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C'est aussi à peu près à ce moment-là que je fis la découverte qui allait changer ma vie. Une fois ma période d'essai terminée, j'avais enfin eu le droit de passer de l'autre côté du miroir pour interroger les nouveaux venus. Cela m'excitait autant que cela m'effrayait.
Le travail était en effet plus intéressant mais je me sentais souvent mal à l'aise face à ces personnes qui tentaient à tout prix de me convaincre de leur bonne foi. Ce que je craignais par-dessus tout, c'était de laisser passer quelqu'un qui causerait du tort à mon nouveau monde. Parce que si je m'étais accommodée du fait de ne me poser aucune question inutile, je restais tout de même fidèle à moi-même. Et quelquefois, cela pouvait poser problème.
Comme ce jour-là.
Tout avait pourtant bien commencé. C'était une journée froide qui annonçait le début de l'hiver. De lourds nuages porteurs de milliers de flocons planaient dans les rues d'Alma. J'étais arrivée au Bureau, comme à mon habitude, de très bon matin. L'arriéré de dossiers ne s'était toujours pas résorbé et le travail ne manquait pas malgré le fait que Helen et moi nous y attelions à fond depuis plusieurs mois.
Après avoir déjeuné en compagnie de mes collègues, je m'étais installée dans la salle, prête à recevoir mon premier Terrien de la journée. À moins que ça ne fut quelqu’un d’autre ? J’avais appris qu détour d’une conversation avec Brittany que les Terriens n’étaient pas les seuls à parvenir jusqu’à Lor. Cette dimension accueillait aussi des hommes et des femmes venus de… plus loin. Sans comprendre exactement ce qu’elle avait voulu dire par là, je ne savais pas comment me positionner face à cette information déroutante. Pour moi, Lor recelait encore de nombreux secrets.
Je sentais la présence rassurante de Cidy dans la pièce derrière le miroir. A moins que ce n'ait été Ted. Je n'arrivais toujours pas à différencier les jumeaux. Je souris.
Et mon sourire s'évapora lorsque je découvris la nouvelle venue.
— Alors ça ! Si je m'y attendais ! s'exclama Iris.
Je la regardai, pétrifiée. Elle n'avait pas beaucoup changé depuis notre dernière rencontre. Toujours ces longs cheveux noirs et son visage sérieux. Je résistai à l'envie de tourner mon regard vers le miroir. Ils n'avaient pas à savoir que je connaissais cette fille, cela me causerait certainement de gros ennuis. Je m'en voulus de penser ainsi. Iris était mon amie, je n'avais pas à avoir honte de sa présence ici. Et pourtant…
— Depuis quand es-tu ici? demandai-je.
— Oh, depuis plus d'un an maintenant ! Et je n'ai toujours pas reçu de décision me concernant ! Je suis contente que ce soit toi qui t'en occupes. Comment es-tu arrivée ici, d'ailleurs ?
— Un peu par hasard, souris-je. Tu sais, je pensais que tu ne voulais plus me parler et que c'était pour ça que tu étais aussi distante…
— Mais pas du tout ! Je n'ai pas vraiment eu le choix : ma mère m'avait interdit de te voir. Et puis, une fois le rituel effectué, je n'avais aucun moyen de revenir sur Terre.
Je jetai un coup d’œil à mon écran. L’ordinateur ne semblait pas trouver quoi que ce soit d'anormal à cette conversation.
— Le rituel ? Tu veux dire, celui de Hopper ?
— Évidemment ! Tu vois un autre moyen d'arriver ici, toi ?
— Il y en a plein d'autres… Comment as-tu obtenu le poignard ?
— Il appartenait à un membre rebelle de la Confrérie. Ma mère m'a envoyée le voler. Elle m'avait assuré que la maison serait vide mais cette femme m'a surprise et… Je n'ai fait que me défendre ! Tu sais, j'étais furieuse qu'elle m'ait menti et je ne lui ai pas tout de suite dit que j'avais réussi. Mais elle s'est obstinée et a envoyé Samir, son second, faire le même boulot. Il est évidemment revenu les mains vides et j'ai passé un sale quart d'heure quand ma mère a découvert la vérité !
Ce qu'elle me décrivait ressemblait trop à ce que j'avais moi-même vécu. Quelle était la probabilité que ce n'ait été qu'une coïncidence ? Je savais déjà que quelqu'un était passé avant Matteo et moi dans cette maison.
— Qui est derrière le miroir ? demanda-t-elle.
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