Lana Drah contre les méchants monstres

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Lana rêve devant son parallélépipède de cellulose en galettes. Elle est fan de bit-lit. Elle rêve de rencontrer un vampire à la peau laiteuse qui fera d’elle sa princesse, et dont elle fera un chevalier blanc. Les héroïnes des histoires de l’ancien monde avaient des vies si simples ! Quelques échauffourées avec des lycéennes concurrentes, deux ou trois loups-garous de la clique adverse. Et zou ! Au pieux avec le beau gosse aux dents pointues. C’était si facile ! Une violente secousse fait trembler son abri souterrain. Un peu de poussière se détache du plafond et choit sur la page sur laquelle elle s’attardait. D’une brève expiration, elle souffle les inopportuns gravats qui envahissent son monde de papier et de pectoraux imaginaires. Son ventre gargouille. Elle n’a pas mangé depuis ce matin. Lana attrape une barre de céréales probablement périmée qui traine sur son étagère. Effectivement : périmée depuis cinq ans. Pas si pire. Elle croque dedans et se délecte du sucre qui craque entre ses dents. La texture cartonnée et le chocolat séché ne la dégoûtent pas outre mesure, car elle ne se rappelle pas grand-chose d’autre.

La porte. Ce cloaque ouvert sur l’outre-monde. Elle est apparue soudainement il y a dix ans, cicatrice béante dans la réalité, anus puant du malin. Par elle sont entrés dans notre monde des armées entières de trucs à tentacules, de bidules à grandes dents, et de choses à douze pattes. Lana se sent incontestablement flouée. Point d’Edward à la peau brillante en vue. Point de Jacob en T-shirt de poils non plus. Les démons et créatures inhumaines dans les livres ont l’air si doux ! Alors pourquoi dans son monde ont surgi des horreurs cauchemardesques ? Pourquoi au lieu de gentiment se fondre dans la population des lycées en passant quarante-sept fois le bac, elles ont bouffé la population des lycées ? Et les lycées avec, au passage. Enfin piétiné serait un terme plus adapté. Pas juste.

Lana a été recueillie entre les tripes de ses parents par un groupe de lycéens de son quartier. Elle n’avait pas beaucoup plus de cinq ans à l’époque. Les huit adolescents se sont occupés d’elle, jour après jour, lui prodiguant nourriture et bases de survie qu’ils venaient d’improviser. Puis ils furent, sept, puis six. Et enfin, elle se retrouva seule. Durant les quelques années qu’elles avaient partagées, Nevaeh avait quand même eu le temps de lui transmettre sa passion pour la bit-lit, et sa précieuse collection de livres sacrés. La vie est plus compliquée maintenant.

C’est la nuit et elle a dû s’enfermer dans sa planque, le sous-sol barricadé dans lequel elle habite depuis la Fissure. Des cloportes opportunistes y ont également trouvé refuge. Une cohorte de bestioles carapacées qui ne la confortent pas vraiment dans les moments difficiles. Quoi de plus muet qu’un cloporte ? Au moins, eux n’essaient pas de la bouffer. Parfois elle en écrase un ou deux par inadvertance, mais peu importe, ce n’est pas leur compagnie accorte qui lui remonte le moral dans cette ville morte, ni leurs petites pattes qui lui prêtent main forte lors de ses excursions diurnes.

Armée de son pistolet à clous, elle avance prudemment dans les rues désertes. Le ciel est encore et toujours couvert. C’est à peine si on distingue le jour de la nuit. Mais Lana sait faire la différence. Ce n’est pas si compliqué. Si on entend des hurlements horribles, et que des créatures difformes arpentent les rues, c’est la nuit. S’il fait un peu moins sombre et que les rues sont vides, c’est le jour. Point. Le reste est un détail. De toute façon, on ne voit plus le soleil depuis des années. Une couche de nuages surnaturels a empli le ciel. Et la végétation a quasiment disparu. Pourtant, aujourd’hui, le ciel est un peu moins sinistre. Au lieu du marron pourri habituel, il arbore un rouge terne qui réchaufferait presque le cœur. Quelque chose se passe, c’est clair. Les nuages bougent dans le ciel, plus rapidement, plus ordonnés. Ils filent vers la porte, qui est maintenant le centre d’un monumental tourbillon de barbe-à-papa couleur viande pourrie.

Les volutes cotonneuses orbitent autour d’un axe fictif à la verticale du maudit orifice. Des éclairs zèbrent le firmament de part et d’autre, illuminant furtivement les ruines de la ville. Chaque claquement fait sursauter Lana, brisant avec fracas le calme attendu du jour. La porte se referme-t-elle ? Le cauchemar prend-il fin ? Elle doit en avoir le cœur net. Après un furtif aller-retour au refuge, l’intrépide princesse survivante de l’apocalypse portale s'est harnachée d’un gros sac-à-dos empli de l’essentiel à la survie. Elle en a pour deux jours de marche pour atteindre la porte. Il faudra faire un détour pour passer par l’un des derniers ponts encore debout -et survivre à une nuit dehors.

Une combinaison stupide de risques inimaginables, mais Lana se languit de sa solitude. Et ce prétexte inattendu l’a tirée de sa routine mortifère. Elle a pris pour se rassurer un tome d’une saga qu’elle affectionne, qui lui tiendra compagnie dans la nuit. Elle avance dans les rues grises et mornes, entre des cadavres de véhicules rouillés, de devantures éventrées, de publicités anachroniques vantant des bienfaits ô combien futiles dans ce dédale désert et suicidaire. Le cheminement vers le passage maudit est épuisant, éreintant. Le sac tambourine contre son bassin. Le poids de son arme de fortune commence à tirer sur ses bras engourdis. Elle se rappelle le jour le beau Martin lui avait donné. Ils pillaient les restes d’un magasin de bricolage, quand le beau brun avait brandi ce propulseur à air comprimé. Le choc de l’impact et la beauté du clou argenté avaient fasciné la jeune fille. Devant ses yeux ébahis, le garçon lui avait offert le puissant engin. Elle serre contre sa poitrine le précieux allié, qui lui a déjà sauvé la mise contre des pillards et un bouffe-pieds.


- texte de concours inachevé -

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