge
Comme je ne disais rien, étant donné que je me sentais prise en flagrant délit de mensonge, Adam insista :
— Tu n’as pas aimé ta première fois ?
À son regard de travers, je savais qu’il était sceptique, tout comme je perçus des doutes dans sa voix. Il n’avait pas l’air convaincu que je lui aie dit la vérité autrefois. Bien sûr, il avait raison de remettre en cause la véracité de ma prétendue perte de virginité, mais je ne voulais pas qu’il sache que je lui avais menti délibérément.
Je repensai à ses caresses sur mon intimité. Il était resté en surface et ne m’avait pas pénétrée avec ses doigts. Étais-ce un acte manqué ou une volonté de sa part de ne pas y aller ? Avait-il eu peur de me déflorer ainsi ? J’avais le sentiment qu’il n’avait pas osé prendre le risque. Ce qui me laissait à penser qu’il me croyait encore vierge et soupçonnait que je lui avais monté un char. Je devais absolument l’en dissuader. Il était hors de question de lui avouer ma tromperie. J’avais la ferme intention de persister dans mes élucubrations, quitte à continuer à l’embobiner. Cela me fendait le cœur, mais je n’avais pas le choix. Je ne pouvais plus faire marche arrière et perdre la face.
— C’était une première fois... rien d’exceptionnel, tu sais. On ne jouit pas forcément la première fois.
Ni les suivantes, au demeurant, à écouter certaines de mes amies... Il était de notoriété publique que la plupart de mes copines de classe atteignaient plus facilement l’orgasme seules qu’accompagnées. Confirmant mes dires, Adam se fendit d’un soupir et déclara :
— Ouais, je sais bien... Mais, il aurait pu mieux se débrouiller.
— Il était puceau aussi. Il ne savait pas ce qu’il faisait.
— Et les fois suivantes, il ne s’est pas amélioré ?
— Non, c’était pas terrible. En réalité, après, je n’ai pas voulu recommencer...
Je sentis son corps se tendre. Il avait l’air de se torturer en m’imaginant avec un autre, même si ce dernier avait été nul au lit. Je préférais changer de sujet, celui-ci devenant trop risqué. Je décidai de réorienter la conversation sur la masturbation. Ne plus le sentir me dévisager facilitait grandement ma capacité d’expression, surtout pour ce genre de dialogue. Je me lançai :
— Tu as eu l’air surpris d’apprendre que je me caressais. Ça te choque ?
Il me dévisagea, décontenancé. Et là, pour la première fois de ma vie, j’assistai à un phénomène paranormal : Adam Bellaji rougissait ! Je l’avais déstabilisé, incroyable ! Il se mit à rire doucement en cherchant une réponse appropriée.
— Non, bien sûr que non, c’est juste que je ne m’y attendais pas, c’est tout. Tu es parfois assez... cash.
— C’est mal ?
— Pas du tout. Tu es comme tu es, tantôt réservée et secrète, tantôt plus...
— Dévergondée ?
Il rit.
— Non, juste plus expressive, c’est tout.
— Tu n’imaginais pas que je le faisais ?
— Pour être honnête, non, effectivement... Je ne crois même pas m’être posé la question.
— Tu le fais bien toi, j’imagine, rétorquai-je un peu irritée.
— C’est différent, je suis un mec.
Je le fusillai du regard et il comprit qu’il aurait mieux fait de se taire.
— Et alors ? repris-je, prête à lui sauter à la gorge s’il osait dire une nouvelle ineptie.
Adam se mordit la lèvre, partagé entre l’envie de renchérir sur ses propos sexistes et celui d’apaiser la tempête qui couvait en moi. Il me connaissait de mieux en mieux et m’avait déjà vu m’enflammer par le passé. Il comprit qu’il devait calmer le jeu pour ne pas nous voir nous écharper.
— Alors rien. C’est juste que les femmes ont l’air d’en avoir moins besoin, ou de moins s’y adonner. Je ne sais pas, je n’ai pas les chiffres en tête. Mais c’est cool que tu le fasses, que tu apprennes à connaître ton corps de cette façon.
— Pour dire la vérité, cela n’a jamais été aussi bien que celui que tu m’as offert.
Il sourit, sincèrement flatté. L’atmosphère redevint plus douce, au cœur de cette nuit torride et romantique qui n’en finissait pas.
— Voilà qui me fait plaisir. À vrai dire, je vais avoir beaucoup de mal à ne pas t’imaginer en train de le faire désormais et cela risque de me poser quelques problèmes de concentration.
Nous rîmes de concert. J’adorais l’idée de créer ces perturbations en lui. C’était savoureux de l’imaginer aussi facile à ébranler. J’avais apparemment dit ce qu’il voulait entendre car il m’encercla de ses bras en affichant un sourire niais, et me fis poser la tête dans le creux dans son cou. L’odeur musquée de sa peau, qui avait plus fortement émanée de lui durant toute son excitation, m’enivra.
— Et toi ? murmurai-je près de son oreille. Tu n’as rien eu cette nuit.
— C’était ton anniversaire, pas le mien. Repose-toi un peu. Il est très tard et on est épuisés.
— Merci pour ce présent, chuchotai-je reconnaissante, en me blottissant dans ses bras.
J’avais eu beaucoup de rêves à propos d’Adam Bellaji mais, même avec mon imagination hyper-fertile, je n’aurais jamais cru avoir un jour un orgasme comme cadeau d’anniversaire.
Je fermai les yeux pour ne plus les rouvrir avant le lever du soleil.
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