Chapitre 75 : L’adresse
Il prit ma main et m’emmena jusque sur le parking, où était garée sa voiture. Je tirai sur mon bras pour me soustraire à lui.
— Je ne veux pas quitter la soirée.
— Monte, on parlera à l’intérieur.
Je levai les yeux au ciel face à son ton directif. Mais quand il déverrouilla la centralisation et m’ouvrit la portière passager avec énergie, je me refugiai dans l’habitacle. J’avais froid à cause de mon haut léger à une seule manche, et sa voiture était pourvue de chauffage. Quitte à me farcir ses remontrances, autant le faire bien installée au chaud. Dans le véhicule, Adam ne dit rien, les yeux orientés droit devant lui. Il m’ignorait. Accoudé à la fenêtre, son menton reposait dans sa paume de main. Son mutisme m’irritait. Il voulait me parler et bien qu’il parle maintenant.
— Bien, me voilà. Donc, je t’écoute.
Silence prolongé. Au loin, on entendait la musique de la soirée battre son plein. Sa soirée. Soirée, à laquelle il ne désirait apparemment plus assister, sinon pourquoi se réfugier ici avec moi ? Je m’impatientai devant son mutisme, d’autant plus que je savais qu’il était en train de cogiter. Cela se voyait à sa façon de froncer ses sourcils. Son visage était tendu. Il était... en colère ?
— Super. Tu me fais venir ici pour me parler mais finalement... tu n’as plus rien à dire.
— Ne refais pas ça.
Son despotisme me crispa. Mais de quel droit osait-il se montrer aussi virulent à mon égard ? Qu’avais-je fait pour mériter un tel traitement de faveur ? Certes, j’avais voulu l’énerver en choisissant de draguer son meilleur ami sous ses yeux, mais après tout, nous n’étions pas ensemble, alors... ?
— Pour commencer Adam, tu vas arrêter de me donner de ordres sinon je descends de ta foutue bagnole, éructai-je sur le même ton vindicatif.
Il verrouilla la centralisation avec sa commande au volant.
— Génial, tu veux me séquestrer désormais ?
— Ne refais plus jamais ça.
Il avait détaché chaque mot. Je commençai à avoir peur.
— Je t’ai dit d’arrêter de me donner des ordres ! me défendis-je, les cordes vocales vibrantes. Tu n’es ni mon père, ni mon frère et même eux ne se sont jamais comportés ainsi avec moi.
— Ne refais plus jamais ça... s’il te plaît.
Puisqu’il se radoucit, j’en fis de même lorsque je poursuivis :
— De quoi tu parles, Adam ? De discuter avec un pote ?
— Vous ne discutiez pas et tu n’avais clairement pas envie de la même chose que lui. Je te connais Anna, je connais les signes chez toi.
Je m’esclaffai, amusée par cette remarque.
— Les signes de quoi ?
— Quand quelqu’un te plaît.
— Et c’est quoi les signes ? Je papillonne des cils, je louche, je remue du cul ?
— Non, tu ne fais rien de tout ça. Tu ne fais rien du tout justement quand tu es à proximité d’un autre homme. D’un autre homme que moi s’entend.
Ben voyons ! Adam, le centre du monde, qui croit être le seul capable de me séduire. Quel manque total d’humilité. Ce mec était tellement autocentré. Il avait beau avait disparu à l’autre bout du monde comme le voleur de cœur qu’il était, il croyait encore être le centre du mon univers. J’avais envie de lui hurler de redescendre de sa planète et de toucher à nouveau les pieds sur Terre. Son ego avait la taille d’une montgolfière qui l’empêchait d’atterrir apparemment. Mon Dieu qu’il m’énervait !
— Ah ! Donc tu veux dire que tous les hommes me laissent de glace à part toi ?
— C’est l’idée, oui.
Prétentieux. Arrogant. Crétin, crétin, crétin.
— Tu as sûrement amélioré ton espagnol là-bas, Adam, mais pas ta modestie et l’image un peu trop surcotée que tu as de toi-même.
— Si tu le dis.
Il avait l’air blessé mais je ne comprenais pas pourquoi. Nous ne nous étions rien promis. Pire, il m’avait plantée avant de se barrer un an sur un autre hémisphère et n’avait donné aucune nouvelle depuis. Et maintenant, il revenait, la fleur au fusil, pour me reprocher de vivre ma vie ? Mais quel trou du cul possessif !
— J’ai attendu que tu m’écrives, poursuivit-il sobrement.
Hein ?
— Ah oui ? m’esclaffai-je, ahurie. Quelle blague, Adam ! Tu te barres sans laisser d’adresse mais tu attendais que je t’écrive. Trop fort, vraiment.
— Sauf si ta mère ne t’a pas laissé le mot, tu avais mon adresse.
Je le regardai, déconfite. Mais de quoi parlait-il nom de Dieu ?
— Non, il n’y avait rien d’autre que tes trois pauvres lignes d’excuses avec ton explication minable.
— Et au dos du mot... l’adresse...
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