Il n’éleva pas la voix mais sa déclaration résonna violemment dans ma tête. Il ne bougea plus, contrairement à ce que je craignis. Je m’étais préparée à le voir déguerpir comme une fusée. Mais il était encore là. Je devinai à son visage perdu que ça cogitait grave là-haut et qu’il était en train de se retourner le cerveau avec tout ce que je venais de lui avouer. Il ne savait plus que faire : partir ou rester ? Même si son corps restait immobile, il avait l’air sur le départ, prêt à sauter hors du lit.

Putain, putain, putain.

Je le retenais en posant bien inutilement ma main sur son bras mais ma force de persuasion semblait m’avoir quittée. Il était silencieux, ce qui était très mauvais signe. Un Adam taiseux ne présageait rien de bon. Je craignais à chaque instant de le voir s’enfuir. Cela dit, on était chez lui alors il ne pourrait pas aller bien loin mais je ne voulais surtout pas qu’il quitte ce foutu lit où nous avions élu domicile. S’il le faisait, il n’y reviendrait plus, j’en étais convaincue. Alors, plutôt que d’utiliser mon corps pour l’empêcher de se sauver, j’usai des seuls mots qui me vinrent à l’esprit.

— Je t’en prie, Adam, arrête d’en faire toute une montagne. Ce n’est pas si important.

— Ce n’est tellement pas important que ça fait juste quatre foutues années que tu attends ce moment et accessoirement deux ans que tu me mens. Et tu voudrais me faire croire que ce n’est pas important pour toi ? Prends-moi pour un débile.

Il se décala encore sur le côté, permettant à un courant d’air froid de se glisser entre nous. Cependant, je me raccrochais à l’espoir faible et insensé qu’il se calme et me pardonne. Je notai son visage un peu moins rembruni. Ouf. D’ailleurs, il se réinstalla sous les draps, laissant reposer sa tête sur sa main, me défiant encore un peu de son regard sombre. Il attendait des explications. Communiquer était mieux que de mettre fin à nos échanges, alors je m’en réjouis. Mais j’avais toujours peur que chaque mot prononcé ne le fasse sauter hors du matelas comme une grenouille apeurée dans une mare. Tout sportif qu’il était, il devait avoir une excellente détente.

— Ce que je veux dire, repris-je, le ventre en compote, c’est que tu donnes trop de poids à cet acte. Ce n’est pas si grave. Il n’y a pas mort d’homme, je t’assure.

Je bégayai à moitié et ma seule façon d’arrêter les tremblements de ma voix fut de hausser le ton.

— C’est juste un putain d’hymen à déflorer. Tu n’es pas en train de devoir choisir entre le fil rouge et le fil bleu pour sauver la planète. Pourquoi en fais-tu tout un cinéma ?

Après avoir souri malgré lui en écoutant mes arguments, il réfléchit quelques instants et déclara :

— Parce que moi aussi je t’ai menti.