Chapitre 29 : Le manoir dans les bois

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Hey :) Voici la suite des aventures de notre petit oiseau dans les bois. On se rapproche de l'objectif de la quête avant l'attaque d'une nouvelle grande période.


Chapitre 29 : Le manoir dans les bois


L’air frais me fit du bien. Même tiré par le bras par un Iphranir furieux, je jubilais de retrouver ma liberté. J’avais encore manqué d’y rester après tout et je ne mesurais pas assez les conséquences de ces moments de grande tension. A l’annonce de ma grâce, le tribunal avait explosé de colère. Scientifiques et conspirationnistes s’étaient mis à hurler de colère, les uns pour ne pas pouvoir assouvir leur soif de savoir, les autres par crainte que j’étais un nouvel outil du pouvoir qui serait utilisé contre le peuple tôt ou tard. Et tout ça à cause d’une paire d’ailes un peu trop voyante.


“Tu aurais pu te faire tuer ! me gronda Iphranir encore une fois. Mais à quoi tu pensais ? Tout est régi par les règles et les robots encore plus, il ne faut pas traîner avec eux.”


Je le laissais parler sans intervenir. J’avais des excuses. S’il ne m’avait pas abandonné à mon sort, peut-être n’aurais-je pas été tenté de me promener dans ce pseudo-restaurant. Certes, il m’avait demandé de ne pas bouger, mais il n’était pas dans mes habitudes d’obéir aux ordres. Je faisais partie des électrons libres, ces individus mal adaptés aux société que tous les dirigeants craignaient par peur de la perte de contrôle. Mais ce statut me plaisait. Dans un temps qui me paraissait une éternité, un voleur m’avait conseillé d’arrêter d’être naïf et croire que le monde me tendrait la main. Ou peut-être étais-je simplement de mauvaise foi.


“J’ai passé deux jours à courir dans la citadelle pour te retrouver, tu t’en rends compte ? J’étais mort d’inquiétude !”


Oui, cela se voyait sur son visage fin. De larges cernes couvraient le dessous de ses yeux, signe qu’il n’avait pas trouvé le sommeil ces derniers jours. Ses cheveux penchaient d’un côté, désorganisés, après une tentative ratée de les rabattre de la main. Il dégageait également une forte odeur de fleur sauvage, à croire qu’il s’était jeté dans un bac de végétaux en décomposition pour masquer le fait qu’il ne s’était pas lavé depuis un moment. Je vis même de jeunes filles se pincer le nez à son passage. Je me sentais un peu coupable, c’est vrai, mais quelque part, je tenais ma revanche pour toutes les nuits passées à pleurer Lorette seul dans le noir.


Nous approchions d’ailleurs de la fin de notre petit voyage. Iphranir me conduisait dans une artère cachée derrière l’immense arbre qui servait de centre de vie à tous les elfes. Son habitation, étonnamment, se trouvait à l’écart de tout cela, plus en profondeur dans la forêt. Nous fûmes accueillis par des aboiements quelques mètres avant que la propriété ne rentre dans mon champ de vision. Et quelle propriété ! Le manoir s’étalait sur trois étages, soigneusement camouflés dans la végétation. Une petite ferme jouxtait l’habitation principale où des cheveux, des biches et d’autres animaux que je ne parvins pas à identifier brouter paisiblement. Derrière l’imposant portail, deux immenses loups noirs sautaient énergiquement pour accueillir leur maître. Ces bêtes n’étaient pas naturelles, j’en étais certain. Jamais je n’avais vu des créatures de cette taille. Le plus petit des deux m’arrivait à la poitrine, l’autre au cou.

Les loups me reniflèrent avec attention, méfiants. L’un d’eux poussa un long grognement à mon encontre, les crocs sortis, ce que je pris pour un avertissement : si je faisais un pas de travers, ils me taillaient en pièce. Iphranir les renvoya d’un geste de main. Les deux bêtes, dociles, partirent se coucher près du bétail sans jamais me quitter des yeux. L’elfe m’invita ensuite à l’accompagner vers la bâtisse, située au bout du chemin.

La devanture était âgée, tout en bois noir et fendu par endroits. La porte et les fenêtre contrastaient par leur blancheur. Elles étaient en bois, elles aussi, mais plus clair. Curieux, je tentais de regarder à l’intérieur de la maison, mais les lumières éteintes ne me permirent pas d’y voir grand chose. Tout comme pour l’arbre géant qui surplombait le paysage, une surprise de taille m’attendait à l’intérieur : tout était d’un blanc propre et lisse. Un de ces elfes translucides qui m’avaient causé tant de soucis se tenait au milieu du couloir.


“Bonjour, Iphranir, le salua-t-il gentiment. Désirez-vous des rafraîchissements ?

— Oui, Marise, dans le salon s’il te plaît. Considère mon invité, Adrick, comme un membre de la maison. Prépare lui une chambre.

— Entendu, Iphranir. Lorette se trouve dans sa chambre. Elle a été atteinte d’une nouvelle crise, annonça le robot d’une voix compatissante. Je l’ai placé sous masque, elle se repose.

— Merci, Marise, répondit-il d’une voix attristée.”


Le robot disparut dans un grésillement qui me mit mal à l’aise. Iphranir resta un moment silencieux, avant de retrouver subitement son sourire. Il me débarrassa de mes affaires et m’accompagna dans le salon, où l’elfe translucide, Marise, s’occupait de verser de la limonade. Comment avait-elle pu préparer les boissons si rapidement ? C’était une énigme. Le salon était tout aussi perturbant que le reste de l’habitation. Tout était blanc, du sol au plafond, à l’exception des canapés qui dataient d’une autre époque. Ils étaient en velour pourpre, très abîmés par le temps, et même troués par endroits. A mon visage surpris, Iphranir sourit.


“Cadeau de mariage, expliqua-t-il. Je n’ai pas eu le coeur de m’en séparer après la mort de ma femme. Lorette les aime beaucoup, se justifia-t-il. Et puis, parfois, il est rassurant de voir une touche de couleur dans ce froid polaire.

— Pourquoi tout est toujours si blanc chez vous ? demandai-je, curieux.

— Parce que les elfdroïdes sont perturbés par la couleur. Elle parasite leurs cervaux et ils ne parviennent pas à réaliser leurs tâches correctement. C’est pour ça que les fauteuils sont si abîmés. Marise n’est pas capable de les nettoyer.”


Je trouvais ce fait triste. Le blanc était froid et n’encourageait pas vraiment le contact entre les individus, ce qui expliquait cette sensation étrange d’être au coeur d’une société qui ne se comprenait pas elle-même. Les elfes étaient pudiques de nature et évitaient les contacts entre eux, je l’avais déjà remarqué dans la tour. Mais cela ne m’avait pas plus marqué avant d’avoir cette vision épurée devant moi. Assez ironique, n’est-ce pas ? Le peuple le plus avancé au niveau technologique était incapable de cohabiter avec les individus de sa propre espèce. Chez moi, à Mornepierre, on n’avait pas grand chose, mais ce pas grand chose unifait le peuple sous un même drapeau. Cette société superficielle ne me plaisait pas. Elle manquait d’empathie, de chaleur, d’humanité.

Je m’installai sur le canapé. Il émit un grincement plaintif sous moi et je crus un instant qu’il allait s’écrouler sous mon poids. Iphranir me rejoignit et me tendit un verre. Je reniflais le liquide, méfiant, avant de le porter à mes lèvres. Je ne saurais expliquer quel goût il avait : à la fois frais et fort, doux et acide, poivré et sucré. Dans tous les cas, ça ne me plut pas du tout. Je tirais une grimace de dégoût et reposait le verre sur la table immaculée. Iphranir rit doucement.


“Menthe poivrée, citronnelle, chêne ancien et fleur de Jolrïm, une spécialité de la maison. Les elfes en raffolent. Dommage que tu es le palais trop sensible pour l’apprécier. Si ça peut te rassurer, les centaures ne l’aiment pas non plus. Ils préfèrent la bière feuillue, une véritable hérésie. Parmi les sales habitudes que nous avons réussi à leur faire perdre, celle-ci reste bien ancrée. Mais que veux-tu, ce sont des sauvages, ils ne sont pas habitués à nos codes.”


Mal à l’aise, je détournais le regard. Sur la cheminée - elle aussi blanche -, un portrait attira mon attention. Il représentait Iphranir, une elfe blonde souriante à ses côtés, et un bébé dans les bras. Lorette, devinais-je aisément. Iphranir suivit mon regard. Je l’entendis pousser un soupir nostalgique.


“Ce portrait est trompeur. Je l’ai fait faire pour Lorette. Ma femme n’était déjà plus de ce monde, et la petite Lorette si sage qui sourit au peintre n’a jamais existé. Elle m’a fait payer son absence toute sa jeunesse, et elle continue de le faire parfois. C’est aussi pour ça que cette lubie pour toi m’a déplu. J’ai réellement cru qu’elle cherchait une fois de plus à me défier, sans que je ne puisse réellement lui donner tort. Je ne suis pas un bon père, je ne l’ai jamais été, mais je fais de mon mieux et j’apprends de mes erreurs. Comme tu peux le voir, dit-il d’un air entendu à son attention.”


Je lui souris timidement. Mon regard fut attiré par une forme qui se mouvait dans les escaliers. Deux yeux verts me dévisageaient avec stupeur entre les barreaux de la rampe. Mon coeur se mit à battre un peu plus vite lorsque je reconnus la longue chevelure brune de celle qui avait fait totalement chavirer mon coeur plusieurs mois plus tôt. Lorette se releva et s’approcha à pas de loup dans le salon.


“Adrick, c’est vraiment toi ?”

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