Chapitre 3 : Le Choc des Trahisons
Le Réseau Libre était à bout de souffle. Après l’attaque contre l’Œil, les dissidents s’étaient retranchés dans les zones les plus sombres de la ville, là où la Garde Silencieuse peinait encore à s’aventurer. Mais chaque jour, leur espace se réduisait comme une peau de chagrin, et les murs invisibles de la répression se resserraient inexorablement.
Elara se tenait dans une pièce exiguë, au sous-sol d’un immeuble abandonné du quartier ouvrier. Le lieu servait autrefois de cache pour les contrebandiers, et les murs crasseux résonnaient encore des murmures de transactions illicites. À présent, c’était devenu le quartier général temporaire du Réseau Libre, une base fragile que l’État totalitaire de Magnus n’avait pas encore repérée… du moins, c’est ce qu’ils espéraient.
Elle observait la carte holographique de la ville, où chaque quartier était marqué par un code de couleur indiquant le niveau de contrôle du régime. Depuis l’attaque sur l’Œil, le rouge s’était étendu comme une marée sanglante sur le paysage urbain. Le régime de Magnus avait intensifié sa surveillance, et les mouvements rebelles étaient devenus presque impossibles sans se faire repérer.
Jasper, le technicien et cerveau informatique du groupe, bricolait frénétiquement sur une série d’écrans grésillants. Depuis leur dernière opération, il avait intercepté plusieurs communications codées de la Garde Silencieuse, mais elles étaient d’une complexité redoutable. Le groupe ne savait plus où donner de la tête, suspectant à chaque instant que le filet se resserrait sur eux.
— Ils savent qu’on est encore là, dit Jasper, brisant le silence pesant de la pièce. On a réussi à brouiller leurs pistes pendant un temps, mais ils cherchent activement. Quelqu’un nous a vendus, Elara.
Elara se crispa, son regard sombre traversant la salle. Elle avait senti le malaise grandissant parmi ses troupes depuis des jours, mais elle refusait de croire qu’un des leurs ait pu trahir la cause. Pourtant, la dure réalité s’imposait à elle.
— J’ai reçu des rapports disant qu’ils sont au courant de nos mouvements avant même qu’on ne les exécute, ajouta Lydia, une jeune recrue aux yeux fatigués par les nuits sans sommeil. **"Quelqu’un leur fournit des informations, c’est évident.
Elara pinça les lèvres, tentant de dissimuler son inquiétude. La moindre fissure dans leur réseau pouvait entraîner l’effondrement de tout ce qu’ils avaient construit. Chaque opération devenait un jeu de hasard, et chaque visage autour de la table de réunion un potentiel traître.
— Nous devons trouver le maillon faible, déclara Elara fermement. Il faut creuser, questionner, et surtout, ne faire confiance à personne.
Mais la réalité était encore plus sombre que ce qu’ils imaginaient. À quelques kilomètres de là, Julius et la Garde Silencieuse s’affairaient dans une base souterraine, à l’abri des regards. La pièce principale ressemblait à une salle de contrôle d’un navire de guerre, équipée d’écrans montrant les moindres recoins de la ville. Julius, avec son regard perçant et sa détermination implacable, supervisait les opérations avec une précision chirurgicale.
Devant lui, une série de dossiers était éparpillée sur une table, chacun contenant les informations sur les membres clés du Réseau Libre. Julius s’arrêta sur le dossier de Leon, l’agent de liaison capturé lors de l’attaque contre l’Œil. Depuis son arrestation, Leon avait subi les pires tortures de la Garde Silencieuse, et bien que son esprit ait résisté longtemps, il avait fini par céder. Sous la contrainte, il avait révélé des détails vitaux sur les cachettes et les plans futurs de la résistance. Julius, satisfait de sa prise, savait que ces informations allaient lui permettre de frapper là où ça faisait mal.
— Nous avons assez pour briser leur organisation, dit Julius en fermant le dossier avec un claquement sec. Il est temps de tendre notre piège.
La stratégie de Julius était simple mais terriblement efficace : infiltrer le Réseau Libre par le biais d’informateurs manipulés, semer le doute, et laisser les rebelles se détruire de l’intérieur. La Garde Silencieuse avait déjà mis en place plusieurs agents doubles au sein de la résistance, et les fausses informations circulaient à présent librement, créant une atmosphère de méfiance insidieuse.
De retour au QG du Réseau Libre, Elara continuait de sonder ses compagnons, cherchant le moindre signe de trahison. Elle se sentait dépassée par la situation, sa confiance en chaque membre ébranlée. Les discussions autrefois pleines de camaraderie étaient devenues froides et distantes, et chaque regard échangé contenait son lot de suspicion.
Un soir, alors que la tension atteignait son paroxysme, Lydia s’approcha timidement d’Elara. Ses yeux brillaient d’une inquiétude qu’elle ne parvenait plus à cacher.
— Elara, il y a quelque chose que tu dois savoir… commença-t-elle en hésitant. J’ai entendu des rumeurs parmi les nôtres. Des gens parlent. Ils pensent que Leon aurait pu… céder.
Elara sentit son cœur se serrer. Elle avait espéré que ce ne serait pas le cas, que Leon aurait résisté jusqu’au bout. Mais elle savait aussi combien la torture de la Garde Silencieuse était redoutable. Aucun homme, aussi fort soit-il, ne pouvait résister éternellement.
— Et si c’était vrai ? murmura-t-elle, à moitié pour elle-même. Si Leon a parlé, nous devons agir vite. Tout ce que nous avons construit est compromis.
À ces mots, l’atmosphère dans le QG devint encore plus lourde. Jasper, qui avait jusqu’à présent gardé le silence, se leva brusquement.
— Alors on évacue. On déménage nos bases, on change de stratégie, et on efface toute trace de nos plans actuels. Si Julius pense qu’il peut nous prendre de vitesse, on va lui montrer qu’il a tort.
La décision fut prise dans la foulée, et le Réseau Libre entama une série de manœuvres frénétiques pour brouiller les pistes. Les équipements furent démantelés et déplacés, les membres redistribués dans de nouvelles caches improvisées. Mais malgré ces efforts, une méfiance persistante s’installait, infectant chaque décision, chaque action.
Plusieurs membres du groupe, autrefois unis par une cause commune, commencèrent à se surveiller mutuellement. Les réunions stratégiques se transformèrent en interrogatoires déguisés, et les interrogations fusèrent à chaque proposition de plan.
Elara, sentant son autorité vaciller, tenta de rassurer ses troupes, mais l’ombre de la trahison planait toujours au-dessus d’eux. Chaque échec, chaque embuscade manquée semblait confirmer leurs craintes : quelqu’un parmi eux les trahissait encore. Et même si Leon était responsable d’avoir cédé sous la torture, il était fort probable qu’un autre agent double se cachait parmi leurs rangs.
C’est dans ce climat tendu que Julius décida de frapper un grand coup. Utilisant les informations récoltées par ses espions, il monta un piège magistral, destiné à pousser Elara et ses alliés dans leurs derniers retranchements. Une fausse opération de grande envergure fut mise en scène par la Garde Silencieuse, visant à débusquer le Réseau Libre en attirant ses membres les plus influents dans un guet-apens.
Ce soir-là, Elara et son équipe se préparaient pour une mission vitale : un transfert d’armes crucial pour leur prochaine grande offensive. Mais tout ne se passa pas comme prévu. À peine avaient-ils atteint le lieu de rendez-vous qu’ils se retrouvèrent encerclés par des troupes de la Garde Silencieuse. La panique s’empara des membres du Réseau Libre, et les tirs éclatèrent dans la nuit sombre.
Elara et ses compagnons parvinrent à s’échapper de justesse, mais au prix de lourdes pertes. Plusieurs rebelles furent capturés, et les maigres ressources qu’ils avaient réussi à rassembler tombèrent entre les mains du régime.
De retour au QG, la colère gronda. Les soupçons éclatèrent en accusations directes, et le Réseau Libre se fractura davantage. Elara, dépassée par les événements, se réfugia un moment seule, tentant de reprendre son souffle. Elle savait qu’ils ne tiendraient pas longtemps ainsi.
— On ne peut plus continuer comme ça, déclara-t-elle finalement à ses troupes rassemblées, la voix brisée par la fatigue. La confiance est la seule chose qui nous maintient debout. Si nous la perdons, alors c’est terminé.
Mais les regards éteints des membres du Réseau Libre lui disaient que la bataille ne se jouait plus seulement contre Magnus, mais aussi contre leurs propres démons intérieurs.
Dans l’ombre, Julius savourait son succès. Il avait semé le chaos là où la résistance trouvait autrefois sa force, et il savait que, tôt ou tard, cette spirale de méfiance les détruirait de l’intérieur. La guerre psychologique qu’il avait menée était, pour l’instant, son arme la plus redoutable.
Elara et le Réseau Libre n’avaient plus qu’une seule certitude : le pire restait à venir.
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