Chapitre 5 : Mission spéciale

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Hey ! Nouveau chapitre. On continue notre épopée chez les voleurs :3 Mais pour encore combien de temps ?

LE CHANT DE L'OISEAU SOLITAIRE

Chapitre 5 : Mission spéciale

Le jour de mon seizième anniversaire, Armand décida de m'emmener sur une mission spéciale. Il voulait marquer le coup avec une opération de grande ampleur. Ravi de pouvoir aider, je grimpai immédiatement sur son cheval et nous partîmes avec toute l'équipe en direction du village des nains. Il se trouvait que j'avais fini par leur raconter mes mésaventures chez le forgeron Beau-Tison et ils prévoyaient de lui donner une bonne leçon d'humilité.

Je n'avais pas vraiment apprécié de me faire jeter dehors et mes coéquipiers avaient réussi à me convaincre que ce traitement inacceptable devait être puni. En cette nuit neigeuse, nous approchions du petit village nain. Armand m'expliqua le plan en route : rentrer dans l'atelier, voler les lingots d'or et d'argent pour les revendre plus tard, mettre la forge à sac et repartir sans se faire remarquer. Enivré par l'idée de me venger, je ne posai pas plus de questions, confiant volontiers ma vie dans leurs mains.

Lorsque nous arrivâmes, la lune était haute dans le ciel et le froid s'était durcit. Bien que la fin de l'hiver approchait, les températures restaient glaciales dans le nord du pays. Le village se trouvait plongé dans l'obscurité. Les dernières lanternes mourraient sous la forte brise et s'éteignaient une à une. Vidé de toute vie, le petit village prenait des allures paranormales et je ne pouvais m'empêcher de regarder par dessus mon épaule, des fois que quelqu'un nous suivait.

La forge de Beau-Tison n'y faisait pas exception. La porte en métal grinçait sinistrement sous les coups du vent et la lumière émise par le four peinait à garder sa splendeur. Armand m'envoya au dessus de la grille pour me débarrasser de la barre de fer qui la maintenait fermée. Je m'exécutai rapidement, mal à l'aise à l'idée de me retrouver seul. Georges, Troyes et Joris se précipitèrent vers l'amas de lingots de fer et d'or pour remplir leurs sacs. Alors que je me dirigeais dans leur direction, Armand me saisit par l'épaule.

Il me tendit des gobelets remplis d'un liquide étrange qu'il me demanda de disposer un peu partout dans la forge. Je ne compris pas trop ce qu'il voulait en faire, mais je décidais de lui obéir. Après cela, il m'aida à renverser les tables en bois et les outils du forgeron. Les sacs furent répartis sur les chevaux et nous nous apprêtions à partir avant que quelqu'un ne soit alerté par notre présence.

Armand resta en arrière, pour assurer la fuite. Puisque mon cheval était aussi le sien, je restais sur la selle à l'attendre, nerveux. Je détestais quand il prenait son temps et ne tardait pas à le lui faire comprendre par des soupirs agacés et une agitation forcée. Je ne m'attendais tout simplement pas à ce qui se produisit alors.

Les yeux du bandit prirent soudain une lueur dorée, alors qu'il levait les mains vers le ciel. Il prononça une formule que je ne compris pas. Les gobelets disposés plus tôt s'élevèrent alors dans les airs, dans un cercle parfait qui me fila la chaire de poule. Il y eut un flottement étrange avant qu'une colonne de feu ne s'abatte sur la forge. Le four explosa et des briques volèrent au quatre coins du village.

Ce fut mon premier contact avec la magie. Tétanisé par cette prise de risque inhabituelle, je ne fis pas attention au départ brusque de l'animal. Mes yeux étaient rivés sur les ruines fumantes de la forge, autour de laquelle des ombres de nains commençaient à s'attrouper. Je me sentis immédiatement coupable. Certes, le nain avait mérité une correction, mais là, nous parlions de la destruction de ses outils de travail. Il ne pourrait travailler avant plusieurs mois.


"Tout va bien, gamin ? me demanda Armand, alors que j'observais les dernières fumées encore visible à l'horizon.

— Pourquoi... Pourquoi tu as fait ça ? répondais-je, d'une voix où se mêlait la déception, la tristesse et la rancœur."


L'homme parut gêné par la question. Il retira son chapeau d'une main et se tourna légèrement dans ma direction.


"Tu as pitié pour lui ? Qu'est-ce que je t'ai appris sur la compassion ?

— Je sais... Mais... Je n'ai jamais voulu ça.

— Crois-moi, il ne mérite pas tant d'honneur. Ce nain est plus riche que tous les gens des villages alentours, il s'en remettra."


Je me contentais d'un silence sceptique tout le temps que dura le retour à notre base. Les trois autres membres de notre compagnie nous attendaient à l'entrée, l'air apeuré, ce qui ne tarda guère à alerter mon mentor. Il se trouvait que Beau-Tison était parvenu à nous rouler. Ses lingots se trouvaient être des briques de pierres taillées peintes en argent et en or. Il n'y avait rien à en tirer.

Fou de rage, Armand s'en pris à ses coéquipiers. Il les accusa de trahison, qu'un tel magot n'avait pas pu être déplacé sans la complicité de l'un des leurs. Pendant tout le temps que dura le sermon, je restais caché derrière Georges, de peur de me prendre un coup. Avec le recul, je pense simplement que le vieux nain, trop avide, n'avait tout simplement jamais laissé de vrais lingots à la vue de tous. Nous ne le saurons sans doute jamais.

La situation se compliqua quand des bruits nous parvinrent des fourrés. Les gardes du village avaient remonté notre piste et l'éclat de rage de notre chef passa difficilement inaperçu. La panique gagna le rang des bandits et nous nous dispersâmes rapidement dans les bois. Je me souviens avoir suivi Armand pendant un moment. Mais il courait trop vite pour moi et je peinais à le rattraper. Comme un malheur n'arrive jamais seul, ce fut bien évidemment sur nous que les larbins de Beau-Tison jetèrent leur dévolu.

Bien que je me refusais à regarder en arrière, les pas de plus en plus proches des chevaux de la cavalerie me terrorisaient. En ce temps-là, la justice et les Eglises n'existaient pas. La seule loi qui valait était celle propre à chaque individu. Généralement, les bandits finissaient pendus à un arbre quelconque dans la forêt et on ne retrouvait leurs corps que quelques mois plus tard. Dans le meilleur des cas. Dans mon village, les voleurs étaient écartelés par les chevaux de trait des paysans, avec leur méfait gravé sur le torse au couteau. Si, par malchance, ils survivaient, ils étaient enfermés dans la cage de Robert, le loup qu'un chasseur gardait captif pour une raison qui me reste aujourd'hui obscure, et il finissait dévoré vivant.

La peur de mourir me donna une nouvelle force insoupçonnée et ma course doubla d'intensité. Mais ce ne fut malheureusement pas suffisant. Alors que je sautais au dessus d'un rocher, une douleur inattendue me propulsa au sol. Je poussai un hurlement de douleur et de terreur en découvrant qu'une flèche transperçait mon genou de part en part. La vue du sang qui s'écoulait de la plaie me donna rapidement le tournis et je me voyais déjà mort.

Armand surgit d'un buisson, alors que je ne l'attendais plus. Il me souleva avec facilité, ce qui n'était pas très étonnant vu le poids-plume que j'étais alors et la poursuite reprit. J'aurais tant voulu l'aider. Malheureusement, je ne faisais que m'agiter, pris d'hystérie, et je hurlais à tue-tête. Je n'avais plus vraiment conscience de ce qui m'entourait et la douleur me rendait fou.

Les gardes nous rattrapèrent assez rapidement. Ils nous encerclèrent et Armand n'eut plus d'autre choix que de se rendre. Une charrette de prisonniers ne tarda pas à apparaître à l'horizon et nous fûmes jetés comme des malpropres à l'intérieur. J'ignore toujours aujourd'hui si les autres sont parvenus à s'enfuir. Je l'espère, bien que la réalité soit rarement aussi douce pour les criminels.

Je gardais pour ma part une trace visible de cette expérience traumatisante. Si bien que pendant le trajet, Armand jeta mon pantalon et mon slip par les barreaux de notre prison tant l'odeur l'indisposait. Il réussit également à déloger la flèche de mon genou, au prix de hurlements perçants et de plusieurs pertes de conscience. Lorsque nous arrivâmes au village, il avait réussi à me confectionner un garrot à partir d'une des manches de sa chemise.

Les geôles étaient bien moins sophistiquées que celles que l'on trouve aujourd'hui. Il s'agissait de fosses sales, creusées à même le sol, dans lesquelles les prisonniers croupissaient jusqu'à ce qu'on daigne leur accorder de l'attention. Les gardes nous placèrent dans l'une d'entre elles jusqu'à l'arrivée de Beau-Tison, qui devait décider de notre sort.

Armand chercha en vain à me rassurer, je passai là une des pires nuits de mon adolescence, à chouiner dans ses bras. Il paraissait abattu, lui aussi, mais restait incroyablement calme. Peut-être, qu'au fond de lui, il prévoyait déjà ce qui devait se produire tôt ou tard. Une certaine détermination naquit dans son regard lorsque l'ombre imposante de mon ancien maître se rapprocha de la grille.

J'ignorais alors qu'il s'agirait des dernières paroles d'Armand, avant qu'il ne connaisse une fin tragique, en partie par ma faute.


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