25 Juin 2023

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25 juin 2023

08h00

Émilie HANSEN, 19 ans

32ème jour du Tour du Monde à la voile en solitaire

J’ai passé la journée d’hier avec le peuple que j’ai découvert. Dorénavant, je vais les appeler les déchetistes. La communication est plus que complexe. Lorsque je leur parle, ils ne me comprennent pas. Lorsque je fais des gestes ils semblent comprendre. J’ai quand même réussi à établir une petite liste de vocabulaire. (Elle est à la fin du carnet.) Hier, je n’ai pas vu beaucoup de personnes. Environ cinq ou six. Je ne sais plus. Je suis rentrée sur mon bateau vers le coucher du soleil, c’est-à-dire tard. Je me suis fait à manger car j’ai remarqué une chose, ils ne déjeunent pas. De toute la journée, je ne les ai jamais vu manger. De plus, il n’y avait que peu de monde. Cependant, le nombre d’habitations était énorme. Les déchetistes sont habillés d’une sorte de tunique faite de résidus qu’ils trouvent dans l’océan. Ils ne portent pas de chaussures. Ils n’ont pas d’accessoires non plus. Juste cette tunique. J’ai l’impression de faire un reportage sur eux. Je ne vis pas comme eux. C’est certain. La façon dont je suis habillée et équipée ne va pas avec l’endroit où je suis.

Sur le continent, en Europe, je vis dans une société de consommation. Personne n’est jamais content. Tout le monde en veut toujours plus. Peu de personnes seraient là si on en avait besoin. Seraient-elles prêtes à sacrifier des choses ? Pas leurs vies, mais leurs biens. Des choses qui semblent importantes mais qui sont futiles. Des choses qui nous semblent essentielles mais qui ne le sont pas. Des choses que la société a créées pour avoir plus d’argent, d’objets, d’« amis ». Comme sur Snapchat. J’ai mille abonnés. Mille « amis ». Seulement, je suis vraiment amie avec trois d’entre eux. Ils seront toujours là pour moi. Je pense donc que nous nous attachons beaucoup trop à des choses qui nous semblent importantes mais qui ne le sont pas. À ce que j’en ai vu, ici, les déchetistes vivent avec ce qu’ils trouvent. Ils sont heureux.

Je me souviens du Vendée Globe de 2020-2021. C’était la neuvième édition. Il y avait Clarisse Cremer. J’étais pour elle. Mon frère pour Alex Thomson, ma mère pour Armel Tripon et mon père pour Kevin Escoffier. Elle était devenue la femme la plus rapide à la voile, en solitaire, sans escales, sans assistance autour du monde. Si je fais ce que je fais aujourd’hui c’est grâce à Titouan Lamazou, Samantha Davis, François Gabart, Armel Le Cleac’h et Clarisse Cremer. Merci beaucoup à eux. J’ai comme projet de faire la mini transat dans deux ans. Après je tenterais bien le circuit du figaro, et qui sait, peut-être qu’un jour je ferai le Vendée Globe ? C’est mon rêve depuis toute petite. Après les livres Rêver large et Le prix de la victoire, mon envie, ma passion pour le grand large n’a fait qu’augmenter. Je ne sais pas si cela est une bonne chose, mais je me sens bien et puis si j’ai le choix entre partir sur terre ou sur l’eau, je choisis sans hésitation la deuxième option. Je suis une fille de l’océan. J’ai grandis dessus. J’y ai rencontré Alex, mes amis. J’y ai fait des régates. Ma vie se résume à cela.

Je me souviens qu’en 2021 on nous parlait d’un projet hors-norme, un catamaran de l’organisation Seacleaners, qui nettoierait les océans. Théoriquement, il faut attendre 2024, un an, avant que l’on puisse l’utiliser. Ça sera une bonne chose. Cependant, où iront les déchetistes ? Pourront-ils se mêler à notre société ? Une qui a des habitudes si différentes des leurs. Une chose est certaine, il faut sauver la planète. Je soutiens donc Seacleaners ? J’espère réellement que leur projet va fonctionner.

Des fois j’ai l’impression de voir Volans, qui est en français le poisson volant. Il est quasiment certain que je me trompe. Comment se dirigeaient les marins ? Et Santiago du Vieil homme et la mer. Avec les étoiles non ? Si ça se trouve j’ai vraiment vu la constellation Volans. On m’avait appris quelque chose. Je ne sais plus qui mais ça n’est pas important. Où que nous soyons sur Terre, la lune ne sera jamais plus grande que le pouce. Tous les soirs je regarde. La lune ne dépasse jamais les contours de mon pouce droit. Jamais.

Bon, pour une fois je vais aller me reposer correctement. Après je vais retourner auprès des déchetistes.

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