À vous qui passez sans me voir... 1

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Souvent de bon tain et parfois sans, je m’offre à votre choix : mat ou brillant.

Je luis sous les reflets, aux envies du soleil ou des gouttes de pluie. Je peux pleurer dès l’aube, à la rosée. Je chatoie sous l’élan du vent qui agite les feuilles d’érable. Quand la fenêtre s’ouvre, je me soumets aux senteurs fruitées et aux couleurs rougissantes du prunier d’à côté.

On me juge grand ou petit ; je varie aux humeurs du regardant. Je me fais séducteur à bomber mon œil de bœuf un soir d’automne et me transforme en mirage à sorcières un soir d’hiver.

Je précise, pour ôter toute confusion, que je suis miroir et glace en même temps et porte fièrement la couleur du vif-argent. On m’adopte le plus souvent sous ces appellations.

Je résiste au temps pour peu que mon cadre soit solide et mon verre armé. Je remplis avec courage les missions que l’on me confie sous l’allocation des utilités choisies.

Pourtant vingt ans après de bons et loyaux services, et par lassitude, ceux qui m’ont emporté dans leur vie, me donnent aujourd’hui la sévérité de leurs regards et m’inondent d’une tristesse sous laquelle je m’alanguis. Parfois un désespoir pointe sous l’ampoule matinale réverbérée. Je témoigne de leur fatigue, affaissant leur bout de nez. Là, ils me parlent d’une ivresse momentanée et déraisonnée, portée par une bouche en vrac et des sourcils gondolés. Je m’alourdis de leurs états, sous les cernes de leur âme questionneuse et harangueuse. Incapable de leur répondre, mon mutisme fait office de discrédit malheureux et inattendu.

Alors, sous des prétextes erronés, on me déménage parce que trop grand, parce que trop vrai à dérouter leurs espoirs vains et à perdre leurs illusions. Ils cherchent en moi ce que je ne peux leur offrir si ce n’est l’image d’une attente consommée qui se serait fourvoyée.

Je me ternis à m’en faire voir de toutes les couleurs, jusqu’à me piqueter du noir de leurs soucis.

Il me délaisse un temps dans un placard. Là encore, je dérange : je prends trop de place. Heureusement, mon encadrement argenté me garde fière allure et me préserve de la mise au rebut.

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