Corrige-moi mes fautes

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Mardi 22 mai 2012

— Embrasse-moi*.

— Pour quoi faire ? voulut savoir Arsène, stupéfait par la demande impromptue de son amie.

Cette réponse n’eut pas le loisir de plaire à cette dernière. Elle râla :

— T’es pas un romantique, toi.

— Pourquoi voudrais-tu que je t’embrasse ?

— Parce que… parce que tu me plais, tiens !

Arsène n’avait jamais pensé qu’il pourrait plaire à qui que ce soit de cette façon.

— Merci pour le râteau, soufla-t-elle, dépitée, tandis qu’il gardait le silence.

— Je n’ai même pas onze ans, se défendit-il. Pourquoi aimerais-tu un mioche ?

— T’es pas un mioche, nia-t-elle, t’es bien plus mature que tous les élèves du bahut réunis.

— Pas à ce niveau-là. L’amour ne m’intéresse pas.

— Bon, OK. Je peux attendre, tu sais ? Quand tu seras prêt.

— Euh, ben… on verra, balbutia Arsène.

Ils sortirent du recoin où Salomé avait entraîné celui qu’elle aurait aimé avoir pour petit ami. Arsène l’accompagna jusqu’à l’arrêt de bus, lui dit « À demain » en espérant qu’elle ne lui en voudrait pas trop et joua avec les écouteurs de son MP3 sans les insérer dans ses oreilles, le temps de ses cogitations. Encore une fois, il avait répondu de travers et blessé son amie. L’enfant se dit qu’il aurait dû voir les petits signaux envoyés par l’adolescente. Sur le coup, il n’avait pas su les décrypter. Rétrospectivement, il les trouvait limpides. Une nouvelle fois, il maudit ses faibles capacités d’analyse du comportement d’autrui. Depuis que Salomé et lui étaient amis, le collégien se trouvait encore plus gauche, même s’il avait l’impression de s’être amélioré sur certains points. Si seulement quelqu’un pouvait lui pointer ses erreurs et l’aider à les corriger…

Pour se changer les idées et éviter de s’appesantir sur ce nouveau faux pas, il alluma son MP3 et se choisit une chanson au refrain de circonstance.

Je n’embrasse pas / Non je n’embrasse pas comme ça*…

¯

Salomé tut à sa mère le chagrin qui lui gonflait la poitrine. Elle avait beau se marteler que ce n’était pas grave si Arsène ne voulait pas d’elle, que peut-être, un jour, une fois qu’il aurait gagné en maturité, elle pouvait espérer que… Au fond d’elle-même, elle se dit que le problème ne venait pas lui, mais d’elle. Pas assez jolie. Pas assez fine. Pas assez intelligente. Pas assez de charme. Pas assez de conversation. Pas assez intellectuelle.

Elle n’était juste « pas assez ».

Ou trop.

« Trop grosse. »

Elle se plaça devant un miroir et souleva son tee-shirt. Entre deux doigts, elle pinça la peau de ses hanches. La dysmorphophobie dont elle souffrait, et qu’elle niait, lui montrait une autre elle, trop grosse, au corps plein de bourrelets.

« Je suis horrible. Pas étonnant qu’il ait dit non. Comment j’ai pu oser lui demander de m’embrasser ? J’ai dû le dégoûter. Oh là là, j’espère que ça ne brisera pas notre amitié. »

Il ne lui restait qu’une chose à faire pour éliminer toute cette graisse disgracieuse, qu’elle cacha de nouveau sous ses vêtements : qu’elle maigrisse un peu plus.

Elle approcha son visage de son reflet. La tête d’Alice piquée dans son lobe droit semblait compatir, tandis que de l’autre côté l’air malicieux du chat du Cheshire semblait la défier.

« Mais de quoi, vilain chat ? »

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