À l'intérieur, des étagères entières de caisses et de bocaux s'alignaient dans la pénombre. La pièce était propre, son état prouvait que l'endroit était assez fréquemment utilisé. Une odeur de lavande planait dans l’air.

— Bonjour ! lançai-je avec un sourire.

— Une minute ! me répondit une voix du fond de la boutique.

Je me retrouvai face à face avec le fournisseur d'Iris, un colosse chauve et bedonnant.

— Qu'est-ce que vous faites ici ? demandai-je étonnée.

— Eileen ! C'est une bonne surprise. C'est mon dépôt, ce serait plutôt à moi de te demander ce que tu fais aussi loin de chez toi.

— Comme d'habitude, souris-je. Je manque de tout.

— Tu ne me présentes pas ton ami ?

— Si bien sûr. C'est David, il travaille avec moi. David, voilà Mario.

Il commença à rassembler quelques ingrédients dans une première caisse. Étant donné que je n'avais rien, je savais que d'autres allaient suivre.

— Tu as de quoi payer au fait ? me demanda-t-il.

— Ce n'est pas un souci, dit David, une carte de crédit en main.

Je partis dans les allées pour attraper quelques ustensiles de mon côté. Plus vite je serais sortie d'ici, mieux ce serait. Je ne pouvais pas prendre le risque de rencontrer un autre membre de la Confrérie. Je supposais que l'histoire de Jake devait avoir fait le tour de l'organisation à présent. Le fournisseur me le confirma alors que je déposais mon fardeau à côté du reste des achats.

— Tu devrais faire plus attention, dit-il. Je ne suis pas du genre à rapporter mais…

— Qu'y a-t-il ?

— Je ne sais pas trop ce qui a bien pu se passer entre Jake et toi. En attendant, Ananda est furieuse que vous ayez disparu tous les deux. Je ne voudrais pas être à ta place quand elle te mettra la main dessus !

Je le regardai, étonnée.

— Comment ça, tous les deux ?

— Attends, tu n'es pas au courant ? Jake n'est pas avec toi ?

— Non, il…

La dernière lune de l'été. Il l'avait donc réellement fait. Je me demandai qui avait été la pauvre victime du poignard. Je comprenais mieux pourquoi Ananda nous en voulait. Elle devait compter sur Jake pour réussir à ouvrir le portail. Elle ne devait certainement pas s'attendre à ce qu'il s’envole sans prévenir. Je me sentis jalouse : il était parti à Lor et m'avait laissée gérer tous les problèmes qui en résulteraient.

— Ah ben ça, je m'y attendais ! s'exclama-t-il. Je t'avais pourtant prévenue que ce gars n'était pas sérieux. Trop plongé dans ses livres et tout ça… Pas le temps de s'occuper d'une apprentie, quoi ! Tu as besoin d'aide pour charger les caisses ?

J'acquiesçai distraitement. Les courses se retrouvèrent rapidement à l'arrière de la camionnette. David paya sans un mot.

— Ne t'inquiète pas, me dit Mario alors que je m'éloignais. Ananda ne saura jamais que tu es passée par ici. Un bon conseil cependant : fais-toi discrète pendant quelques temps. Elle oubliera cette histoire assez vite.

— Je ne crois pas… Mais merci !

David ne me posa aucune question sur le chemin du retour et je lui en fus reconnaissante. Cassandra avait dû lui parler aussi. Ou bien il s'en fichait complètement, ce qui n'était pas plus mal.

Une fois de retour à la base, je demandai au jeune homme de m'aider à descendre la grande table du salon dans la cave. Je m'empressai ensuite de déballer et ranger mes achats. Je me plongeai dans le travail. Mais je n'arrivai pas à oublier. Heureusement, j'avais assez de pratique pour ne plus faire d'erreurs idiotes par manque de concentration.

— Je vois que tu n'as pas perdu de temps ! fit remarquer une Cassandra impressionnée. Ne t'installe pas trop bien, on ne restera pas longtemps ici. Tu nous prépares quoi ?

— Quelques sorts utiles pour mardi. Non ! N'entrez pas dans le cercle.

Elle s'arrêta net et me regarda, surprise.

— Tu es déjà au courant pour mardi ?

— Oui, David m'en a parlé…

— Il ne peut pas se taire celui-là !

— Mais c'est bien parce que je peux vous aider.

— Je n'attends qu'à voir… Bon, je vais tenter de convaincre Matteo de te laisser nous accompagner alors.