Chapitre 1 : Les Murmures du Vent

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Le vent soufflait sur l'île comme un écho du passé, portant avec lui des murmures que personne n'osait interpréter. Les hautes murailles de pierre qui entouraient le territoire semblaient se fondre avec le ciel gris, séparant le monde des exilés d'un ailleurs inconnu. Au pied de ces murs, le village vivait dans une routine immuable, où les enfants grandissaient sans jamais questionner l'horizon invisible.

Odilon se tenait au sommet d'une colline, les yeux rivés sur l'étendue de l'océan, là où la mer se confondait avec le ciel. C'était un jour comme un autre, mais une tension invisible flottait dans l'air. Depuis quelques semaines, un sentiment d'inquiétude s'était insinué parmi les jeunes. Ils n'étaient plus satisfaits des histoires que les anciens racontaient. Leurs murmures dans l'obscurité évoquaient un monde au-delà des murs, un monde que leurs ancêtres avaient fui.

« Un jour, nous comprendrons » pensait Odilon en serrant les poings. Il n'était pas le seul à ressentir cette urgence. Ils étaient plusieurs à avoir ressenti cet appel, cette envie de savoir ce qu'il y avait là-bas, au-delà des frontières qu'on leur avait imposées.

Mais ce jour-là, tout bascula.

À l'horizon, une silhouette étrange se détachait sur la mer. Les premiers à la remarquer crurent à un mirage, une illusion due au soleil bas. Mais rapidement, l'illusion se matérialisa en quelque chose de bien plus tangible : un objet métallique, glissant sur l'eau, se rapprochait inexorablement de la côte.

C'était le début de la fin du silence.

Odilon descendit la colline à toute vitesse, son cœur battant à tout rompre. Il n’était pas seul à avoir vu l’étrange silhouette sur l’eau ; déjà, une foule se formait sur la plage, les yeux plissés pour distinguer l’objet qui s’approchait.

  • C’est une épave, murmura une femme, les bras croisés contre sa poitrine, comme pour se protéger du vent.
  • Non, regarde… ça bouge encore.

Le bruit des vagues se mêlait aux murmures des villageois, qui s’amassaient maintenant en cercle sur le sable humide. Odilon, se faufilant entre les adultes, réussit à s’approcher de la première ligne, juste assez pour apercevoir l’objet. C’était grand, bien plus grand qu’un simple bateau de pêche. Un engin aux formes anguleuses, couvert de rouille et d’algues, mais qui paraissait étrangement intact.

Soudain, une lumière clignota à sa surface. Odilon plissa les yeux. Il n'avait jamais rien vu de tel. À ses côtés, Emilie, une jeune fille de son âge, posa une main sur son épaule.

  • Tu le vois ? murmura-t-elle, le souffle court.
  • Oui… ça ressemble à…

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase.

Un bruit sourd retentit. Comme un grognement métallique. L’objet s’arrêta brusquement, son avant heurtant le fond de sable à quelques mètres de la côte. Les murmures se turent. Un silence de plomb s’installa, seulement brisé par le clapotis des vagues contre la coque de l’engin.

Un homme plus âgé, au visage buriné par le sel et le temps, s’avança d’un pas prudent. C’était Bruno, l’un des doyens de l’île.

  • Personne ne s'approche ! tonna-t-il, sa voix rauque éraillée par les années. Nous ne savons pas ce que c'est.

Mais Odilon n’écoutait déjà plus. Son regard restait fixé sur l’engin, hypnotisé par les légères lueurs qui pulsaient à sa surface.

  • Il faut qu’on sache… souffla-t-il, pour lui-même autant que pour Emilie.
  • Odilon, tu es fou, murmura-t-elle. Tu as entendu Bruno, ça pourrait être dangereux…

Pour toute réponse, il fit un pas en avant. Il sentit le sable glisser sous ses pieds, ses yeux rivés sur la forme immobile. Puis, avec un sourire en coin, il ajouta : « Tu sais ce qu’on dit, Emilie… Les dangers cachent souvent des vérités. »

Emilie soupira, mais un éclat de défi brillait dans ses yeux. « Très bien, alors allons découvrir la vérité. »

Ils avancèrent prudemment, sous les regards inquiets et désapprobateurs des villageois. Alors qu'ils se rapprochaient, l’engin émit un autre bruit métallique, plus fort cette fois. Une trappe sembla se desserrer sur le côté, puis lentement, très lentement, s’ouvrir dans un grincement sinistre.

Odilon et Emilie s’arrêtèrent, à quelques pas seulement. L'intérieur de l'engin était sombre, mais une lumière rougeâtre brillait faiblement au fond, projetant des ombres étranges sur le sable.

Puis, de l’intérieur, une voix émergea. Pas une voix humaine, mais une série de bips et de sifflements. Et, dans cette cacophonie étrange, un mot finit par se former, répétitif, presque suppliant :

« … Aide… »

Odilon échangea un regard avec Emilie. Ils savaient tous deux que ce qu’ils feraient à présent changerait tout.

  • Tu es prêt ? demanda Emilie, le souffle court.
  • Non, répondit Odilon avec un sourire nerveux, mais je crois qu’on n’a plus le choix.

Ils avancèrent d’un pas, puis deux, jusqu’à ce que leurs silhouettes soient avalées par l’ombre de l’engin.

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