Ce prunier jouxtait la maison depuis toujours. L'an passé, il nous avait gavé de fruits, de ses grosses reines-claudes juteuses et parfumées que nous avions dû disputer aux guêpes et aux frelons. Les derniers pots de confiture dorment encore dans l'armoire, vestiges de cette abondance sucrée.

Il s'était installé là, sans doute noyau abandonné par une pie, tout contre la maison de pierres sèches. Sur cette face ouest, les bourrasques des orages peuvent être violentes. Il menaçait la bâtisse, malgré lui. C'est avec regret et respect que nous l'avons fait tomber, lui volant sa vie de notre pouvoir d'agir sur la nature.

Il se laissa coucher, sans un murmure. Dans un dernier message, il nous conta sa vie. Son large tronc nous livrait son histoire.

Brindillon tombé dans ces terreforts, il avait lutté de nombreuses années pour percer cet argile rouge, plus dur que le fer au mitant de l'été, ne laissant filtrer qu'une rare humidité des pluies du frimas. Les cernes sont serrés, étroits, marqués par ces oxydes qu'il devait traverser.

Une blessure emplie de sciure témoigne d'une attaque. Un scholyte quelconque a dû user ses mandibules, avant d'abandonner ce bois déjà dur malgré son jeune âge. La cicatrice est là, insignifiante devant cette vie tenace.

On sent sa force, sa résistance au centre de son être. Soudain, les cernes s'agrandissent, signifiant l'atteinte de la sérénité. Le milieu n'est plus hostile et seules sécheresses et canicules scandent sa progression.

Vieil arbre ami de notre maison, nous avons dû te retirer. Nous avons prélevé une tranche de tronc qui va maintenant sécher tranquillement. Je vais la poncer, la polir, pour que ton témoignage demeure parmi nous. Ta lutte passée restera ainsi un message d'espoir pour tous ceux qui te regarderont avec un soupçon d'empathie.