Sans Air
Lyla est asphyxiée sous les mots qu'il lui assène, impitoyable valse d'avanies. Sa bouche tente des invectives indicibles, mais sa voix s'est éteinte... Lyla s'essouffle, s'étouffe. Il faut qu'elle ventile son palais muet, ses poumons embués, son estomac noué. Elle suffoque, abîmée, blessée. Elle quitte les lieux en un battement de cils, sans une allocution à son adresse, lui exhibant finalement son dos ébéne et ses fesses galbées.
Il émane du dedans une nuance chatoyante, détonnant dans la nuit. Son attention se plonge dans le spectacle suspendu. Il est assis, immobile et calme, comme si l'instant passé n'avait jamais existé, comme si le monde avoisinant s'était envolé. L'homme qu'elle aime, autant qu'elle hait, n'est qu'une simple silhouette humide et floue dans un tableau, enveloppé d'un voile de soie.
Le sas au halo tamisé lui donne la sensation d'abandon qu'elle attendait. Le vent glacé enflamme ses joues, et ses cheveux s'évadent dans la bise. Elle se délecte de cette bouffée de vivacité, comme un coup de fouet. Elle s'oxygène enfin, emplit ses poumons d'une accalmie nouvelle. La saison des glaçons l'enlace, hostile mais paisible. Sa peau ondule et ses poils s'élevent sous le souffle puissant des cieux. Et c'est tant mieux. Les gouttes qui longeaient son visage s'asséchent, se dissipent ; se volatilisent dans un nuage de buée. Lyla a noyé les sanglots dans la nébulosité gelée, cédant l'espace au silence. Elle pousse un gémissement intense, sans tempête ni typhon, laissant simplement place au néant. Des effluves neigeuses, ballet de flocons, saisissent ses yeux assoupis. Elle les imagine, dansant au milieu de ses doigts minces, flottant dans ses mèches foncées. Une complainte jaillit, insaisissable et timide.
Lyla chemine, suivant ce flux mélodieux qui l'appelle. La pointe puis la plante de ses pieds s'enlisent dans le gazon blanchi, le bitume opalin, aux lames invisibles. Elle évolue, impassible, dans la nuit algide qui la saisie doucement. Elle déambule, à demi-nue, telle une illusion impalpable, de plus en plus lentement. Elle ne sent plus. Elle ne sent pas. Son souffle qui s'épuise, l'apnée qui l'atteint. Sa beauté majestueuse qui s'étiole. Elle choit, s'enfonce dans un linceul glacé. L'incantation l'envahit, la possède, et Lyla s'y blottit, cocon de coton dans lequel elle exhale son ultime pensée : ce n'est qu'un songe.
exercice: écrire sans R
16 Novembre 2019
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