Chapitre 55 - Partie 1

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LUNIXA


  Allongée contre Kalor, la tête posée sur son torse, j'écoutais son cœur battre à mon oreille sans bouger un cil. J'avais essayé de sortir du lit à mon réveil, mais je m'étais à peine écartée que son étreinte s'était brusquement raffermie, me collant vraiment à lui. Ce geste inconscient m'avait autant plu que crispée car une part de moi se délectait du contact entre nos peaux et désirait se lover au plus près de son corps, alors que l'autre n'avait qu'une envie : s'éloigner de lui et se rhabiller avant qu'il n'ouvre les yeux.

  Ces sentiments contradictoires se disputaient en moi depuis que je m'étais réveillée. Je ne savais que penser de cette nuit et cela me rendait d'humeur particulièrement changeante : je m'en voulais autant que je m'en complaisais.

  À cause de ma nature de Stracony et du risque accru de grossesse qui y était lié, j'avais réfléchi à nos rapports et avais tout simplement décidé d'y mettre un terme définitif ; c'était plus sûr. Cependant, au fil des jours, cette résolution s'était étiolée comme peau de chagrin : je savais que j'aimais trop Kalor pour m'y tenir, mais surtout, je ne voulais pas lui imposer une telle situation. Nos rares unions le blessaient déjà bien assez ainsi. J’étais donc revenue sur ma décision et, à la place de cette abstinence totale et inconcevable, j'avais décrété que nous allions restreindre les jours où nous pouvions faire l'amour, les limitant aux trois qui suivaient mes règles.

  Trois jours où je n'aurais pas à craindre de tomber enceinte. Trois jours où je pourrais accepter ses avances tant que nous étions dans le noir.

  Et trois jours dans lesquels nous nous trouvions actuellement. Excepté que notre union de la veille n'était pas du tout prévue. Comme notre dernière fois remontait à tout juste une semaine, je pensais avoir un mois pour m'y préparer. C'était le temps qui s'écoulait normalement avant que nous repassions à l'acte. Le temps que j'aurais dû avoir pour repousser mes appréhensions et me faire à cette idée. Mais Kalor m'avait embrassée comme un damné et ce calendrier bien défini s'était effondré comme un château de cartes. À cause de mon effroyable cauchemar et de notre discussion sur le mariage, je ressentais déjà le besoin de le toucher et celui de lui prouver que je l'aimais, et son baiser les avait complètement embrasés. Ils s'étaient propagés dans la moindre parcelle de mon être, entrelacés l'un avec l'autre, puis entremêlés avec mon désir naissant. Une seconde à peine avait ensuite suffit à ce dernier pour me consumer entièrement.

  Cet emportement arrivant bien plus tôt que prévu, je croyais que l'appréhension tempérerait mes ardeurs et me ferait hésiter à approfondir les choses, mais il n'en avait rien été. Je lui avais immédiatement rendus son baiser avec passion et c'était là où se situait le problème. Même si nous étions dans la bonne période, je n'avais pris ma décision que deux jours auparavant. Je n'étais pas prête à accepter sans crainte. Alors pourquoi n'avais-je pas été un peu plus réticente, à l’instar des dernières fois ? M'étais-je laissée aller de la sorte car je savais, au plus profond de moi, que je pouvais me le permettre ? Ou bien mes profonds besoins avaient-ils endormis la part censée de ma raison et je me serais perdue sous ses caresses même en dehors des trois jours ? J'avais beau y réfléchir, me repasser les événements de cette nuit en boucle, je n'arrivais pas à trouver la réponse. La première possibilité me semblait la plus probable, mais une petite voix pernicieuse continuait à insinuer le doute dans mon esprit. Raison pour laquelle je ne parvenais à apprécier pleinement le contact du corps de Kalor. Si je n'avais plus aucun contrôle sur moi-même...

  Une douce caresse glissa soudain le long de mon échine, figeant mes pensées tumultueuses aussi bien que mes muscles. Kalor le sentit et suspendit son geste.

  –Tu es réveillée, ma chérie ?

  Ma tension vacilla au son de sa voix chaleureuse encore légèrement endormie. La nuque moins raide, je levai la tête vers lui et son regard harponna le mien. J'eus du mal à inspirer. Une telle tendresse brillait dans ses magnifiques yeux et étirait son sourire... Mes doutes et interrogations commencèrent à se dissiper alors que son expression se faisait amusée.

  –J'en déduis que oui. Comment te sens-tu ? As-tu bien dormi ?

  –Hum... (J'essayai de rassembler mes esprits.) Oui, très bien.

  Mes inquiétudes ne s'étaient manifestées qu'à mon réveil et aucune terreur nocturne n'avait hanté mes songes après notre union.

  Ses lèvres s'étendirent encore plus et ses yeux retrouvèrent toute leur tendresse.

  –Tu m'en vois ravi.

  Il embrassa mon front, puis reposa sa tête sur l'oreille en rajustant notre étreinte. Un soupir de contentement lui échappa.

  –Que donnerais-je pour passer la journée ainsi ?

  L'idée de rester collée l'un à l'autre dans notre plus simple appareil jusqu'à la tombée de la nuit raviva brusquement ma tension, mais très vite, celle-ci se tarit à nouveau. Au fond de moi, la perspective de simplement rester au lit avec lui, dans ses bras, et de profiter de sa chaleur sans aucune barrière n'était pas pour me déplaire. Au contraire.

  Alors que Kalor reprenait ses caresses, mes muscles se relâchèrent et je passai une main sur son torse.

  –Cela me plairait aussi, murmurai-je.

  Malheureusement, nous n'allions pas pouvoir nous attarder éternellement sous les couettes. D'ici une petite heure, le médecin arriverait pour m'ausculter.

  Kalor ne chercha pourtant pas à se lever et je ne fis rien pour l'y inciter. Ses doigts continuèrent à parcourir mon dos ou se perdirent entre mes boucles tandis que je caressais ses pectoraux et retraçais les lignes sinueuses de sa marque du bout des doigts, remontant des racines jusqu'à la canopée de l'arbre qu'elles formaient. Un sillage plus chaud que sa température corporelle accompagnait la progression de mes gestes. Mais il ne s'agissait pas de la chaleur brûlante qui embrasait sa peau avant nos unions. On aurait presque dit que le feu dans ses veines s'amusait seulement à suivre mes doigts. Ce moment de pure tendresse, sans aucun désir charnel, agit comme un baume sur mon cœur et mon corps se détendit enfin complètement. Si nous étions capables de nous comporter ainsi en dépit de notre nudité respective, il était presque certain que je n'avais pas perdu le contrôle cette nuit.

  Nous nous sentions si bien que Paulina arriva sans que nous ayons vu le temps passer. Une seconde passa sans qu'un de nous ne réagisse, puis mes yeux s'agrandirent d'un coup. Plaquant le drap contre ma poitrine, je me redressai vivement en m’arrachant à son étreinte et balayai la chambre des yeux. Nos vêtements de nuits étaient éparpillés aux quatre coins de la pièce ; le dessus-de-lit avait rejoint ceux sur le tapis ; la couette avait à moitié glissé par terre...

  –Il faut ranger tout cela, soufflai-je.

  N'importe qui comprendrait ce que nous avions fait ici en découvrant ce désordre, même une jeune domestique de quatorze ans !

  Si me voir paniquer à l'idée que quelqu'un découvre comment nous avions occupé notre nuit amusa Kalor, son air goguenard retomba d'un coup quand il réalisa qu'il ne s'agissait pas de la seule raison de mon empressement. Lui et moi étions censés être en froid à cause de ma grossesse, et un couple en froid ne faisait pas ce genre de chose !

  À la seconde où la lumière se fit dans son esprit, il disparut pour réapparaître au pied du lit. J'eus à peine le temps de le voir que couette et dessus-de-lit volèrent sur le matelas et il s'évapora à nouveau. Un battement plus tard, ma culotte et ma chemise de nuit s'écrasèrent contre mon visage.

  –Vite, habille-toi, vite, m'ordonna-t-il en se matérialisant devant son caleçon.

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