If you stay with me
Samedi 16 février 2013
We can touch the sky.* Je te jure, il m’a sorti une tirade en anglais ! Il était trop chou ! (cœur)
Arsène imagina Lucas exprimant son transport amoureux dans la langue de Shakespeare avec son accent bien frenchie.
As-tu réussi à ne pas te marrer ?
Difficilement. :D
C’était une belle soirée.
Je me sens bien avec lui.
Je me réjouis pour toi. Pour vous.
Salomé racontait sa première Saint-Valentin qu’elle avait célébrée avec Lucas le vendredi soir, un jour après la date officielle. Elle avait dîné avec lui chez elle, sa maman veillant au grain.
Il ne faisait plus la gueule ?
Arsène faisait référence à l’information qui avait mis Lucas de travers le 14 février : Oscar Pistorius inculpé du meurtre de sa compagne. Il les avait serinés au lycée, comme quoi il ne parvenait pas à y croire, qu’il était dégoûté… Son modèle dans le handisport venait de chuter de son piédestal.
Il n’a pas relancé le sujet. Ouf !
Maman l’a pas mal interrogé sur l’athlé. Elle paraissait épatée ! Je crois qu’elle approuve son nouveau gendre, ah ah ! XD Ils s’entendent bien.
Cool ! Techniquement, il n’est pas son gendre. À quelle place a-t-il fini au fait ?
Arsène jeta son portable sur son lit quand il entendit des bruits de pas dans le couloir. Il baissa le nez sur ses devoirs et fit semblant de réfléchir à un problème de maths. Les frottements contre le sol s’éloignèrent. Par pure précaution, Arsène résolut l’exercice, puis ouvrit son TP d’anglais. Il tendit l’oreille, mais le silence semblait revenu pour un moment. Il alla récupérer son portable réglé sur le mode silencieux et revint s’asseoir à son bureau. Une réponse de Salomé.
Cinquième. J’aimerais bien aller le voir un jour. Ça te tenterait ?
Ben si, un gendre, c’est bien le copain de la fille par rapport aux parents ?
Bien sûr que ça me tente !
Seulement quand le copain est marié à la fille.
Arsène avait fini par classer l’incident « tabassage de ce crétin de Kévin » dans le dossier « à oublier ». Il agissait comme si rien ne s’était pas passé et s’était efforcé, du moins les premiers temps, de ne pas changer d’attitude envers son ami.
OK, tu m’apprends encore un truc.
J’espère que sa prochaine compète sera un samedi ou un dimanche.
Tu ne me demandes pas ce qu’il m’a offert ?
Ah, il t’a offert quelque chose ?
Arsène savait très bien de quoi il s’agissait, mais posa la question pour faire plaisir à sa meilleure amie.
Bah oui, p’tit frère ! Je suis sûre que tu peux deviner.^^
Le garçon n’eut pas à réfléchir longtemps puisqu’il en avait parlé toute la semaine avec Salomé. Il lui envoya le nom de code du nouvel album de leur groupe fétiche.
BCP !
Ouiiiii ! :) Il tourne en boucle depuis ce matin !
« La chance », se dit Arsène qui n’avait pas encore eu l’occasion d’écouter les titres, alors que ce douzième album était sorti en début de semaine.
Est-il bien ? Me le prêteras-tu ?
Oui et oui. Il tient toutes ses promesses. Lucas m’a offert une édition avec des bonus. Tu ne devineras jamais : il y a une chanson qui porte mon nom ! Je l’adooore ! (cœur)
Oh ! Génial ! De quoi parle-t-elle ?
Euh… De coma, je crois.^^’ Je n’ai pas encore potassé les textes. Je te charge des analyses.
Sans problème.
Arsène se dit qu’il ne pourrait plus songer à son amie sans avoir cette chanson en tête une fois qu’il l’aurait écoutée. Il était content pour elle que l’album la détourne un temps de ses problèmes. Depuis qu’elle sortait avec Lucas, elle semblait aussi reprendre de la vigueur et être plus optimiste, ce qui rassérénait Arsène qui craignit toutefois qu’elle ne rechute le 10 avril.
La lumière de son portable annonça un nouveau message. Lucas.
Salut Cheshire cat, ça va ? Je viens de me lever. Pas beaucoup dormi, je pense tout le temps à Salomé. C’était trop bien hier ! Elle a kiffé son cadeau ! Merci encore de m’avoir soufflé l’idée.
Un regard sur l’horloge de son téléphone lui apprit qu’il était dix heures passées.
Salut marmotte-lapin blanc. Je suis debout depuis 7 h. Je suis très heureux pour vous deux. Elle a parlé de cet album toute la semaine, je ne sais toujours pas comment tu as pu me demander conseil.
7 h ! T’es barjot ?
Je suis pas très doué, hein ?
Tu es plus doué en athlé.
Arsène passa sur un message de Salomé.
Il y en a une que j’aime bien qui s’appelle Wuppertal. Tu sais ce que ça veut dire ? J’ai déjà hâte de l’apprendre au piano ! :)
C’est une ville d’Allemagne.
Dans la foulée, il lut un nouveau SMS de Lucas.
Je t’ai pas dit : j’ai fini cinquième.
Bravo ! Sur combien ?
Il revint sur la conversation avec Salomé.
Mais comment tu sais ça ? :O
J’ai lu un livre sur l’Allemagne une fois. Il y avait une carte.
Arsène rebascula sur Lucas.
Sur 5, ah ah ! XD L’important c’est de participer, pas vrai ?
Je suis désolé pour toi.
Il renvoya un message à Salomé.
Tu ne m’as pas dit qu’ils n’étaient que cinq participants à sa course.
Tu as de drôles de lecture quand même.
Ils n’étaient que 5 ?
Oui, il vient de m’en faire part.
Message de Lucas.
Ne le sois pas. Je suis satisfait de ma course, c’est l’essentiel.
Salomé n’était pas au courant que vous n’étiez que cinq.
Je ne lui ai pas dit. Pour ma défense, elle me l’a pas demandé non plus.
Arsène cessa de répondre à ses amis. S’il voulait avancer dans ses exercices, il fallait qu’il laisse son portable de côté. Il le renvoya sur son lit.
À onze heures, sa mère le prévint qu’elle allait faire les courses. Son père étant au travail, Arsène en profita aussitôt. Il alluma son ordinateur et se connecta à son compte Facebook qu’il avait créé en utilisant un pseudonyme et en trichant sur sa date de naissance. La première fois, il avait ouvert un compte sous son vrai nom. Erreur ! Ses camarades de classe l’avaient repéré et aussitôt inondé de messages plus blessants et haineux les uns que les autres. Deux jours plus tard, il avait supprimé toutes traces de sa présence. Quelques mois s’étaient écoulés avant qu’il n’ait osé remettre la souris sur ce réseau social en optant pour le nom littéraire d’Arsène Lupin. Il n’avait ajouté ni photo de profil ni informations personnelles, ne publiait jamais rien et n’avait aucun ami. Comme un fantôme sur la toile. Il avait seulement liké la page de son groupe favori. Son fil d’actualité ne comportait que leurs publications parasitées par quelques publicités imposées par le réseau social.
Il regarda rapidement les posts qu’il avait loupés : un décompte précédant la sortie du nouvel album, l’annonce du passage du groupe au Grand Journal, une publication remerciant le public d’avoir fait de l’album le numéro 1 sur iTunes le jour de sa sortie…
Par curiosité, il chercha les paroles des chansons sur leur site officiel, lut celles de Salomé et, en quelques mots, donna sa propre analyse à sa meilleure amie.
Pour moi, il s’agit d’une chanson évoquant un drame. La mort de Salomé et la sortie du coma de son petit ami qui peine à réaliser ce qui est arrivé.
Arf ! C’est moins fun tout de suite.^^’ Tu l’as écoutée ?
Ça reste raccord avec certains de leurs thèmes de prédilection. Le coma, la mort, le deuil, l’amour… Non, j’ai juste lu les paroles.
Le coma ? Dans quelles autres chansons ?
Cherche. On retrouve le mot dans les titres de deux d’entre elles. L’une a même deux versions.
Les aiguilles de son horloge murale indiquèrent onze heures quarante-deux. Il était temps de se remettre au travail. Sa mère n’allait pas tarder à revenir des courses et à contrôler l’avancée de ses devoirs. L’après-midi, elle partirait au travail, et il se retrouverait seul jusqu’au retour de son père. Il ne savait jamais à quoi s’en tenir avec lui. Dîner en tête en tête avec Roger était un moment des plus hasardeux qui se répétait une à deux fois dans la semaine, quand Tatiana était du soir ou de nuit. Soit tout se déroulait à merveille, soit…
« N’y pense pas », s’enjoignit-il.
Cependant, Arsène passa une excellente soirée. Son père étant de bonne humeur, tous deux cogitèrent autour d’une partie d’échecs après le dîner. Après une lutte acharnée, Arsène parvint à coincer le roi adverse.
— Échec et mat.
Roger soupira en relâchant sa concentration.
— Je n’ai plus rien à t’apprendre, fils, le félicita-t-il. T’es le meilleur.
Arsène lui sourit avec sincérité. Il aimait tellement son père dans ces moments-là.
— Que dirais-tu que je t’apprenne à jouer aux dames chinoises ? demanda Roger en sortant une boîte de jeu flambant neuf d’un sac.
— Oh oui !
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