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Le mardi soir, tous ceux qui participaient à l'action se retrouvèrent au salon. Matteo nous expliqua le plan.

— Ren, tu désactiveras le système de sécurité. On aura alors dix ou quinze minutes pour placer les charges aux endroits indiqués sur le plan. David et Eileen, ce sera à vous de vous en charger. Mais attention ! C'est du fait maison alors c'est vraiment très instable… Pas de mouvements brusques avec ça entre les mains. Cassandra et moi on se chargera des gardes. Tout le monde a compris ?

J'acquiesçai, tout comme les autres. David m'aida à préparer les sacs. Je ne comprenais pas vraiment en quoi c'était nécessaire de démolir un bâtiment de la Fondation. Mais je ne dis rien et je suivis le mouvement.

Ren passa tout le trajet à taper sur le clavier de son ordinateur. Je le regardai avec curiosité. Je n'étais pas vraiment douée en informatique et cela m'impressionnait de voir la rapidité avec laquelle il écrivait ses lignes de code.

— Je vais commencer par pénétrer leur système, m'expliqua-t-il. La Fondation a toujours la même faille de sécurité depuis des années. C'est comme une porte grande ouverte en somme. Une fois à l'intérieur, je pourrai dévier le courant et causer une surcharge qui grillera le générateur. Ça va couper toute l'électricité du bâtiment. Le temps qu'ils enclenchent l'alimentation de secours, vous serez déjà loin. Et le plus génial dans tout ça, c'est qu'ils ne sauront jamais d'où est venue l'attaque !

— Je suppose qu'il n'y a pas grand monde qui veuille à ce point causer du tort à la Fondation, dis-je.

— La Confrérie est grande, intervint Matteo. Ils ne découvriront jamais qui nous a demandé de faire ça. Le plus important reste l'anonymat du client.

— Mais il n'est pas vraiment anonyme vu qu'on sait qu'il fait partie de la Confrérie… Et puis, pourquoi vouloir faire sauter cet entrepôt ?

— Ce n'est pas ça qui compte. Ça ne nous intéresse pas. Beaucoup de personnes sont affiliées à l'organisation. Et beaucoup d'autres connaissent quelqu'un qui connaît quelqu'un… Enfin bref, c'est difficile de remonter jusqu'à celui qui veut voir ce hangar détruit. On ne nous paye pas pour réfléchir.

Il se gara non loin de l'édifice en question. Ce n'était pas à proprement parler un hangar, ça ne pouvait pas être ça avec la paroi vitrée qui l'entourait. Une lumière tamisée filtrait par les vitres. Le bâtiment n'était pas bien grand, il ne devait faire qu'une dizaine de mètres de long sur deux fois moins de large. J'avais mémorisé le plan : un étage au-dessus du sol et rien en-dessous. Une quinzaine de charges explosives à placer. Je tremblais comme une feuille !

— Pfiu ! fit Cassandra. Je crois qu'on ne nous a pas tout dit !

— Ça veut dire quoi « P2 » ? demandai-je.

— C'est un laboratoire, dit Ren. Ils étudient des trucs contagieux là-dedans. Je suis pas sûr que ce soit une bonne idée de le faire sauter…

— Ça suffit les jérémiades ! s'exclama Matteo. On nous a demandé de détruire le bâtiment, il ne sera plus là avant la fin de la nuit !

Cassandra semblait soucieuse.

— Je crois que le petit a raison. On n'a jamais fait ça, c'est trop dangereux…

— Tu ne vas pas t'y mettre toi aussi ! Ren, on fait comme on a dit. Et active-toi un peu ! Cassie, viens. On va se débarrasser de ces deux-là, dit-il en indiquant les vigiles postés à l'entrée.

Il se tourna ensuite vers David et moi.

— Vous attendez qu'il fasse noir puis vous entrez par derrière. Et pas de discussion !

Ils partirent en rasant les murs. Quelques minutes plus tard, Ren poussa un cri étouffé. Les lumières s'éteignirent d'un coup. Une alarme résonna dans l'obscurité. Je me mis à courir, et occultai tout le reste.

Finalement, tout se passa comme prévu. Mes sorts nous permirent de passer à travers toutes les parois vitrées sans effort. Cassandra et Matteo avaient fait du bon travail : le bâtiment était désert, personne ne vint nous déranger. Quinze minutes plus tard, David et moi arrivions tout essoufflés près de la voiture. Les autres étaient déjà là.

— Prêts ? demanda Matteo. On recule !

La ruelle était sombre. Une nuit sans lune était tombée depuis quelques heures et les quelques réverbères présents n'émettaient qu'une faible lueur. Dissimulée derrière l'angle d'une maison, comme une ombre silencieuse, je jetai un coup d'œil à ma montre. Minuit vingt-cinq, et dix secondes. Par curiosité, je penchai un peu la tête de côte et regardai vers le fond de l'impasse. On pouvait y apercevoir le labo, lui aussi plongé dans l'obscurité environnante. Pour les yeux de n'importe quel mortel, ce n'était qu'une forme floue, imprécise. Mais pas pour moi car, en fermant les yeux, je distinguais parfaitement la construction, presque comme en plein jour...

— Eileen, qu'est-ce que tu fais?

Je revins soudain à la réalité. Je sursautai en regardant à nouveau ma montre: plus que dix secondes! Je m'aplatis à nouveau derrière le mur, comptant silencieusement. Huit... sept... six... cinq... quatre... trois... deux... un... et…

Rien.

Juste le silence de la nuit.

Pendant une fraction de seconde, je crus qu'on avait échoué. Mais j'eus à peine le temps de penser cela que, tout d'un coup, la ruelle fut éclairée comme en plein jour.

Pour moi, dont les yeux s'étaient habitués à la pénombre, cette lumière était insupportable. Pourtant, je n'eus pas le temps de m'y habituer car, presque immédiatement, survint un bruit étourdissant suivi par un léger tremblement de la maison à laquelle j'étais adossée.

À côté de moi, dans la ruelle, une quantité impressionnante de débris volaient en tous sens. Morceaux de plâtre, de verre, de bois...

Quand j'ouvris enfin les yeux, une fois que tout était redevenu calme, mes oreilles bourdonnaient encore. Je me remis péniblement debout et quittai mon abri.

À la place du laboratoire se trouvait à présent un cratère fumant d'au moins quatre mètres de diamètre. Les dégâts causés par l'explosion étaient eux aussi impressionnants: quelques poutres et des parties de murs se trouvaient encore près du trou béant. Le reste avait été projeté avec force, mais pas assez pour atteindre les maisons abandonnées où nous nous étions réfugiés. Une brise légère brassait la fumée à l’opposé de notre position.

À la lueur des flammes, je me rapprochai de ce qui fut l'un des plus importants laboratoires de la Fondation. Je ne savais pas ce qu’il avait bien pu contenir mais cela n'avait plus d'importance à présent...

— Eh bien! On dirait que notre nouvelle amie nous porte chance!

— Ça, Cassie, ce n’est pas encore certain.

— Hem oui... Voyons voir si on peut se tirer de là maintenant. Allez tout le monde, on décampe!

Au loin, on pouvait déjà entendre les camions de pompiers arriver. Notre petit groupe s’éclipsa, cinq ombres dans la lumière orangée. Dès le lendemain, cette action serait en première page des journaux... ou pas.

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