Chapitre 12 - Partie 1

4 minutes de lecture

LUNIXA


  Je n'eus pas l'occasion de mettre mon plan à exécution de toute la matinée ; l'Horloger resta avec moi jusqu'au déjeuner, le nez plongé dans son roman. C'était à peine s'il le levait pour me dire de faire attention avec tel ou tel objet. Lorsque la pendule sonna le premier coup de l'après-midi, il me sortit de la pièce et m'entraîna avec lui pour chercher les filles, puis il nous ramena dans la chambre, sauf Berta. C'était à son tour de préparer le repas. Deux minutes après leur départ, je m'approchai de la porte. Ils devaient être assez loin pour que je sorte sans me faire remarquer à présent. De toute façon, je ne pouvais attendre plus : Berta n'allait pas cuisiner indéfiniment et je ne savais pas combien de temps le crochetage des serrures allait me prendre. Cela risquait d'être juste, mais c’était peut-être la meilleure chance qui se présenterait.

  À quelques pas de ma destination, une main se posa sur mon épaule. Une pointe d'irritation me gagna tandis que je me retournais. Si c'était encore Hedwige qui cherchait à me convaincre d'accepter cette situation...

  Le regard de Magdalena accapara toute mon attention.

  –N'y vas pas. Quoique tu aies envie de faire, tu n'en auras pas le temps.

  –Pourquoi ?

  –Pendant que je m'occupais du petit-déjeuner, il m'a demandé de vérifier s'il y avait le nécessaire pour faire des en-cas. Berta va mettre dix minutes à les préparer.

  Ma mâchoire se contracta. J'avais espéré que cela lui prendrait au minimum une demi-heure. Dix minutes... c'était bien trop court. À contrecœur, je m'éloignai de la sortie et m'installai à table.

  Comme l'avait prédit Magdalena, l'Horloger et Berta revinrent moins d'un quart d'heure plus tard. Au lieu de nous laisser seules, comme les autres fois, il prit place avec nous, puis la jeune femme nous servit notre repas : deux tranches de pain entre lesquelles se trouvaient quelques feuilles de salades, du fromage et des tranches de lard séché. Nous les mangeâmes aussi vite qu’elle ne les avait préparés. Notre ravisseur nous reconduisit dans nos pièces respectives dès la fin du repas.

  Après m'avoir apporté de nouvelles malles, l'Horloger se rassit sur le canapé nuage et repris sa lecture. Je serrai les dents. Pourquoi restait-il avec moi ? Se doutait-il de quelque chose ? Devais-je tenter de m'en prendre à lui avant d'ouvrir la porte ? La nuit se rapprochait de seconde en seconde et Magdalena avait assuré que son pouvoir ne lui serait d'aucune utilité s'il mourait sur le coup. Mais si je ratais mon attaque...

  Mon regard glissa vers l’horloge. Il était treize heures trente. S'il n'était toujours pas parti d'ici dix-sept heures, je passerais à l'offensive même si notre porte de sortie n'était pas prête.

  À partir de cette décision, le temps sembla s'écouler au ralenti. Le balancier avait beau oscillé à un rythme régulier et constant, chaque minute me parut plus longue que la précédente. Plus je jetais des coups d'œil au cadran de la pendule, moins les aiguilles se déplaçaient. Lorsque la première heure passa et que l'Horloger ne bougea pas, je fus tentée de revenir sur mon choix et d'attaquer tout de suite. La prudence parvint à me ramener à la raison : la précipitation s'accompagnait trop souvent d'erreur et je ne pouvais me permettre d'en faire. Avec difficulté, je me forçai à me concentrer sur le rangement et arrêtai de regarder la pendule.

  À forces de bouger dans tous les sens, de déplacer des bibelots ou des objets plus volumineux, des cheveux s'échappaient de mon ruban. Je commençai à m'en inquiéter quand, au bout de deux heures, une mèche plus épaisse que les autres glissa devant mon visage. Ma vraie couleur était-elle toujours cachée ? N'ayant aucun miroir sous la main pour le vérifier, je cherchai des objets près d'une grande vitre noire sur pied et en profitai pour inspecter mon reflet à l'intérieur.

  –Que fixes-tu comme ça ?

  Surprise, je me retournai d'un coup et croisai le regard de l'Horloger, rivé sur moi. Il haussa un sourcil face à mon silence.

  –Juste cette plaque en verre, répondis-je en désignant l'objet en question. J'ai remarqué que les habitants de l'Ancien Temps en avait de toutes les tailles et je me demandais à quelle était l'utilité de celle-ci.

  –C'est une télévision, elle servait à regarder des émissions, des films, à jouer à des jeux vidéo...

  Je ne comprenais pas un traitre mot de ce qu’il racontait et cela devait se voir sur mon visage car l'Horloger éclata d'un rire franc.

  –C'était un objet de divertissements et d'informations, reformula-t-il. Des images mouvantes défilaient dessus. C'est comme si les personnages d'un tableau bougeaient si tu préfères.

  Je reportai mon attention sur ladite télévision. Même si je voyais un peu mieux à quoi elle servait avec cette seconde explication, je ne comprenais toujours pas comment cela fonctionnait. Ce n'était qu'une plaque en verre.

  –D'où venaient les images ? Il n'y en a aucune.

  –Elles apparaissaient lorsque tu l'allumais... Ce serait trop compliqué à t'expliquer. Même moi je ne sais pas exactement comment ça marchait.

  –Tant que vous saviez l'utiliser, vous n'en aviez pas besoin.

  –Tout à fait.

  C'était comme avec le téléphone, l'objet le plus avancé de notre époque. On m'avait appris à m'en servir mais j'étais incapable d'expliquer quoi que ce soit à son sujet.

  Je reportai mon attention sur la relique et fis glisser mon doigt sur le bord gauche.

  –Vous serviez-vous souvent de ces télévisions pour vous divertir ?

  –Probablement, elles étaient très répandues.

  Déroutée par cette réponse, je fronçai les sourcils et me tournai vers lui. Que voulait-il dire par « probablement » ? Il n'en était pas sûr ? Sa mémoire s'était-elle émoussée au fil des siècles ?

  –Vous avez du mal à vous en rappeler ?

  –Je n'ai aucun souvenir de la Punition, ni de ce qu'il s'est passé avant.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Asa No ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0