Chapitre 81 : Princesse
Je tremblais comme une feuille en attendant son arrivée. Je reconnus le bruit de sa Volvo en train de se garer devant chez nous. Ma mère m’avait donné son accord, me laissant le champ libre pour retrouver Adam. Dès qu’il en fût informé par mes soins, il répondit :
— Bouge pas, Anna, je passe te prendre. Je ne suis pas loin, j’arrive.
Ainsi, cela allait vraiment avoir lieu. Après presque quatre d’attente et de rêves, entremêlés de désillusions et de déceptions, cela allait vraiment avoir lieu. Comment allait-il s’y prendre ? Allait-il être doux, être tendre ? Mes souvenirs avaient beau dater de l’année dernière, je me rappelais très bien la façon précautionneuse mais néanmoins passionnée avec laquelle il m’avait offert mes premiers émois. Je savais que je n’allais pas être déçue mais... avec ce mensonge qui planait au-dessus de ma tête, je me demandais ce qui allait se passer. Pourrais-je le duper aussi facilement que je l’imaginais ?
Je sortis de la maison et fermai la porte à clef, un sac à dos balancé sur mon épaule. Il descendit de voiture et vint m’ouvrir la portière, le regard lumineux. Il se retenait de sourire, de peur de se montrer trop présomptueux, mais il savait bien le désir qui échauffait le sang dans mes veines. J’allais être tout à lui cette nuit, comme il me l’avait demandé.
— Monte, princesse.
Il fit un geste dans ma direction, prenant soin de m’aider à m’installer en me tendant la main. Puis referma la portière dans un bruit sourd. Je repensais à notre virée en voiture jusqu’à la grotte aux étoiles, aux frissons qui m’avaient parcourue durant toute cette nuit-là. Il avait été si romantique pour un mec qui n’en avait jamais eu l’air. Adam Bellaji cachait parfois bien son jeu. Était-il honnête avec moi ? Ce soir, l’entendrai-je me confier ce qu’il avait sur le cœur ?
— Tu as froid ?
— Non.
— Si tu as froid, je peux mettre plus de chauffage.
J’étais frigorifiée par la peur. Il pouvait mettre tous les chauffages du monde en marche, seule la chaleur de ses mots, de son corps contre moi, pourraient apaiser mes tremblements anxieux. Voyant que l’habitacle réchauffé ne calmait pas mes mains qui vibraient sur mes cuisses, il en prit une dans la sienne, large et solide. Il la porta à sa bouche et, tout en gardant un œil sur la route, y déposa un baiser.
— Ne stresse pas, Anna. Je ne vais rien te faire, ne t’inquiète pas. Je veux juste que tu sois dans mes bras ce soir, c’est tout.
Décontenancée par cette déclaration, je me demandais à quel jeu il jouait. Il savait que j’en avais envie, puisqu’on en avait parlé dans la voiture, tout à l’heure, au cours de la soirée. Pourquoi ne pouvait-il pas envisager de me faire l’amour alors que j’étais sûre et certaine que c’est ce qu’il désirait aussi ? J’avais envie de savoir et n’allais pas m’en priver.
— Depuis quand veux-tu faire l’amour avec moi, Adam ?
Il sourit, une main sur le volant, l’autre sur ma jambe tremblante de nervosité.
— Est-ce important ?
— Ça l’est pour moi.
— Tu veux une réponse franche ?
— Je n’espère que cela de ta part.
— Bien... alors, je vais être honnête... Depuis la première fois où tu es venue chez moi.
Je m’esclaffais, incapable de résister au plaisir de savourer ma petite victoire de gamine de quinze ans sur un jeune homme de vingt. Ainsi donc, il le reconnaissait. Je ne l’avais pas laissé indifférent ce soir-là. Malgré ma tête et mon corps amochés, il avait légèrement succombé à mes charmes altérés par l’agression que je venais de subir. Ses yeux dans la salle de bain l’avaient trahi.
— Et toi, depuis quel âge veux-tu faire l’amour avec moi ?
Je rougis soudainement, prise au dépourvu de cette question directe qui m’obligeait à y donner une réponse sincère.
— Depuis que j’ai l’âge de treize ans, Adam.
Il hocha la tête, pas plus surpris que ça. Un sourire en coin se dessina sur son visage jusque-là impassible. Il regardait la route, légèrement tourné vers moi.
— C’est jeune pour ressentir cela, non ?
— Ce n’était pas qu’une attirance physique... c’était... plus profond.
— Si profond que cela n’est jamais parti ?
— Jamais, non.
Il se gara en bas de son immeuble et coupa le moteur de la voiture.
— On y est, Anna.
Je sursautai, perdue dans les pensées qui me dévoraient l’esprit depuis que nous avions quitté mon domicile.
On y est.
Y étions-nous vraiment ?
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