Le soleil, sans doute gêné par quelques nuages, n'arrivait pas à libérer la vallée des moletons blancs de la brume. On n’apercevait que les maisons de Maillergues, sur le côté d'en-face, brillant dans cette vapeur.

Le village était un peu plus loin, sur son promontoire au bord de la reculée. De la terrasse devant l'église, au pied de la tour Cardaillac, on voyait s'estomper maintenant les tournants de la route filant vers la vallée d'Olt.

Le chemin le plus direct plongeait sous la falaise, vers le cimetière logé en bas. On imaginait les convois funéraires d'autrefois sur cette sente pentue ! L'autre sentier serpentait en partant vers le nord.

Le chemin arrivait au lavoir, blotti dans ce fond de vallon. Il se disait que les cœurs purs pouvaient admirer les elfes qui venaient s’y ébattre le petit matin. Le contre-jour transformait l'étang au débouché en une lagune blanche. On se surprenait à chercher des traces de ces êtres magiques.

La remontée sur le causse louvoyait sur la pente sud. Des chênes rabougris laissaient rapidement place aux genévriers et aux cades, boules piquantes sur cette herbe rase qui foisonnaient d'orchidées au printemps. Les murs de pierres guidaient le marcheur dans ce réseau ancestral qui permettait de survivre sur ce bout de causse à la pierre dure et revechê. Les hameaux dressaient leurs maisons abandonnées, bâties pour durer indépendamment de leurs habitants. Sur leurs façades, des lierres en fleur attiraient de leur odeur d'amour les derniers butineurs.

Cette année, les noyers se montraient avares de leurs fruits. Comme les autres végétaux, ils avaient été trahis par le chaleureux mois de mars. Les gelées d'avril avaient ramené à la raison la frivolité des jeunes pousses et des fleurs hardies, en les brûlant férocement. La récolte sera maigre, le plaisir des noix fraiches parcimonieux.

Demain, ce seront les châtaignes dans les raidillons du Séguéla descendant du plateau aux horizons infinis vers la rivière sombre.