Il était trois heures du matin, et Eddy ne dormait toujours pas. En désespoir de cause, il se leva, chercha à tâtons ses pantoufles, et partit vers la cuisine sans faire de bruit, espérant faire la causette avec le mainate.

« Non, pas ce soir, fit le volatile. Je suis fatigué. Je dormais et tu m’as réveillé. »

Eddy parut contrarié :

« Comment vais-je faire passer mon insomnie ?

— Tu n’as qu’à parler tout seul.

— Je n’aime pas ; et puis ma femme risquerait de penser que je suis devenu fou.

— Ta femme elle dort. Si elle se réveille, tu n’auras qu’à faire semblant que tu parles en rêvant.

— Non, je veux faire la causette avec toi.

— Pas ce soir Eddy. Demain si tu veux.

— Demain je dormirai peut-être.

— Alors, fais semblant que nous sommes demain, et va te recoucher.

— Et si c’est toi qui faisais semblant que nous sommes demain ?

— Je ne peux pas. Je n’ai pas l’intelligence voulue pour imaginer ce type de situation. »

Eddy poussa un soupir de découragement :

« Quelle chiasse !

— Mais non, mais non, c’est toi qui le dis. Allez, va te recoucher. »

Eddy repartit dans sa chambre et se recoucha. Sa femme pouffa :

« Qu’est-ce que tu as ?

— Je n’arrive pas à dormir.

— Va parler au mainate.

— Monsieur ne veut pas, sous prétexte qu’il est fatigué.

— Ça c’est la meilleure, s’étonna sa femme. Avec le prix qu’on l’a payé !

— Tu l’as dit, approuva Eddy. C’est un abruti.

— Abruti toi-même, hurla le volatile qui avait tout entendu. Tu vas voir ronchonna-t-il. Le jour où je gagne au loto, je m’achèterai un couple d’humains, et je les ferai chier jusqu’à plus soif. »

Or il advint que son souhait se réalisa. Extra-riche, il parcourut tous les magasins, toutes les boutiques, mais aucune ne vendait de couples d’humains. Dégoûté, écœuré, il prit une pierre, l’attacha autour de son cou et plongea dans la Seine, en laissant son magot sur le quai.