Bon, je galère un peu (beaucoup) à écrire la fin de ce tome, mais ce chapitre là est bon, alors comme je m'en veux de vous laisser sans chapitre depuis plus d'un mois, voilà ! C'est mon cadeau de Noël pour vous =D En espérant qu'il vous plaira^^
(Par contre, désolée, contrairement à ce que j'avais annoncé à certains, la suite n'arrivera pas tout de suite... Je vous tiens au courant dès que je me débloque^^')

Sur ce, joyeux Noël et bonne lecture !!!

LUNIXA

  La présentation de Baldr s'était déroulée sans incident, de même que la longue traversée de la capitale et le retour au palais. À présent que nous approchions de la salle de réception, l’imminence de l'attaque aurait sûrement dû propulser mes craintes à leur paroxysme. Pourtant, il n'en était rien. C'était même plutôt le contraire. Lorsque je franchis le seuil de la pièce en compagnie de Kalor, un étrange calme s'empara de moi. Nous n'avions pas eu de mauvaise surprise ; il ne restait plus que ces festivités à la Cause pour agir. Si elle voulait mettre son horrible plan à exécution, elle devrait le faire dans les prochaines heures, comme nous l'avions supposé. Comme nous nous y étions préparés. Savoir que nous avions vu juste sur ce point m'avait insufflé une vague d'assurance et d'énergie qui me faisait défaut depuis mon réveil. J'avais l'impression que nous maîtrisions un tant soit peu la situation et l'ensemble de mes sens s'en retrouvait plus alerte. Tout danger n'était certainement pas écarté, mais nous marchions au moins en terrain connu : nos ennemis allaient frapper d'ici peu et nous le savions.

  Nous n’avions plus qu’à nous tenir prêt à riposter à tout instant.

  Tandis que les nobles déjà présents s'inclinaient devant nous à notre arrivée, je les passai en revu d'un rapide regard. Domestiques et gardes n'échappèrent pas non plus à cette furtive inspection. Un éclat de haine, un sourire vicieux semblable à ceux de la reine, des coups d'œil trop insistants ou couplés à des messes basses... Nous devions repérer la moindre expression ou attitude suspecte pour aiguillonner Magdalena dans ses recherches et dénicher les partisans. Car tant qu'elle ne savait pas où diriger ses pouvoirs, elle en était réduite à ouvrir son esprit à toutes les personnes dans la pièce, en espérant déceler dans le fracas de pensées qui s'abattrait sur elle celles de la Cause, ou à passer d'esprit en esprit, au risque de tomber dans celui d'un partisan au moment où il ne songeait pas à leur plan et de le quitter avant que ce ne soit le cas. En résumé, ces techniques étaient épuisantes et peu efficaces.

  Sans rien laisser paraître de nos troubles et de notre méfiance, Kalor nous entraîna au milieu de nos invités. Alors qu'un premier noble nous arrêtait pour nous féliciter de l’engagement que nous venions de prendre, un valet se présenta avec un plateau de coupes de champagne. Nous en saisîmes chacun une, mais le Comte et moi fûmes les seuls à boire. Kalor ne fit même pas mine de porter le verre à ses lèvres et continua de parler comme si de rien n'était. Pendant qu'il entretenait la conversation, je mis en application ce que j'avais appris auprès de Freyja jusqu'à ce que j'en sois certaine que ma boisson ne contienne pas d'havankila. Je lançai alors un regard lourd de sens à Kalor, qui passa son bras autour de ma taille pour m'attirer à lui et permuter nos coupes d'un habile jeu de doigts.

  Cet échange fut le premier d'une longue série. Que ce soient les verres ou les amuses-bouches, jamais Kalor ou Valkyria ne porta quoi que ce soit à leurs lèvres sans que j'y aie goûté au préalable. Troquer subtilement nos boissons ou petit-four s'avérait un peu compliqué avec ma belle-sœur. Nous étions moins souvent ensemble et je ne pouvais me comporter aussi tactile avec elle qu’avec Kalor. Avec lui, en revanche, je ne cachais parfois même pas nos échanges. Nous jouions simplement avec les apparences, faisant passer nos échanges pour un comportement romantique ou taquin, qui ne manquait pas de faire murmurer les nobles. Nous leur semblions plus proches que jamais.

  Nous limitions cependant nos rafraîchissements afin de ne pas tenter la Déesse et de rester vigilant. Les incessantes sollicitations nous y aidaient bien, mais elles nous exposaient à un autre danger : celui des contacts. Même si le protocole ne m'obligeait pas à accorder des baises-mains à l'ensemble de nos convives, la bienséance attendait au moins que j'en échange avec ceux que je rencontrais pour la première fois. Et je ne connaissais pas une bonne moitié de nos invités. Ces inconnus habitaient pour la plupart à l'ouest de Talviyyör. Les chutes de neiges, plus importantes dans cette partie du pays, les avaient empêchées de venir assister à mon mariage ou à mes renouvellements de vœux, et aucune occasion de passer un séjour au palais ne s'était présenter avant ce jour.

  La famille paternelle de Kalor faisait partie de ces personnes. Le Roi était le premier d'une fratrie de quatre et si les oncles et tantes de Kalor n'étaient pas tous là, une bonne quinzaine de cousins avait fait le déplacement pour le baptême. Bien qu'ils partageaient le même sang, ces derniers conservaient une attitude respectueuse envers mon époux et sa fratrie, de même qu'eux envers leurs cousins. Les conditions météorologiques de Talviyyör et les milliers de kilomètres qui les séparaient pour certains du palais n'étant pas propice au voyage, ils ne se voyaient que peu souvent, ce qui avait entretenu une certaine distance entre eux malgré leurs liens. Je soupçonnai aussi la Reine de s’être assurée que ses enfants passent le moins de temps possible avec ce côté de la famille : plus de la moitié d'entre eux affichaient des traits certifiant leur humanité. Une fois que nous quittâmes ses cousins, je posai la question à Kalor pour m’en assurer.

  –Un peu, confirma-t-il en illiosimerien. À l'époque, elle s'arrangeait pour que je sois occupé lorsqu'ils venaient. Mais cela arrive assez peu souvent, alors elle n'avait pas non plus grand-chose à faire pour éviter que je me rapproche d'eux.

  –Et avec sa propre famille ? Elle a tout fait pour que vous soyez proches ?

  Il dodelina de la tête en grimaçant, alors que je coulais un regard vers Thor et Mathilda, toujours entourés de nombreux invités. Nicholas et Valkyria se trouvaient à quelques pas d'eux et cette dernière veillaient sur eux du coin de l'œil.

  –Avec ses parents lorsqu'ils étaient encore vivants, oui, mais pas avec son frère. Ils l'ont renié car il a épousé une humaine.

  Je reportai mon attention sur lui, les sourcils haussés de surprise. Voilà une nouvelle à laquelle je ne m'étais pas attendue.

  Kalor appuya ces propos d'un discret hochement de tête, l'air grave.

  –Elle n'en parle jamais, mais je sais qu'il a été lynché pour cela et il a perdu sa femme quelques temps après.

  –L'ont-ils...

  Je ne terminai pas ma question, mais Kalor n'en eut pas besoin pour comprendre le fond de ma pensée. Lui non plus ne formula sa réponse, cependant son regard fut plus parlant que tout autre mot.

  –Ils ont fait passer leurs agressions pour un vol qui a mal tourné ; ma tante n'a pas survécu à ses blessures, conclut-il avant de se reconcentrer sur la salle et de reporter son verre à ses lèvres.

  Son geste se figea en plein mouvement. Je fronçai les sourcils.

  –Kalor ?

  Son nom le ramena instantanément à lui et il glissa vivement une main au creux de mes reins pour m'entraîner au loin. Sa brusquerie fit bondir mon pouls. Ne comprenant pas ce qui l'avait piqué, je m'apprêtais à l'interroger lorsqu'une voix aussi avenante qu'autoritaire nous arrêta.

  –Altesses.

  La température de Kalor augmenta tant à ce simple mot que je la sentis à travers mon épais corsage, mais il se figea aussitôt. Une seconde bien trop longue passa avant qu'il ne se retourne.

  –Marquis Piemysond... Quel plaisir de vous voir.