Chapitre Hors-Série II - 2
Une Parenthèse à Deux
Le matin se levait sur un ciel limpide, laissant entrevoir une journée ensoleillée qui semblait prometteuse. Pour une fois, Odilon avait décidé de mettre de côté ses engagements avec La Flamme. Après les tensions récentes et les disputes silencieuses, il savait qu’il devait prendre du temps pour Ella, sa petite sœur. Ce lien, fragile mais inébranlable, méritait toute son attention. Aujourd’hui, il voulait lui rappeler qu’au-delà des combats et des responsabilités, il restait son grand frère, celui sur qui elle pouvait toujours compter.
Odilon frappa doucement à la porte de la chambre d’Ella, attendant qu’elle se réveille. Elle ouvrit les yeux, encore ensommeillée, et le fixa avec surprise. Il n’était pas souvent là le matin, et encore moins avec ce regard à la fois sérieux et doux.
— “Viens, habille-toi, j’ai une surprise pour toi,” dit-il avec un sourire en coin.
Intriguée, Ella obéit sans poser trop de questions. Elle enfila une robe légère, attrapa son chapeau préféré et rejoignit Odilon qui l’attendait dehors. Ensemble, ils prirent le chemin du marché local, un endroit animé où les odeurs de fruits frais et d’épices flottaient dans l’air. Ella adorait cet endroit, même si, avec les récents troubles, elle n’y allait plus aussi souvent. Pour elle, c’était comme une bouffée d’air frais, une évasion du quotidien lourd et pesant.
Odilon l’entraîna vers un petit stand de poterie où une vieille dame vendait des créations faites à la main. Ella, fascinée par les couleurs et les formes, s’arrêta devant une série de tasses peintes à la main. Elle en prit une délicatement, admirant les motifs floraux qui la décoraient.
— “Celle-là, c’est pour toi,” dit Odilon en lui tendant quelques pièces pour la payer.
Ella sourit, les yeux brillants. Ce n’était pas tant la valeur de l’objet qui comptait, mais le geste, l’attention que son frère lui portait. Depuis quelque temps, Odilon semblait si distant, absorbé par ses missions et ses secrets. Ce simple cadeau avait pour elle une signification profonde.
Ils continuèrent leur balade, se promenant le long de la rivière qui bordait le village. L’air était doux, et le bruit apaisant de l’eau les enveloppait comme une mélodie familière. Odilon chercha ses mots, essayant de trouver une façon d’exprimer ce qu’il ressentait. Ella marchait à ses côtés, sa tasse en main, heureuse de cette parenthèse inattendue.
— “Tu sais, Ella,” commença Odilon, fixant l’horizon. “Je sais que je ne suis pas toujours là, que parfois, je te mets de côté. Mais je fais tout ça pour toi, pour nous. Je veux que tu puisses vivre libre, sans avoir à te cacher ou à te battre.”
Ella le regarda, touchée par ses paroles. Elle savait que derrière son silence et son air déterminé, Odilon portait le poids de tout ce qu’il ne disait jamais.
— “Je comprends, Odi. Mais j’ai aussi envie d’aider. Je veux être à tes côtés, pas seulement comme ta petite sœur, mais comme une alliée.”
Odilon soupira, cherchant comment lui faire comprendre qu’il voulait la protéger, sans l’étouffer. Il passa un bras autour de ses épaules et l’attira contre lui.
— “Je sais, et je suis fier de toi, tu sais ? Mais laisse-moi au moins te préserver de tout ça un peu plus longtemps.”
Ils continuèrent leur chemin, partageant des anecdotes de leur enfance, riant de souvenirs oubliés et de moments complices. Ella raconta comment, petite, elle essayait toujours de suivre Odilon en cachette quand il partait jouer avec ses amis, et Odilon, amusé, lui confessa qu’il l’avait toujours su mais faisait semblant de ne rien remarquer.
Après leur promenade, ils décidèrent de passer l’après-midi à pêcher au bord de l’eau, une activité qu’ils faisaient souvent avec leur père autrefois. Le soleil tapait doucement, et l’ambiance était paisible, loin des tracas habituels. Ella essayait de lancer sa ligne comme leur père le lui avait appris, mais chaque fois, le fil s’emmêlait maladroitement. Odilon se moqua gentiment, prenant le temps de lui montrer le bon geste, répétant patiemment jusqu’à ce qu’elle y parvienne.
Assis côte à côte sur la rive, ils échangèrent des confidences. Ella lui parla de ses rêves, de ses peurs, de son désir de se rendre utile, tandis qu’Odilon lui dévoila pour la première fois la pression qu’il ressentait de devoir être fort pour tout le monde. Ils se comprirent mieux ce jour-là, et une nouvelle complicité naquit entre eux, plus solide et sincère.
À la fin de la journée, le soleil se couchait lentement, teintant le ciel de nuances orangées. Ella regarda son frère, sentant que ce moment partagé était précieux, un de ceux qu’on garde en mémoire comme une lueur dans l’obscurité.
— “Merci, Odilon,” murmura-t-elle en posant sa tête sur son épaule. “Pour aujourd’hui, pour tout.”
— “Toujours, Ella. Je serai toujours là pour toi.”
Ce jour-là, Odilon ne fit pas de grandes promesses ni de serments impossibles. Mais il offrit à Ella quelque chose de plus important : du temps, de l’écoute, et la certitude qu’ils pouvaient affronter le monde ensemble, peu importe les obstacles. Ils rentrèrent chez eux le cœur léger, prêts à affronter les défis à venir, renforcés par ce moment de répit qui avait resserré leurs liens.
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