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Le bruit de la porte d’entrée me tira du sommeil. Il était plus de vingt heures. Pour la première fois depuis des mois, je me sentais reposée et en pleine forme. Je descendis l’escalier en sautillant pour tomber nez à nez avec mes parents.

— Ah, c’est bien que tu sois rentrée, me dit mon père. C’est vraiment la galère sur les routes en ce moment ! Le dépôt de sel est bloqué par des grévistes du coup les épandeuses ne passent pas.

— Et on en a eu pour plus de deux heures pour rentrer ! ajouta ma mère. Je meurs de faim !

Le repas était délicieux et je mangeai avec appétit, au grand étonnement de mes parents.

— Tiens, c’est nouveau ça, dit ma mère en indiquant mon pendentif. Qu’est-ce que c’est ?

— Euh… Un cadeau, fis-je en cachant le bijou sous le col de mon pull.

— Un cadeau de qui ?

Ma mère, cette femme qui aimait toujours nous tirer les vers du nez. Je ne pouvais pas mentionner le guérisseur, alors j’allais devoir faire en sorte qu’elle cesse rapidement ses questions…

— D’un ami, répondis-je.

— Ah, cela fait bien longtemps que tu ne nous avais plus parlé de tes amis, renchérit mon père. C’est quelqu’un qu’on connaît ?

Et voilà qu’il s’y mettait aussi ! Je finis de racler la sauce au fond de mon assiette. J’avais encore faim, mais mieux valait que je ne m’éternise pas ici trop longtemps.

— Non, quelqu’un de l’hôpital.

Cela eut au moins le mérite de les faire taire. Ils se regardèrent, un peu gênés. Il faut dire qu’ils n’arrivaient jamais à aborder le sujet de mon état de santé avec moi. Je lavai rapidement mon assiette avant de monter m’enfermer dans ma chambre.

Je sortis mon carnet de dessin. Immédiatement, je me mis à retracer les cercles et les inscriptions du matin. Pourtant, cette fois-ci, l’image me semblait devenir floue en s’estompant peu à peu de ma mémoire. J’eus du mal à finir le dessin et cela m’angoissa sans que je ne sache pourquoi. J’arrachai la page et approchai le briquet, mais j’éteignis la flamme au dernier moment.

Le livre qui avait littéralement fait partie de ma vie durant plus de six mois n’était plus là. Ce dessin était la seule chose qui me prouvait que tout cela avait bien eu lieu. Comment l’auteur avait-il appelé cette figure déjà ? Je ne me souvenais plus des détails du texte alors j’écrivis « PORTAIL » sur la feuille avant de la punaiser sur le mur au-dessus de mon lit.

J’ouvris mon ordinateur. J’eus beau taper des dizaines de variantes contenant les mots « Hopper », « livre » et « magie », les résultats ne furent pas concluants. Soudain, une phrase attira mon attention.

« Vous êtes déjà un sorcier. »

Je cliquai sur le lien proposé. C’était un forum de discussion. Le site était habillé de couleurs sombres et les catégories s’affichaient en rouge vif. Il y avait là des mots que je n’avais jamais utilisés de ma vie : wicca, aura, runes, voyage astral, divination et beaucoup d’autres. La bannière représentait une étoile dans un cercle, exactement comme mon pendentif. Je survolai l’image avec le pointeur et le mot « pentacle » s’afficha. J’entrai ce terme dans le moteur de recherche.

J’appris que le pentacle était une étoile à cinq branches entourée d’un cercle. Il pouvait être fait de papier, de bois ou de métal. C’était un symbole dans une sorte de religion, la wicca. Il était aussi utilisé pour se protéger des démons et des mauvaises énergies en général. Un auteur le comparait à la coquille d’un escargot et j’appréciai cette image. Cela expliquait donc pourquoi Jake m’en avait donné un.

Je continuai mes recherches. Je découvris ainsi qu’un guérisseur était une personne qui soignait, mais sans être médecin. C’était la personne à laquelle on avait recours quand les méthodes conventionnelles avaient échoué.

Une fois exclus les jeux de rôle et autres fantaisies du genre, beaucoup de textes parlaient de sorciers et de magie, mais je ne comprenais pas le vocabulaire spécifique utilisé. Je n’avais que deux possibilités : soit je me mettais à chercher tous les mots dans un dictionnaire, soit je demandais à quelqu’un de m’expliquer. Je songeai un instant à retourner m’inscrire sur le forum que j’avais vu précédemment.

Puis, je me dis que j’avais mieux à faire. Jake m’avait donné ce pendentif, il devait donc avoir une bonne raison. Il avait dit que le livre m’avait choisie, moi. Pourquoi ? Qu’avais-je donc de si particulier pour qu’un livre magique décide de me pourrir la vie ?

J’eus du mal à m’endormir ce soir-là. Maintenant que je ne prenais plus de médicaments, j’arrivais enfin à penser clairement et le sommeil ne paraissait pas compatible avec mon cerveau qui tournait à cent à l’heure.

Je rêvai aussi. Le monde de Hopper me semblait plus vivant que jamais. Je pouvais sentir la brise sur mon visage pendant que je déambulais entre les troncs gigantesques. Je passai ma main sur l’écorce rugueuse. Une fleur d’un bleu intense attira mon regard. Je tournai la tête pour appeler quelqu’un…

La ville était tellement grande ! Le soleil faisait étinceler la mer turquoise de mille feux. Dans les rues, les habitants se pressaient et vaquaient à leurs occupations. Ils parlaient une langue étrange et exotique. Je me sentis perdue. Mais je savais que je n’étais pas seule…

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