Le souffle frais détache en flocons les dernières feuilles. Nos souliers pataugent dans ce tapis ocre et bruissant, soulevant de chauds effluves. Cette odeur aux relents futurs d'humus, nous apprécions sa préciosité sans vraiment connaitre sa richesse.

Le fruit est la petite obole versée à l'animal chargé de répandre la semence. L'abondance des graines au sol témoignent de la rareté des germinations heureuses. Mais l'abandon au sol de ces merveilleux laboratoires, sources de l'énergie de la vie, quel gâchis ! Uniquement parce que les parois de ces minuscules usines ne sont pas taillées pour résister aux pics de la glace des frimas ?

Avec les premiers refroidissements, les précieuses protéines des feuilles ont été rapatriées dans les branches et les troncs, stockés à proximité des bourgeons qui réclameront bientôt des ressources pour conquérir leur place au soleil.

Il reste de précieux éléments dans cette feuille qui va tomber. Par une alchimie bienfaisante, les protéines restantes vont être associées à des tanins pour former de grosses molécules indestructibles.

La pluie de l'hiver va permettre aux bactéries de digérer la cellulose des parois, libérant ces assemblages complexes, noircissant le sol, car trop imposants pour être entraînés dans les lessivages.

Plus tard, un mycélium hardi poussera ses hyphes jusqu'à ces monstres. Qui d'autres qu'un mycète oserait affronter ces repoussoirs ? Ne sont-ils pas les seuls à pouvoir les réduire ? Modestes, ils ne contrediront pas les xylophages qui se targuent d'un cursus évolutif difficile pour, finalement, n’être capable que de brouter des champignons destructeurs de lignine.

Nullement rebuté, ce filament s'y attaquera pour en faire son quatre heures, remobilisant les composants pour aller proposer aux racines de sa clientèle, moyennant quelques sucres qui lui font toujours défaut.

Ces feuilles à terre sont le symbole de cette générosité et de ce partage, sans lesquels survivre et se développer sont impossibles. J'aime m'y plonger !