Chapitre 2 : Les Ombres du Régime

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La cité continentale, autrefois joyau de civilisation et de progrès, était désormais une forteresse grise et impénétrable. Le régime de Magnus avait transformé les rues vibrantes en couloirs de béton surveillés par d'innombrables drones, et les écrans géants diffusaient sans relâche des messages de propagande vantant les mérites d’une société unie sous la bannière de la stabilité et de la sécurité. Pour les citoyens, cette "stabilité" ou "sécurité" était devenue synonyme de peur et de résignation. Les visages anonymes qui arpentaient les trottoirs semblaient éteints, vidés de toute émotion.

Mais dans l’ombre, la résistance n’avait jamais été aussi vivante.

Elara observa la rue depuis une fenêtre étroite d'un immeuble abandonné, ses yeux bleus scrutant chaque mouvement en contrebas. Elle tenait entre ses mains un vieux plan de la ville, griffonné de marques rouges et noires. Autour d’elle, le Réseau Libre s’activait dans une salle sombre où les lumières tamisées et les bruits de claviers résonnaient. Ils préparaient leur prochain coup : une série de sabotages visant à perturber les communications du gouvernement pour semer la confusion dans les rangs ennemis.

— Nous frappons ce soir, annonça Elara en pointant du doigt un centre de communication stratégique sur la carte. Si on parvient à désactiver l’Œil pour quelques heures, ce sera notre plus grande victoire depuis des mois.

L’Œil, le système de surveillance omniprésent du régime, était la clé de voûte du contrôle de Magnus. Désactiver une partie de ce réseau, même temporairement, permettrait à la résistance de s’organiser sans être constamment traquée. Autour d'Elara, ses alliés hochaient la tête avec détermination, mais une tension palpable planait sur leurs épaules.

Jasper, un technicien rusé à la barbe mal entretenue, se pencha sur l’écran d’un ordinateur et tapota furieusement pour contourner les pare-feux du gouvernement.

— On a un accès temporaire aux schémas des circuits de surveillance, dit-il avec un sourire nerveux. Mais ce sera court. L’opération doit être rapide et synchronisée. Sinon, on risque gros.

Elara acquiesça. Elle savait que chaque seconde comptait. Depuis quelques semaines, le Réseau Libre accumulait les petites victoires, mais celles-ci n’étaient que des étincelles dans une obscurité oppressante. Cette fois, l’objectif était ambitieux, presque suicidaire, mais nécessaire pour rallumer l’espoir parmi les rebelles.

Au même moment, dans les quartiers sécurisés de la cité, Magnus contemplait la ville depuis son bureau en haut de la tour administrative, une main posée sur le verre froid de la fenêtre. Julius, son bras droit, se tenait derrière lui, les bras croisés, observant silencieusement. Ils avaient renforcé les mesures de sécurité, mais Magnus sentait que quelque chose lui échappait.

— Il y a une agitation nouvelle dans l’air, grinça-t-il brisa le silence, sa voix grave résonnant dans la pièce. Nous devons frapper fort et rappeler au peuple ce que signifie la stabilité.

Julius hocha la tête, fidèle à son rôle de chien de garde impitoyable.

  • Nous avons des informateurs dans les réseaux dissidents. Le Réseau Libre est de plus en plus audacieux. Je propose une purge dans les quartiers suspects.

Magnus se tourna vers lui, son regard calculateur scrutant le visage froid de Julius.

— Faites ce qui doit être fait, ordonna-t-il sans hésiter. Nous ne pouvons laisser aucun doute sur notre autorité.

La soirée tomba, enveloppant la cité dans une pénombre lourde. Dans un entrepôt discret, Elara et son équipe se préparaient. Les visages étaient concentrés, les gestes précis. Ils portaient des vêtements sombres, adaptés pour se fondre dans la nuit, et communiquaient par de rapides signaux de main pour éviter de laisser des traces numériques. Elara vérifia une dernière fois son équipement avant de se tourner vers ses camarades.

— C’est maintenant ou jamais. On désactive l’Œil, on sabote les relais, et on disparaît avant qu’ils comprennent ce qui s’est passé.

À l’extérieur, la ville dormait d’un sommeil agité, bercée par le murmure des drones et les patrouilles incessantes. Elara se glissa dans les ruelles comme une ombre, suivie de ses alliés. Ils contournèrent les caméras, désactivèrent discrètement les systèmes d’alarme, et en quelques minutes, ils se retrouvèrent devant leur cible : une tour de communication essentielle au bon fonctionnement de l’Œil.

Les premières charges explosives furent posées sans un bruit. Jasper, derrière son écran, guidait à distance les manipulations des saboteurs. À chaque seconde, la tension montait. Les explosions retentirent en sourdine, un grondement étouffé qui fit vibrer les murs de la tour. Les lumières de contrôle clignotèrent, et pour la première fois depuis des années, l’Œil vacilla.

Pendant quelques heures, la ville fut plongée dans une semi-obscurité numérique. Les écrans se figèrent, les patrouilles perdirent leurs repères, et le Réseau Libre put se mouvoir librement, comme des fantômes glissant entre les mailles du filet. Ce moment de liberté précieuse fut une bouffée d'air pour ceux qui luttent depuis trop longtemps dans l'ombre.

Cependant, cette victoire éphémère ne tarda pas à attirer l’attention des autorités. Julius, furieux de l’audace des rebelles, redoubla d’efforts pour rétablir le contrôle. Il fit fouiller chaque rue, chaque bâtiment suspect. En quelques heures, les quartiers de la résistance furent mis en état de siège, et une vague d’arrestations s’ensuivit.

Elara et ses compagnons se réfugièrent dans les sous-sols de la ville, utilisant des tunnels et catacombes oubliés pour échapper à la Garde Silencieuse. Le succès de l’opération était indéniable, mais la répression qui suivit fut brutale. Julius avait capturé plusieurs membres du Réseau Libre, les traînant devant les caméras pour des confessions forcées. Les cris des captifs résonnaient dans les enceintes de propagande, et les visages marqués de peur et de fatigue s’affichaient sur les écrans de la ville.

Elara assista impuissante à ces scènes depuis sa cachette. Ses poings serrés témoignaient de sa frustration, mais elle ne pouvait pas se permettre d’intervenir. Elle savait que chaque mouvement imprudent mettrait en danger les derniers membres libres de son réseau.

— Nous ne pouvons pas continuer comme ça, murmura l'un de ses alliés, la voix tremblante d’épuisement et de peur. Ils nous traqueront jusqu’au dernier.

Elara le regarda droit dans les yeux, déterminée malgré les circonstances.

  • Ils peuvent nous frapper, nous briser même, mais tant qu’il y aura de l’espoir, ils ne pourront jamais nous vaincre.

Les rebelles, rassemblés dans la pénombre, relevèrent la tête. Ce n’était pas une victoire totale, mais un acte de défi qui rappelait au peuple que l’autorité de Magnus n’était pas invincible. Pour l’instant, l’Œil avait été aveuglé, et même brièvement, cela suffisait à semer le doute et à maintenir la flamme de la résistance allumée.

Mais Julius, de son côté, voyait rouge. Il jura de retrouver Elara et de la faire payer pour cette humiliation. Une nouvelle chasse commençait, et cette fois, le régime ne montrerait aucune pitié.

Elara savait que les jours à venir seraient plus sombres que jamais. La guerre des ombres venait de prendre une tournure plus violente, et chaque geste, chaque parole serait désormais une bataille pour la survie.

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