Chapitre 93 - Partie 2
Les deux Lame déposèrent mon beau-frère sur le lit à gauche de Valkyria, puis repartirent au premier point de contrôle, tandis qu'un de leur collègue de l'abri prenait la relève pour un examen plus complet.
Il était toujours plongé dans sa tâche lorsque Thor, ma mère et mon père arrivèrent enfin à leur tour. Tous trois se figèrent de stupeur lorsqu'ils découvrir l'état de Lunixa, Val et Nicholas. Mon frère se reprit en premier et se précipita vers sa femme, qui fondit en larmes dans ses bras. Les yeux de ma mère s'emplirent d'incompréhension ; ceux de mon père s'embrasèrent de fureur.
–Par la Déesse toute puissante, que s'est-il passé ? rugit-il.
–Nous l'ignorons encore, Majesté, répondit le lieutenant Snoski, le soldat qui m'avait pris en charge. Son Altesse Lunixa a évoqué des intrus juste avant de perdre co...
–Des Lathos.
Dans le silence qui s'abattit sur la pièce, la vive inspiration de ma mère me parvint aussi clairement que si elle avait été à mes côtés, et non à l'autre bout de l'abri. Mon regard glissa dans sa direction et je soutiens le sien sans sourciller.
–Ce sont des Lathos qui nous ont agressés, Lunixa et moi.
–Des Lathos ? répéta mon père. Ce maudit Télékinésiste n'était pas seul ?
–Un garde dans la salle nous a rapporté qu'un Métamorphe s'est fait passer pour le Marquis Dragor, m'appuya une Lame. Le Télékinésiste l'a tué avant de s'en prendre au mari de votre fille.
L'éclat furieux dans le regard de mon père s'intensifia. Il se planta devant le lieutenant Snoski et le saisit brutalement par le col.
–Des erreurs... Plusieurs damnées erreurs se sont introduites dans le palais, ont pratiquement décimé mes enfants et personnes n'a rien vu ? Vous n'avez rien vu ? Vous êtes censé être une Lame Blanche, l'élite de mon armée ! Comment une chose pareille a-t-elle pu vous échapper ? (Il repoussa violemment l'homme en le relâchant et fusilla du regard tous les soldats d'élite dans la pièce.) D'abord votre incapacité à identifier et arrêter ces Lathos qui interrompent des exécutions à l'Ouest et maintenant cela ?! Je devrais tous vous faire pendre pour votre incompétence ! Tous !
L'expression stoïque du garde ne vacilla pas sous la menace, pas plus que celle de ses collègues, alors que mes yeux s'agrandissaient de stupeur.
–Ces Lathos qui quoi ? lâcha ma mère.
–En effet, aucune erreur n'aurait dû foulée le domaine de ses pas impies, votre Majesté, déclara le lieutenant. Encore moins s'approcher de votre famille et la blesser. Quel que soit le châtiment que vous jugerez juste, nous l'accepte...
Un rire sans joie franchit mes lèvres. Ce son était si incongru que mes parents me dévisagèrent comme si j'avais perdu la tête. Même les impassibles Lame Blanches parurent surprises.
–Aucun Lathos n'aurait dû foulée le domaine ? répétai-je.
–Kalor...
Une mise en garde résonnait dans la voix de ma mère. Je n'en perçus qu'un écho lointain, à peine notable. Même devant le fait accompli, les humains se considéraient toujours supérieurs au Lathos. Ce constat venait de briser quelque chose en moi, et plus rien ne me retint d'exprimer le fond de ma pensée.
–Comment voulez-vous faire la différence entre humain et Lathos, père ? En dehors des pouvoirs, nous sommes identiques. Tant sur le plan physique que psychique. Le palais pourrait être rempli de Lathos pour ce que vous en savez !
–Ne dis pas n'importe quoi, mon frère, gronda Thor. Ces êtres ne sont pas nos semblables.
–Leur psyché n'est pas aussi développé que la nôtre, l'appuya Père, ils sont incapables de ressentir le moindre sentiment. Par la Déesse, Dame Nature elle-même a demandé leur éradication totale ! Ne les compare pas à nous.
–Ulrich était l'un d'entre eux.
Cinq petits mots, c'était tout ce qui composait mon annonce. Pourtant, j'eus l'impression d'avoir lâcher une bombe. L'air de l'abri fut comme soufflé, les personnes autour de moi comme frappée par une onde de choc. Je pus presque entendre une déflagration dans le brusque silence qui s'ensuivit, une sorte de détonation inversée.
Je poursuivis sans leur laisser le temps de se remettre du choc, impassible.
–Oui, Père. Ulrich Piemysond. Le Marquis du comté de Vitaängar, le père de mon ancienne fiancée et l'un de vos généraux, faisait partie des Lathos qui s'en sont pris à Lunixa et moi.
Il secoua la tête, le visage ferme, mais blême.
–Il devait s'agir d'un Métamorphe. Comme celui qui a pris l'apparence de Ni...
–Il avait la force de dix hommes et son visage n'a pas changé lorsqu'il a poussé son dernier souffle.
Ma mère hoqueta d'effroi, alors que mon père se décomposait. Me relevant difficilement, je me rapprochai de lui et le toisai froidement de toute ma hauteur.
–Alors dites-moi, père. S'il est si facile de distinguer un Lathos d'un humain, pourquoi avez-vous confier à Ulrich une partie de notre armée ? Pourquoi y en a-t-il encore après tous ces siècles d'exécution ?
Aucune réponse ne franchit ses lèvres. Les traits horriblement tendus, il peinait à respirer et, pour la première fois depuis des années, une étincelle de crainte s'était allumée au fond de ses yeux.
–En fin de compte, conclus-je, il n'est pas surprenant que les Lathos échappent aux forces de l'ordre et perdurent, ou que certains foulent régulièrement le château. Ce qui est étonnant, en revanche, c'est qu'il n'y ait pas eu d'attaque auparavant. Sept-cents ans qu'ils sont persécutés et exécutés. Combien de peuples se sont-ils laissés opprimer aussi longtemps sans se rebeller au cours de l'Histoire ?
Devant sa nouvelle absence de réaction, je me penchai à son oreille et lui soufflai la réponse.
–Aucun. Les peuples opprimés ont toujours fini par se soulever et s'en prendre à leurs oppresseurs. Alors peut-être devrions-nous revoir la façon dont nous les traitons avant qu'il ne soit trop tard.
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