L'héritage

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Les sept étaient encore une fois réunis. Simone ne les ayant pas appelés, ils comprirent tous que la cible était toujours en vie. Quand ils arrivèrent vers 20h, ils virent la maitresse des lieux toujours en pleurs sur son fauteuil ainsi que des débris de service à thé un peu partout sur le tapis. Personne ne demanda quoi que ce soit au sujet de la tentative ratée. Ils étaient tous livides, chacun assis sur dans un fauteuil sauf Théophile qui du s’assoir par terre pour cause de manque de sièges.

Aucun d’entre eux n’osa troubler le silence ponctué de sanglots pendant près de dix minutes. Puis, Hortense, qui n’avait toujours pas ôté son manteau d’épaisse fourrure, posa délicatement sa main droite aux ongles peinturlurés sur son cœur. Elle respira profondément, écrasa de sa main gauche une larme qui avait fait couler son mascara, puis prit la parole.

- Alors… on… on continue ?

Aucune réponse.

- On s’arrête, alors ?

Toujours aucune réponse.

- VOUS REPONDEZ ? –juron-

Sursauts.

Simone releva la tête de ses mains, le visage ruisselant de larmes et de fond de teint. D’un regard plein de tristesse et de désespoir, elle implora Hortense de se calmer. Celle-ci resta inflexible.

- Je suis sérieuse, là ! Il faut réagir, et vite, sinon François va se douter…

- C’est… c’est trop tard…

Simone reparti en sanglots après avoir prononcé ces quelques mots. Sa respiration était haletante et ses mains humides. Elle releva une nouvelle fois la tête en reniflant et, sous les regards pétrifiés des six autres, elle leur raconta ce qui s’était passé.

A la fin du récit, plus personne ne bougeait, ne disait quoi que ce soit, ne réagissait. La situation était catastrophique. La cible était au courant : elle allait se venger, c’était sûr ! Ils se trouvaient désormais en danger. François avait largement les moyens de prendre sa revanche sur eux. Il n’avait même pas besoin de les dénoncer aux autorités. Le terrible notaire/juriste/avocat/banquier allait frapper, et ils le sentiraient passer.

La solution était simple : l’éliminer. Les sept l’avaient compris.

- On demande à quelqu’un de… le faire ?

- Surement pas ! Tout cela doit rester entre nous.

- Dans ce cas, l’accident…

Silence.

- C’est ce qu’il y a de mieux.

- Mais comment on organise ce genre de chose ? Je ne sais qu’empoisonner les gens !

- Ca ne doit pas être trop compliqué… On sabote les freins de la voiture, on savonne les escaliers, ce genre de choses…

- Mon pauvre Martin, vous êtes trop allé au cinéma !

Sonnerie de téléphone.

Simone ravala ses larmes et décrocha le combiné. Les autres écoutaient attentivement Simone acquiescer. Quand elle raccrocha, son visage était radieux.

- IL EST MORT !

Pas de réponses.

- FRANCOIS EST MORT !

- Vraiment mort ?

- Mort de chez mort !

Les sept poussèrent des cris de joie à faire trembler le lustre en cristal. Il était mort. C’était tout. Madeleine serait maintenant la main de Marcel, Simone tournait en rond, les mains croisées avec celles de Francis, Hortense sautait sur place, Martin et Théophile poussaient des hurlements guerriers, les bras de l’un sur l’épaule de l’autre. L’effusion de joie dura quelques minutes durant lesquelles le parquet fut terriblement marqué par les talons hauts d’Hortense.

Une fois qu’ils furent un peu calmés, Simone leur narra sa conversation avec –devinez qui-, le notaire ! Celui qui était présent lors de l’enterrement chez Martin. Et il lui avait dit qu’ils pouvaient venir dès le lendemain, juste après la célébration. Aucune attente n’était nécessaire pour les funérailles, faute de membres de la famille ou d’amis à faire venir. La lecture du testament se ferait à ce jour là.


* * *


L’enterrement fut réglé en bonnes et due forme par Damien et Marie, jugés les personnes les plus proches du défunt. Quelques très rares collègues étaient présents, en plus des sept et de leurs domestiques, sans oublier Lady Droséra. Parmi l’assemblée restreinte, un petit groupe de personne semblait étrangement heureux et dissimulait avec peine et ridicule leur joie. La célébration fut rapidement finie, puis ce fut tout. Pas de réveil du mort, pas de ronflements issus du cercueil : rien.


* * *


Le notaire leur fit une lecture complète du testament qui, somme toute, n’était pas très long. Les sept manifestaient une impatiente indécente qu’ils avaient de plus en plus de mal à contenir. Le regard avide, ils fixaient non pas le notaire, mais le papier. Le simple papier qui définissait les dernières volontés de celui qui les conduiraient à la richesse. Le partage se ferait plus tard. Du moins, c’était ce qu’ils disaient. Au bout d’un moment, le notaire les interpela.
- Ce passage vous concerne. Ecoutez bien.

« Recommandation inutile, vieux rabougri !

« Dépêche-toi, alors !

« Vite, vite !

« La clé ! La clé ! Enfin !

« File-nous la clé rapidement !

« A nous le pognon !

« C’est pas trop tôt. Je commence à sérieusement m’ennuyer.

- « A mes sept collègues, messieurs…

- Abrégez, nous savons qui nous sommes !

- Bien bredouilla le notaire. Heu… « mesdames »… Voilà : « Je lègue…

- LA CLE DU COFFRE COMMUN !

Hortense venait d’exploser. Le notaire la ramena à l’ordre.

- Désolé de vous contredire, mais cette « clé » faisait partie du leg jusqu’à hier. Je termine la lecture. « Je lègue sept sachets de thé Earl Grey ainsi qu’une boite de biscuit de chez Droséra et fils, petit-fils, arrière-petit-fils et beau-frère. » Voilà, c’est tout.

Plus aucun bruit.

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