Alexis

Je ne sais si c'est la sortie, le charme des Auches, la beauté de la vue, la douceur de la soirée après la fraîcheur de la journée, le repas délicieux, le verre de vin qui chante dans mon verre. Toujours est-il que je me sens bien, détendu, alors que nous terminons le repas, Layla et moi.

Elle m'a raconté des souvenirs d'enfance, pourquoi elle était autant attachée à cette maison, la restauration qu'elle a engagée. De ce que j'en ai vu - c'est-à-dire essentiellement la vaste pièce de vie et la cuisine -, c'est du beau travail. Cette maison a une âme et Layla a su la conserver, même en faisant tomber des murs, en agrandissant des fenêtres et en modernisant les lieux. La terrasse offre une vue magnifique sur la vallée de la Volane, les montagnes et Antraigues. Moi qui avais l'impression d'être isolé dans mon gîte, je me rends compte que vu d'ici, je suis en banlieue. Enfin, on pourrait dire ainsi en reprenant du vocabulaire parisien. C'est isolé, tranquille. Et je comprends que Layla puisse aussi bien s'y ressourcer. C'est très certainement absolument nécessaire pour elle.

Je vais pour l'aider à débarrasser la table, mais elle m'arrête d'un geste, me demande si je veux un café. Je devrais refuser, car à cette heure, un café, c'est endormissement garanti à 3h du matin, pas avant, mais refuser serait comme le signal du départ et j'ai envie de prolonger un peu notre soirée. D'autant que, si le jour décline, il ne fait pas encore nuit. Les journées rallongent vraiment. Après tout, nous sommes à un peu plus d'un mois de l'été.

Alors que Layla est rentrée dans la maison, que je l'entends s'activer dans la cuisine, je me lève pour observer les alentours et pas seulement la vue. Je m'approche du mur qui borde la terrasse. Quelques murettes bien entretenues s'alignent en contrebas. Les parcelles de terrain qu'elles offrent sont couvertes d'une belle herbe de prairie. Plus bas s'étend un vaste bois de châtaigniers. Si j'avais été attentif, lorsque nous avons pris la route ce matin, j'aurais certainement pu le voir sur notre gauche, de même qu'apercevoir la maison.

Bien vite, mes pensées divaguent, m'abandonnent et s'envolent je ne sais trop où. Je n'entends même pas Layla revenir et déposer nos tasses de café sur la table. C'est simplement lorsqu'elle s'approche de moi que je reprends conscience de l'endroit où je me trouve, de sa présence et de ma propre personne.

Comme à bien des reprises depuis que nous nous sommes vus pour la première fois, il y a une semaine, sur la place d'Antraigues, nos regards plongent l'un dans l'autre. Avec plus d'intensité encore me semble-t-il qu'à la cascade. Mon cœur qui lui aussi, comme mes pensées, s'était carapaté je ne sais où, se met à nouveau à battre comme un fou. Je ne parviens cependant pas à esquisser le moindre geste, mais quand la main de Layla frôle mon bras, que ses doigts effleurent mon poignet, je ressens comme une violente décharge et un appel puissant.

Je ne peux plus rien décider, rien contrôler. Ma main prend la sienne, nos doigts se cherchent, se trouvent, se nouent. Son visage est très proche du mien, je vois comme une lueur s'allumer dans ses yeux.

Et je crois bien que c'est moi qui l'embrasse.

**

Je ne sais comment nous nous sommes retrouvés dans sa chambre. Je ne garde aucun souvenir du parcours entre la terrasse et son lit. Tout juste de l'élan puissant qui me pousse vers elle, du désir ardent qui enflamme tout mon être. C'est tellement fort, soudain, inattendu que je crains un moment de totalement perdre le contrôle. Et c'est sans doute Layla qui me maintient à flot.

Ses mains partent à l'aventure sous ma chemise, les miennes caressent déjà la pointe de ses seins tendus. Notre baiser étouffe sa première plainte. Le seul moment où je reprends un peu le contrôle de moi-même à défaut de la situation, c'est quand je me retrouve agenouillé devant elle, à faire glisser son pantalon. J'avais bien noté, il y a une semaine, qu'elle avait des jambes superbes puisque c'était même la première chose que je découvrais d'elle. Mais pouvoir les caresser, laisser mes doigts dessiner lentement leur galbe, c'est un vrai cadeau.

Alors que j'embrasse ses cuisses, que mes lèvres se joignent à mes doigts pour les parcourir, elle gémit et ses mains se perdent dans mes cheveux. Rien que la pulpe de ses doigts effleurant ma nuque et je bascule à nouveau dans l'oubli de tout.

Je crois que c'est elle qui m'entraîne vers le lit alors que je fais voler ses dessous à travers la pièce, me moquant totalement de l'endroit où ils vont atterrir. Je plonge entre ses seins, eux aussi magnifiques, elle se cambre, gémit et m'appelle déjà.

Cela pourrait ressembler à une de ces étreintes rapides, une de celles que l'on vit pour une aventure d'un soir. Il n'en est rien. Son ventre est plus chaud et accueillant que tout ce que j'ai pu connaître jusqu'à présent. Lorsque je viens en elle, nos regards se soudent et ne se lâchent pas et je plonge autant dans la nuit de ses pupilles que dans la moiteur délicieuse de son sexe. Et si elle chavire la première, l'instant d'après, je ne suis plus rien. Ou plutôt plus qu'un.

Avec elle.

Layla

Mes doigts parcourent lentement le dos et la nuque d'Alexis. Il est encore couché sur moi, blotti en moi. Nous peinons à reprendre nos souffles. J'ai gardé les yeux ouverts, mais je ne vois rien de ma chambre. La perception que je peux avoir de l'univers s'arrête à lui, comme si rien au-delà n'existait ou n'avait d'importance. Pas à cet instant, en tout cas. J'entends son cœur battre vite ou peut-être est-ce le mien qui résonne en écho. Je ne sais, je n'arrive pas à les distinguer l'un de l'autre. Son souffle est chaud dans mon cou, sa main gauche caresse tendrement ma hanche, alors que l'autre est glissée dans mon dos.

- Layla ? parvient-il à articuler.

Je ferme les yeux, tente de retrouver mon souffle pour lui répondre dans un soupir :

- Alexis ?

- Ca... ça va ?

Je souris. Oh oui, ça va. Ca va même très bien !

- Oui, lui murmuré-je à l'oreille. Et toi ?

- Je... J'ai l'impression... de... d'être perdu.

Je prends son visage dans mes mains, l'écarte doucement de mon cou et le regarde, un peu amusée et inquiète aussi :

- Vraiment ?

Il me fixe un moment, son regard d'un peu lointain devient plus sûr, les paillettes dorées scintillent doucement.

- Tu as des yeux magnifiques, dis-je.

- Ah ? fait-il comme si personne ne le lui avait jamais dit.

Puis il sourit et me dit :

- Toi aussi.

Nous rions alors ensemble avant qu'il ne cherche à s'écarter de moi, mais je le retiens en resserrant l'étreinte de mes jambes autour de ses reins, puis lui murmure en le fixant toujours droit dans les yeux :

- Reste...

**

Il est resté. Et très vite, nous avons recommencé. Même si je dois le rassurer quand il mesure que nous ne nous sommes pas protégés, même s'il ajoute aussitôt qu'il est "clean". Moi aussi et je lui précise que j'ai un stérilet, donc on peut recommencer autant qu'on veut.

Et on recommence autant qu'on veut. Et plus encore car la nuit se fait douce et protectrice, nous donnant le sentiment d'être seuls au monde.

Nous prenons cette fois le temps de nous découvrir, de nous parcourir, de monts en vallées, cherchant les chemins qui émeuvent. Ma curiosité et mes envies sont comme attisées, peut-être parce que cela fait une éternité que je n'ai pas fait l'amour. Peut-être parce que cela fait une éternité que je n'ai pas partagé mon lit. Peut-être parce qu'Alexis a vraiment tout pour piquer ma curiosité et réveiller mes envies.

Longuement mes mains parcourent son torse, ses bras, son dos, s'arrêtant avec délice sur les muscles de son ventre. Mes doigts dessinent des chemins inconnus, intrépides, sur sa peau. Mes lèvres effleurent, sucent, insistent à chaque petit coin délicieux. Et déjà, j'aime sentir son cœur battre plus vite, j'aime entendre son souffle devenir rauque, j'aime recueillir ses plaintes dans mon cou.

Et j'aime quand il se perd en moi.

Mais j'aime aussi cette façon à la fois délicate et assurée qu'il a de me découvrir, de me parcourir, de réveiller les recoins secrets de mon corps, de susciter mon désir, de faire de moi une flamme incandescente que rien ne peut éteindre. Et qui, à chaque fois, se réveille et se révèle plus vive et lumineuse.