le train de 7h53
J’avais quinze ans. Chaque matin, je prenais le train de 7h53 pour arriver juste à l’heure au lycée. Les écouteurs vissés, je ne faisais pas attention aux autres passagers. Un matin, je fus bousculé par un homme qui se précipita dans le train, sans même s’excuser. Il devait avoir la cinquantaine. Notre station était la quatrième depuis le terminus et certains restaient debout.
Le lendemain, j’assistais au même manège du bonhomme. En fait, il allait toujours au coin, près de la fenêtre. C’était SA place. Cette frénésie m’amusa par sa répétition et sa véhémence.
Pourquoi ce matin ai-je voulu prendre sa place ? Je m’étais positionné à côté de lui. À peine le train arrêté, plus leste, je me faufilais et me coinçais sur son siège. Je regardais ailleurs, mais je vis son désarroi. Il alla s’adosser un peu plus loin. Je voyais son visage défait, les larmes qui coulaient. Ça ne pouvait pas être à cause de moi, pas à cause de cette petite farce !
Le lendemain, il n’était pas sur le quai. Le jour d’après, j’étais venu en avance et j’ai parcouru tout le quai sans le voir.
Deux jours plus tard, je lus dans le journal local l’histoire du suicide d’un homme de cinquante-deux ans, sans raison apparente.
Depuis, la question me hante.
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