Chapitre 4 : Une soirée sur le fil

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Coucou ! Voici la suite des désastreuses aventures de l'enfance de notre ménestrel. Merci pour vos retours, ils sont super encourageants !

LE CHANT DE L'OISEAU SOLITAIRE

Chapitre 4 : Une soirée sur le fil

Je n’avais encore jamais bu d’alcool, ni expérimenté ses effets désastreux. Après quelques verres, j’ai commencé à me sentir vraiment étrange. Le monde tanguait, je riais ou pleurais pour un rien et la situation amusait bien mes nouveaux maîtres. De toutes les personnes composant ce groupe atypique, Armand était le plus vicieux et odieux.

Alors que je vomissais mes tripes sur ma couche déjà sale, il décida qu’il était temps de m’initier à ma première mission. Les regards que se lancèrent les autres auraient dû m’alerter, mais mon estomac représentait une priorité supérieure et je n’y fis pas attention. Je refusais de me ridiculiser une nouvelle fois et acceptai avec un orgueil que je ne me connaissais pas.

Armand aida à me remettre à dos de cheval et nous chevauchâmes tous les deux pendant une bonne heure. Notre route s’acheva à l’orée d’un petit village qui ne devait apparaître sur aucune carte tant il était ridiculement petit : deux chaumières, une épicerie et une auberge en piteux état. Mon nouvel ami me fit descendre derrière le magasin. Je tenais à peine debout et j’avais l’impression que ma tête allait exploser. Pourtant, l’égo me poussa à écouter son plan.

“Tu vas bien m’écouter, gamin. Tu vas rentrer dans l’auberge et monter à l’étage. A la deuxième fenêtre, tu as une corde qui est accrochée à la maison d’en face. Je veux que tu grimpes la corde. Tu vas arriver dans la chambre d’une petite noble qui me doit un sacré paquet de pépettes. Tu vas lui retirer son corset et me le ramener, d’accord ?

— Pourquoi… Pourquoi ne pas passer directement par la maison ?

— Parce que son père est en bas, pardis ! C’est une brute épaisse et tu ne veux pas avoir affaire à lui. Ne te fais pas remarquer. Je compte sur toi !”

Il me poussa dans la ruelle. En avançant à tâtons dans le noir, j’aurais juré voir l’ombre d’un sourire sadique étirer son visage. J’ai poussé la porte de l’auberge et suis rentré comme si de rien était. Malgré l’heure tardive, les dix tables étaient toutes bien occupées et remplies. D’où pouvait venir tout ce monde ? Je fis bien attention à éviter l’aubergiste, en rampant entre les jambes des clients qui me dévisageaient avec un brin d’amusement.

J’attegnis finalement les escaliers qui menaient à l’étage sans trop de difficulté. Ce fut là que tout dérapa. Alors que je grimpais les marches quatre à quatre, un homme me fonça dans la poire. Il s’agissait de l’aubergiste, qui me jaugeai de toute sa hauteur. Cette rencontre imprévue expliqua sans aucun doute la facilité que j’avais rencontré à m’aventurer dans l’établissement jusque là. L’homme avait la taille d’un géant et le poids d’un gladiateur. Avec ses joues pendantes, il ressemblait à un molosse affamé.

“Où est-ce que tu vas ?

— Euh… Livrer un colis à un client, improvisai-je.

— A une heure pareille ?!

— C’est très important ! Il est en danger de mort !”

Par un quelconque miracle, ma tactique fonctionna et il me laissa passer, un grain de suspicion dans le regard. Il ne restait plus qu’à trouver la deuxième fenêtre, celle qui menait sur mon objectif. Bien sûr, celle-ci se trouvait à l’intérieur d’une chambre occupée. A en juger par les ronflements qui s’en échappait, je pouvais entrer sans risque.

Grave erreur. A peine entrouvis-je la porte qu’un chien gigantesque bondit sur ses pattes et se mit à aboyer furieusement. Il ouvrit complètement la porte, me laissant à découvert, et me fonça dessus. Pris de panique, je rentrais dans la chambre d’à côté et fermait la porte derrière moi. L’animal grattait à la porte et je doutais de la persuasion de ma couverture lorsque des pas retentirent sur le bois craquant de l’escalier.

Pris d’une folie et d’un courage qui provenait sans aucun doute de l’alcool, j’ouvrais la fenêtre et décidai tout simplement de me jeter vers le fil, à seulement trois mètres de ma position. Je pris un peu d’élan sur le bord de toit puis bondit vers le fil et l’aggripait à deux mains. Je glissai le long de la corde, à cause de mon poids et me retrouvai pendu au dessus du vide, sous les yeux ébahis d’Armand, quelques mètres en contrebas.

Mes mains me brûlaient, mais je venais de prendre conscience que je pouvais difficilement faire marche arrière. A la fenêtre de l’auberge, le client, son chien et l’aubergiste me criaient dessus pour que je retourne vers eux. Coincé, je décidai malgré tout de poursuivre ma blessure. C’était plus fort que moi : je devais impressionner mon nouveau maître. Avec un peu d’élan, je réussis à croiser mes jambes autour du fil, en koala et repris ma progression vers mon objectif.

Je n’avais pas prévu que ce fou d’aubergiste coupe la corde, alors que j’atteignais presque la chambre de l’habitation d’en face. Je sentis soudainement la pression se lâcher et, comme un idiot, je restais accroché à mon grappin. Je me cognai durement le dos sur la paroi de l’habitation voisine et dû résister pour ne pas tomber.

Quand une flèche se planta à quelques centimètres de mon visage, je compris qu’il y avait urgence. Je lâchai la corde pour m’accrocher au rebord de la fenêtre de ma cible et forçai la vitre pour m’ouvrir un passage. Juste quand je passai le rebord, deux mains solides m’aggripèrent violemment et me tirèrent à l’intérieur. On me projeta contre un mur et, au plus mal, je ne trouvais rien de mieux que de vomir la fin du contenu de mon estomac sur une moquette d’une qualité impeccable.

Devant moi, un homme taillé comme une armoire à glace pointait dans ma direction un couteau aiguisé. Une jeune femme se tenait derrière lui, apeurée. Je ne mis que peu de temps à comprendre qu’il s’agissait du fameux monsieur qu’il ne fallait absolument pas que je rencontre. Avec le bruit qui avait dû réveiller toute la rue, il n’était pas étonnant qu’il ait été alerté de mon arrivée.

“Cor… Corset ! réussis-je à murmurer avant de m’étaler au sol dans mon propre vomi, totalement hors-jeu.”

Quand j’ouvris les yeux, Armand et le père de ma cible discutaient dans le salon. Le brigand posait des pièces sur la table que l’armoire à glace enfournait dans ses poches. Au regard meurtrier que me lança mon partenaire, je conclus que l’objet de cet échange d’argent était moi. Il faisait jour dehors et je n’arrivais plus à me redresser tant ma tête me faisait souffrir. Je n’avais pas le sensation d’avoir été assommé, mais ma tête tournait comme si ça avait été le cas. Après encore quelques minutes, Armand se dirigea à grand pas vers moi. Il m’attrapa le bras et me traîna vers la sortie de la maison, malgré mes gémissements et mes supplications pour qu’il aille plus doucement.

Comme un mort-vivant, je le laissai me mener jusqu’à son cheval. Il me jeta sur la selle et grimpa à son tour. Il resta silencieux un long moment, jusqu’à ce que les contours du village ne soit plus visible. Tout le temps que dura ce parcours, je sentis l’atmosphère devenir orageuse. Et puis, finalement, il m’adressa la parole.

“Mais qu’est-ce qui t’as pris ?! T’es suicidaire ?! T’aurais pu te faire tuer. T’as de la chance que cette brute de Francis a bien voulu t’échanger contre du pognon, je l’aurais laissé te pendre à son balcon. T’as intérêt à nous rapporter un sacré pactole avant la prochaine connerie ou c’est moi qui te pend à un arbre, compris ?!”

Choqué, je me contentai de hocher de la tête, apeuré par la menace. Le reste du trajet s’effectua dans un silence de plomb. Je n’osai plus ouvrir la bouche, à la fois à cause de la douleur foudroyante que produisait le geste dans ma tête, mais aussi parce que je craignais qu’Armand me colle la droite de ma vie. De retour dans la grotte, il se fit un malin plaisir de raconter ma mésaventure à tous le groupe, alors que je partais me coucher, après avoir soigneusement mis dehors la paille couverte de vomi. Peine perdue, l’odeur resta pendant plusieurs semaines.

Après cette mésaventure, je refusai tout verre d’alcool et m’appliquai davantage aux missions que l’on me confiait. Espionnage, vols, infiltrations devinrent mes spécialités et je commençais à prendre goût à la tâche, drogué par l’adrénaline et le frisson à chaque fois que je privais un riche de ses biens. Sans m’en apercevoir, dix semaines venaient de s’écouler et j’étais maintenant un élément essentiel du groupe.

Malheureusement pour moi, j’eus tendance à oublier assez rapidement que bandit n’est pas un choix de carrière stable. On ne peut rester brigand sur le long terme parce que rares sont ceux qui survivent plus de quelques mois avec le statut de fugitif. La justice finit toujours par rattraper ceux qui se sentent au dessus de la loi et je n’allais pas tarder à le découvrir.

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