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Novembre
Les maux de tête n’avaient fait qu’empirer au cours des derniers mois. J’avais non seulement lamentablement échoué aux examens de seconde session, mais je ne m’étais en plus pas réinscrite pour recommencer l’année. À quoi bon ? De toute façon, la brume dans mon cerveau ne se dissiperait pas comme par magie. Parce que oui, je ne voyais plus que la « magie » comme explication à mon état. Ce Hopper était bien un magicien, il avait sûrement ensorcelé son livre ou quelque chose du genre. J’avais dû abandonner mon travail et mon appartement. J’étais de retour chez mes parents, sans réelle occupation. Bref, je tournais chez moi comme un lion en cage.
Je me retrouvais une nouvelle fois à m’agiter sur un siège métallique dans la salle d’attente du neurologue. Elle donnait sur un couloir assez fréquenté qui sentait le désinfectant. En moins de dix minutes, j’avais vu passer un infirmier poussant un lit, une femme tenant deux petites filles blondes par la main, un père venu prendre rendez-vous pour son bébé et un médecin trop canon.
Le Docteur Kitu restait à présent le seul qui ne me prenait pas pour une folle et il essayait encore de trouver une solution. Sans succès jusqu’à présent. Je lui étais tout de même reconnaissante d’écouter mes théories farfelues sans en rire une seule fois. Moi-même, j’avais encore du mal avec son nom.
Je regardai par la fenêtre. La neige tombait dru. Le froid s’était installé tôt, dès le mois d’octobre, et l’hiver s’annonçait long. Une jeune infirmière portant une blouse blanche s’arrêta devant l’alignement de chaises.
— Le Docteur a appelé pour dire qu’il était coincé sur l’autoroute à cause d’un accident. Il aura au moins une demi-heure de retard.
— Ce n’est pas grave si nous partons alors ? demanda le grand-père assis un peu plus loin. Voyez-vous, ma femme et moi voudrions arriver à la maison avant que la neige ne bloque tout.
— Je comprends, Monsieur. Souhaitez-vous que je reprogramme votre rendez-vous ? Suivez-moi dans le bureau.
Je restai seule dans la salle d’attente et regardai la neige s’accumuler lentement sur le cadre de la fenêtre. Heureusement que je n’avais pas de voiture. Mes parents auraient par contre du mal à rentrer ce soir. L’infirmière me sortit de ma rêverie.
— Mademoiselle ? Voulez-vous rester pour attendre le médecin ?
— Oui, il n’y a pas de soucis, dis-je en souriant. J’ai attendu trois semaines pour avoir le rendez-vous, je peux bien attendre une heure de plus.
— Comme vous voudrez. Je suis à côté si vous avez besoin de quelque chose.
Je sortis mon carnet de dessin que je feuilletai lentement. J’avais toujours adoré dessiner, représenter le monde tel que je le voyais. Pourtant, au fil des mois, mes croquis s’étaient faits plus sombres, plus abstraits. Je laissais le crayon courir sur la page sans savoir ce qu’il en sortirait. Et, le plus souvent, je finissais par contempler l’esquisse de cette maudite forêt.
Je pris une page blanche et commençai à tracer des cercles. Des inscriptions étranges vinrent s’associer à ces formes. Je ne savais pas ce qu’elles signifiaient. Ce qui ne m’empêchait pas de continuer à tracer et à écrire. Depuis que j’avais vu cette image dans le livre de Hopper, elle resurgissait souvent dans mon esprit, claire comme au premier jour. Le seul moyen de m’en débarrasser était alors de la dessiner avant de brûler le papier. C’était étrange, mais cela m’apaisait.
L’hôpital était tranquille en ce matin. J’écoutais distraitement les voix des passants tout en noircissant ma page. C’est un examen d’aujourd’hui ? Oui, de maintenant… Personne suivante. Madame attend donc allez-y… Donnez-moi votre nom, s’il vous plaît…
Le doux murmure de la ventilation berçait mes pensées. J’étais tellement concentrée sur mon carnet que je ne vis pas l’homme approcher. Il s’assit à côté de moi sans un mot. Il y avait pourtant plein de place ailleurs. Après un bref « bonjour », je continuai mon dessin. Je pouvais sentir son regard qui suivait mes moindres mouvements. Mais, étrangement, je ne me sentais pas effrayée. Il me regardait juste dessiner, il n’y avait aucun mal à cela. Et puis, le Docteur serait bientôt là et je pourrai rentrer chez moi dormir un peu.
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