Chapitre 26 : La cité des elfes
Coucou ! Dernier chapitre avant la pause jusque septembre, comme annoncé :) J'ai besoin d'un break sur ce texte qui est régulièrement alimenté depuis plus de six mois maintenant. On se retrouvera début septembre pour la suite des aventures d'Adrick :) D'ici là, n'hésitez pas à découvrir Molkov, qui sera lancé dès aujourd'hui sur ma page :)
LE CHANT DE L'OISEAU SOLITAIRE
Chapitre 26 : La cité des elfes
La nuit fut courte. La peur de me faire dévorer sans que je ne m’en aperçoives m’éveilla plusieurs fois. Je me levai pour de bon une heure avant l’aube. Iphranir me salua d’un signe de tête. Il avait pris le dernier quart de surveillance et attendait sagement le réveil du reste de la compagnie. Une surprise m’attendait à ses pieds : le cadavre d’un félin blanc gigantesque, brûlé sur une grande partie du corps.
“Elle est morte rapidement, m’expliqua Iphranir. Elle était couchée dans les fourrés là bas.”
Son ton trahissait son admiration et son anxiété vis à vis de mes pouvoirs. Je ne comprenais pas plus que lui comment cet accident avait pu se produire, mais la seule chance d’être encore en vie prit le pas sur la compassion que je ressentais pour la bête. Il me tendit un couteau. Je le regardai sans comprendre avant qu’il ne prenne la parole.
“Le chasseur doit évider la proie, prendre la peau et enterrer les organes. Quand on prélève à la nature, on s’assure que ce ne soit pas pour rien.
— Je n’ai jamais… fait ça, lui répondis-je en déglutissant, peu emballé à l’idée de mettre mes mains à l’intérieur du félin.”
Loin de se décourager, Iphranir m’expliqua patiemment comment faire. Pour ne pas le froisser, j’obéis et suivis ses instructions à la lettre, bien que mon estomac se retournait à chaque fois que je mettais mes mains dans les entrailles encore chaudes de l’animal. Une fois la fourrure (ou tout du moins ce qu’il en restait) retirée, le corps fut “rendu à la nature”, ou plutôt balancé dans les fourrés, afin qu’il nourisse les prédateurs opportunistes. Peu avant notre départ, le cadavre fut avalé tout rond par une plante carnivore d’une taille effrayante.
Nous reprîmes la route deux heures après le lever du jour et un petit déjeuner composé de fruits sauvages trop acides. Lothariel ne se trouvait plus qu’à une demi-journée de voyage et j’espérais vraiment en voir bientôt la couleur. Aucun sentier ne mène à la ville, il faut zigzaguer entre des arbres, contourner les ruisseaux trop profonds et faire attention aux racines. Seul, la balade se transformait en véritable calvaire, mais avec un cheval dissipé en longe, cela se transforma vite en cauchemar.
Gawell était encore assez jeune et avait peur d’à peu près tout. Une racine trop haute ? Elle se cabrait ! Un fruit qui tombait sur son dos ? Elle paniquait et cherchait à fuire ! Je finis par prendre du retard sur la compagnie qui, agacée de mes constants arrêts, m’avait dépassé depuis longtemps. Seul Iphranir, plus patient, marchait derrière moi, un sourire moqueur plaqué sur le visage. Il se contentait de me regarder sans agir malgré mes regards suppliants. La chaleur s’ajouta bientôt à l’équation et le périple devint insoutenable. Mes vêtements et mes cheveux collaient à ma peau, et mes ailes, trop humides, s’étaient rétractées. La pluie arriva en fin de matinée, mais bien loin de me rafraîchir, elle rendit les choses plus complexes encore. Elle était chaude et amplifiait l’humidité de l’air : irrespirable. Même Iphranir, pourtant habitué, souffrait de la situation.
Nous fûmes contraint de faire une pause pour s’abreuver dans un petit ruisseau avant de reprendre la route. Les sentiers redevinrent visibles et plus accueillants en début d’après-midi. D’abord, des fleurs plantées par des mains civilisées entourèrent les sentiers, parfument l’air de senteurs légères. Ensuite, nous croisâmes des lanternes qui illumaient un chemin de moins en moins terreux qui laissa place à des pavés parfaitement alignés et droits. Une douce brise artificielle, produite par de la magie comme me l’expliqua Iphranir, ne tarda pas à nous caresser le visage. L’excitation grimpait en moi au fur et à mesure que les premières traces de civilisations se révélaient.
Bientôt, un arbre gigantesque se détacha du paysage. Ses branches feuillus et épaisses recouvraient l’intégralité de la cité de Lothariel, offrant à ses habitants à la fois une couverture contre la chaleur et la possibilité d’élever la ville en hauteur. Les fins rayons du soleil qui perçaient les branchages illuminaient des zones de la cité terrienne. De toute ma vie, je n’avais jamais rien vu de tel.
L’entrée de Lothariel était férocement gardé par des gardes elfes et centaures en armures qui se radoucirent immédiatement en reconnaissant Iphranir. Mon compagnon avait une certaine réputation en ville et il en profitait allègrement. Puisque ce dernier ne témoignait aucune agressivité à mon encontre, ils me laissèrent passer sans encombre, même si leurs regards méfiants trahissaient leur envie de me voir quitter les lieux. Les soldats de la compagnie attendaient derrière les grilles. Ils avaient tous retiré leurs armures et se raffraichissaient dans une grande fontaine. Iphranir abandonna son cheval et les rejoignit sans tarder. Je mis plus de temps à le suivre, mal à l’aise à l’idée de me retrouver torse nu devant tant d’inconnus. Mais mon rechignement ne dura pas longtemps. J’avais tellement chaud que le simple contact de ma peau avec cette eau froide et claire m’arracha un frisson de plaisir.
Une heure plus tard, les femmes des soldats arrivèrent. Ce fut une effusion de joie, de pleurs, d’embrassades qui m’embarrassa au plus haut point. Je saisis une serviette et m’éloignai un peu du groupe. Iphranir se tenait lui aussi à l’écart, visiblement mal à l’aise. Lorette m’avait déjà expliqué que sa mère était décédée d’une maladie quelques années plus tôt, Iphranir ne s’en était jamais totalement remis et sa volonté de rester le plus loin de Lothariel venait en partie de là. Je compris sans mal que cette scène de bonheur devait lui être très pénible.
Je réalisai brusquement que j’allais bientôt revoir Lorette, et cela m’effraya. J’avais prévu de réfléchir à quoi lui dire sur le trajet, mais la constante peur de finir dévorer et ma mésaventure avec la panthère blanche m’avaient détourné de ma mission. Je me retrouvai sans plan d’action alors même qu’il s’agissait de ma seule chance de la récupérer. Si elle ne me pardonnait pas, je ne savais pas ce que je ferais. Les elfes s’avancèrent vers l’intérieur de la cité avec les femmes et les enfants, je suivis Iphranir qui me fit signe d’avancer.
Nous nous dirigeâmes vers l’immense arbre qui me parut interminable une fois arrivé à son pied. Comment une telle plante pouvait exister sans que personne ne cherche à s’en emparer ? Lenaïg aurait tué pour avoir un observatoire pareil. L’emplacement était stratégique, bien qu’il donnait essentiellement sur la forêt de Querod de tous les côtés, et donc sur du vert à en perdre la tête.
La plus grande surprise, pour moi, ce fut l’intérieur de l’arbre. Alors que je m’attendais à quelque chose de boisé, rudimentaire, je découvris une pièce d’un blanc immaculé, rempli de machines totalement inconnues qui marchaient et bougeaient entre les visiteurs, des plateaux couverts de verres de nectar dans les mains. Une des choses s’approcha de nous et s’inclina. La machine ressemblait à un elfe entièrement translucide, dans lequel ce qui ressemblait à du magma s’agitait tranquillement. Le haut de son crâne luisait, couvert de circuits électroniques bleutés. Elle n’avait pas de visage, mais s’adressa à nous comme si elle avait une bouche.
“Bienvenue à Lothariel, visiteurs, je suis Endo série LHOOQ. Quelle est la raison de votre présence aujourd’hui ?
— Nous avons rendez-vous au conseil, expliqua Iphranir poliment, en prenant un verre sur le plateau.
— Le conseil se tient dans la salle A57, au sixième étage. Veuillez emprunter l’élévateur sur votre droite.”
Iphranir s’inclina et l’étrange marchine reprit sa route, non sans nous distribuer à chacun un verre. Le nectar était délicieux, légèrement fruité et sucré, frais, mais je n’étais pas au bout de mes surprises. L’élévateur était un appareil étrange : un long tube de verre grimpait vers les étages supérieurs. L’elfe grimpait à l’intérieur, donnait l’étage auquel il voulait se rendre et il s’envolait à toute vitesse pour laisser sa place à un autre.
Iphranir me donna un coup sur l’épaule en riant, amusé par mon air ébahi et dubitatif. Je n’avais pas vraiment envie de m’aventurer à l’intérieur de ces choses sans savoir où cela m’emmenerait.
“Y a-t-il des escaliers ? lui demandai-je en tremblant.
— Non, dit-il simplement en me poussant dans le tube. Sixième étage, cria t-il.”
Mes yeux s’écarquillèrent de terreur quand la porte se referma et je fus soudainement aspiré vers le haut. Je ne parvins pas à hurler, secoué de tous les côtés sans aucun repère. Le voyage ne dura que quelques secondes. La capsule freina brutalement et je m’étalai sur un parquet de bois parfaitement lustré, le souffle court. Les elfes de la compagnie passèrent à côté de moi en se moquant, puis Iphranir m’aida à me relever.
“C’est moins pire les fois suivantes, tu t’en remettras.”
Je le suivis dans le couloir jusqu’à l’entrée d’un immense amphithéâtre encadré par des statues de bronze en forme d’aigles. L’elfe me stoppa d’un geste de main.
“Reste ici, on n’en a pas pour longtemps.”
J’hochai la tête et m’installai sur un banc à l’écart. Il m’adressa un signe de tête et s’engagea entre les deux personnages de bronze.
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